Dans sa manière de s'adresser à la population, dans ses stratégies de communication politique, chaque gouvernement développe son propre modus operandi. Dans ce domaine sensible, chaque gouvernement a son petit «secret». Ou, si vous préférez, sa recette secrète. Parfois, elle est originale. Parfois, elle reprend de grands classiques en politique. Voyons de plus près quelques exemples particulièrement éclairants...
«Violence et intimidation»
Le petit «secret» du gouvernement Charest était son usage répété de l’hyperbole.
Pour mieux frapper l’imaginaire collectif – en fait, pour tenter de conditionner l’opinion publique -, le premier ministre et ses ministres alignaient les hyperboles à la vitesse de l’éclair. Mais surtout, ils les répétaient jusqu’à ce qu’ils s’installent dans le vocabulaire politique et médiatique du jour.
L’exemple le plus spectaculaire nous est venu pendant la grève étudiante du printemps 2012.
Pour tenter de discréditer un mouvement de contestation qui non seulement, lui tenait tête, mais qui menaçait aussi de s’étendre aux régions et aux autres générations, la formule hyperbolique choisie et répétée à satiété fut de présenter le mouvement étudiant comme celui de la «violence et de l’intimidation».
Le but était également de présenter le gouvernement Charest comme le gardien de l’ordre et de la discipline.
Le tout, à la veille d’une prochaine campagne électorale cruciale pour le PLQ. Question, sur le plan stratégique, de diviser l’opinion publique en deux clans : les pro-grève et les anti-grève. Un exemple classique de ce qu’on appelle en anglais le «wedge politics».
Le règne du «flou»
Le petit «secret» de l’éphémère gouvernement Marois reprenait tout simplement celui des chefs précédents du Parti québécois de l’ère post-référendaire de 1995.
Soit de maintenir le «flou» le plus absolu possible avant tout sur sa propre option et, accessoirement, sur ce qu’on appelle l’«échéancier référendaire».
Ce «flou» était d’une opacité telle qu’un simple «poing levé pour le pays» en début de campagne électorale suffirait à semer la panique dans l’autobus du Parti québécois et à lancer la première ministre sortante dans une série de spéculations, puis de reculs, impressionnants.
Bref, un simple «poing levé», par simple effet de contraste, réussirait à exposer les dangers du «flou» qui flottait au PQ sur son option depuis presque vingt ans déjà.
La recette secrète du gouvernement Couillard : un grand classique...
Quant au gouvernement Couillard, en temps, il a beau être encore jeune, son petit «secret» n’a rien d’original. Ce qui frappe, c’est plutôt l’intensité avec laquelle il en fait usage.
Sa recette, c’est l’art de dire le contraire de la réalité. Et ce, même lorsqu’elle saute aux yeux. Le tout combiné à l’art complémentaire qu’est la négation systématique de la réalité.
Vous avez sûrement vos propres exemples en tête. Sous le vaste thème de l’«austérité», ils ne manquent pas.
Un exemple tout chaud est celui du ministre de l’Éducation, Yves Bolduc – possiblement le champion du conseil des ministres en cette matière.
Cette semaine, Mathieu Bernière – un enseignant à la commission scolaire des Premières seigneuries -, remettait au ministre Bolduc une lettre cinglante.
En réaction aux offres gouvernementales faites aux enseignants du réseau public québécois – dont un gel salarial de deux ans, hausse du ratio enseignant-élèves par classe, augmentation des tâches sans compensation, etc. -, M. Bernière y dénonce durement l’«hypocrisie» et l’«incompétence» du ministre, de même que l’idéologie «élitiste et mercantile» du gouvernement.
Pour la lire, c’est ici.
Pour ma part, j’expliquais également ici les dommages qu’on risque ainsi d’infliger à un réseau scolaire public pourtant déjà amplement fragilisé.
En réponse, le ministre Bolduc lançait ces quelques perles. En fait, des spécimens de premier ordre de cet art de dire le contraire de la réalité.
Alors que le gouvernement présente des offres qui, si elles devaient se matérialiser dans le système, mettraient à mal la qualité même de l’enseignement en réduisant les conditions de travail des professeurs, le ministre affirme carrément le contraire.
Yves Bolduc disait donc reconnaître que l’«enseignant, c’est le facteur le plus important pour la réussite scolaire»; qu’il doit continuer à «valoriser» le métier d’enseignant :
«Y a des changements importants qu’on va faire au niveau /sic/ du système d’éducation qui vont être pour le mieux. On veut améliorer la réussite, on veut améliorer le fonctionnement de la classe, l’école, on veut décentraliser. (...) On veut le faire avec les enseignants (...) qu’on apprécie énormément.»
Bref, pour le dire autrement, c’est l’art de dire une chose et de faire son contraire...
En «extra»...
Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, n’est pas en reste. Il faut dire qu’il manie ce même art avec une rare intensité.
Ainsi, sur sa page Facebook, la vidéo de ses vœux de Noël a beaucoup fait réagir dans les médias sociaux. Et ce ne fut pas flatteur pour le ministre. Au point où son bureau a dû faire un sérieux ménage d’un trop-plein de messages jugés «inappropriés»...
Pour visionner la vidéo controversée, c’est ici.
On y entend M. Coiteux offrir aux Québécois ses vœux «les plus sincères» et les inviter à célébrer Noël «sous le signe du partage, de l’entraide et de la compassion envers les plus démunis et les plus vulnérables».
Venant du grand manitou de l’austérité, à la veille d’une année où le prochain budget du gouvernement s’annonce particulièrement austère, le message avait de quoi à choquer bien des gens...
Incluant, mais pas exclusivement, les plus démunis et les plus vulnérables...
Un très beau Noël à tous et toutes!
Sur ce, je vous souhaite un très beau Noël.
Que l'austérité ambiante laisse place à la générosité du coeur - celle que l'on mesure non pas en signes de dollars, mais en signes d'affection.
Je vous retrouve dès ce samedi dans les pages du Journal et sur son site web pour mon bilan de l'année.
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