Le rapport Castonguay a déjà du plomb dans l'aile

Le ministre Philippe Couillard dit non à la pratique médicale mixte et au recours étendu à l'assurance privée

Commission Castonguay



Philippe Couillard a de sérieuses réserves quant à certaines recommandations que doit formuler le groupe de travail présidé par Claude Castonguay. Le ministre plaide pour un système public de santé «très fort» dans lequel le privé n'a qu'un rôle de soutien.
Québec - Philippe Couillard rejette la possibilité que les médecins puissent travailler à la fois dans le public et le privé, comme doit le recommander le groupe de travail sur le financement de la santé, présidé par Claude Castonguay. Le ministre de la Santé et des Services sociaux s'oppose aussi au recours étendu à l'assurance privée.
«Ce serait de l'irresponsabilité si on faisait ça [la mixité de la pratique médicale] maintenant avec la pénurie d'effectifs», a livré Philippe Couillard hier.
Le ministre serait d'ailleurs «surpris» si le groupe de travail Castonguay, dans le rapport qu'il rendra public le 19 février prochain, n'assortissait pas cette recommandation sur la mixité de la pratique médicale à «des conditions de réalisation» qui tiendraient compte de la pénurie actuelle de médecins. «De façon pratique et pragmatique, je pense que tant qu'on n'a pas un niveau d'effectif médical suffisant, ce n'est pas justifié.»
À l'heure actuelle, un médecin participant au régime public ne peut pas faire les mêmes actes médicaux dans sa clinique privée en demandant des honoraires à ses patients. Seuls les médecins dits non participants, qui se sont complètement désengagés du système public, peuvent le faire. Avec la mixité de la pratique, le médecin participant, après avoir assuré un certain nombre d'actes dans le réseau public, pourrait offrir ses services dans une clinique privée contre rémunération versée par les patients.
Ce n'est pas pour des raisons «purement théoriques ou idéologiques» que le ministre s'oppose à cette mixité, chose courante dans des pays avancés comme la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, a-t-il précisé. Mais il a fait valoir qu'en France, toutes proportions gardées, il y a beaucoup plus de médecins qu'au Québec, jusqu'à 37 % de plus. Il ne manque donc pas de médecins pour combler les besoins du réseau public.
Philippe Couillard a relevé une autre particularité du Québec: la difficulté pour les régions éloignées d'attirer des médecins. Si elle était permise, la pratique privée ne serait sans doute pas aussi florissante que dans les centres urbains. «Quel incitatif va-t-il rester pour les médecins d'aller pratiquer en région?», s'est-il demandé.
Contribution de l'usager
Le ministre n'est toujours pas chaud à l'idée d'imposer une contribution à l'usager pour les actes médicaux. Selon les calculs de M. Castonguay et de sa fille économiste Johanne, qu'il avaient présentés à M. Couillard en 2006, une contribution de 25 $ pour toute visite faite à un médecin généraliste générerait une somme de quelque 780 millions par an.
Or, selon nos informations, cette contribution ne serait pas exigée lors des visites chez le médecin mais prise à même la déclaration de revenus. Cette contribution serait sujette à un plafond et serait modulée selon le revenu, en suivant un modèle semblable à la prime d'assurance médicaments.
«L'assurance privée ou l'injection de fonds privés ne sont pas des solutions au problème de financement. Il n'y a pas un pays qui l'a démontré», a affirmé M. Couillard. À son avis, le vrai débat se situe plutôt entre un financement qui provient de la fiscalité générale et un autre tiré de «la fiscalité dédiée», un fonds santé bien désigné, pas exemple. C'est cette voie que doit aussi recommander le groupe de travail Castonguay en proposant une hausse de la taxe de vente du Québec de un demi à un pour cent, ce qui représente un demi-milliard ou un milliard de dollars par année pour alimenter ce fonds santé.
Assurances
Quant à la généralisation des assurances duplicatives, que le rapport doit préconiser, le ministre a émis des réserves hier. Il a reconnu que l'ouverture à l'assurance privée permise par la loi 33, en réponse au jugement Chaoulli, pour trois types de chirurgies, est très limitée et ne permettra sans doute pas l'émergence d'une offre réelle de la part des assureurs. «Tant mieux», s'est exclamé Philippe Couillard. «Le but, c'est d'avoir un système public très fort à travers lequel le privé joue un rôle et qui est en soutien.»
Du côté des fédérations de médecins, on réagit de façon opposée à l'introduction d'une contribution des usagers. Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, estime qu'un ticket modérateur est «un frein important» à l'accessibilité et «aurait surtout comme effet de modérer des gens qui ont besoin de consulter». Conséquence: ces patients finiront par coûter plus cher au système parce qu'ils auront manqué de suivi médical. Il n'existe pas de phénomène de surconsommation de soins au Québec en raison notamment de la pénurie de médecins, a-t-il fait observer. «Avec tout le temps que ça prend pour réussir à consulter un médecin, je ne vois personne qui s'amuse à consulter pour le plaisir», estime le Dr Godin.
Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette, juge au contraire qu'une contribution des usagers, assortie de dispositions pour en exempter les plus démunis, s'impose.


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