Québec, juillet 2008. Stephen Harper et Michaëlle Jean accueillent Sa Majesté sous les regards émerveillés de ses loyaux sujets de Québec. Mme Boucher, tout endimanchée, trépigne de joie. La reine parle français, les héritiers de Champlain répondent en anglais.
Stephen Harper aime être entouré de canons. Il se sent en bonne compagnie sur les plaines d'Abraham. Vous a-t-on dit que son père avait publié deux livres sur les emblèmes militaires du Canada? M. Harper se voit comme un bâtisseur de pays dans le sens traditionnel du mot. Il bâtit en répandant le sang des autres sur les champs de bataille. Tant que ce n'est pas le sang de son fils. Pendant que les autochtones croupissent dans des réserves où règnent des conditions de vie dignes du Tiers-Monde, M. Harper a toujours de l'argent pour les chars d'assaut, les avions de transport de troupes et les navires de guerre.
Aujourd'hui, M. Harper se sent comme un protestant qui nargue les catholiques à Portadown en célébrant la victoire de Guillaume d'Orange sur Jacques II. Il fête la conquête militaire d'une nation. Mais oui, chers Québécois, vous êtes une nation. Cela ne fait aucun doute. Sans nation adverse, il n'y aurait eu ni victoire militaire, ni conquête. La Grande-Bretagne vous a écrasés en 1759, puis en 1837-1838. Depuis le temps, le pouvoir d'Ottawa a pris le relai. Vous êtes bel et bien une nation, mais une nation soumise au sein de ma fédération. Vous n'avez jamais choisi d'en faire partie, car la démocratie dont nous nous targuons aujourd'hui n'existait pas dans le temps: vote censitaire, conférence en catimini, et hop! voilà le Canada qui sort de la cuisse de Macdonald.
Mario Dumont, le chef de la «loyale opposition de Sa Majesté», comme il se plait à le dire, n'en finit plus de se prosterner devant sa souveraine bienaimée. L'Angleterre nous a délivrés de la bêtise et de l'ignorance. Sans elle, point de démocratie chez nous. Voyez ce qui est arrivé aux Français, ces ingrats. Ils n'ont même plus de roi en carrosse. Seulement un TGV pour le monde ordinaire.
Conscription, Cour suprême, Loi constitutionnelle de 1982, loi de la clarté référendaire, égalité des provinces, minorisation du Québec dans les institutions fédérales, pouvoir fédéral de dépenser, envahissement fédéral des champs de compétence du Québec et bilinguisme officiel pour bilinguiser le Québec en regardant les francophones disparaitre ailleurs. Benoît Pelletier nie tout cela. Le fédéralisme est bon pour la nation québécoise. M. Pelletier aussi est heureux que ses ancêtres aient été civilisés par l'Angleterre. Il a hâte que l'on finisse le travail. Vite, vite, de l'anglais en première année!
Pendant ce temps, des péquistes d'hier et des souverainistes velléitaires, ébahis eux aussi devant la grandeur de la fête consacrant à tout jamais le destin de Québec, ville conquise et annexée, se demandent s'ils ne devraient pas abandonner leur projet. Ça ne vaut plus la peine parce que les peuples n'ont plus de devenir collectif. Ils n'ont plus besoin de souveraineté dans le monde mondialisé et atomisé qui se parle par l'Internet. Tiens, tiens, leur soufflè-je, allez donc demander à Stephen Harper pourquoi diable, vu l'inutilité du nationalisme pour les profits des pétrolières, il tient tant à la souveraineté du Canada.
Je vois la scène d'ici. Ma caméra est prête. Ce sera «Le temps des bouffons 2».
Bernard Desgagné
Gatineau
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