Ils sont polis, les caquistes, vous ne trouvez pas? Ils se font chier en silence. Par les libéraux et par les péquistes qui n’ont aucune responsabilité sur la connerie érigée en système par cinquante ans de bipartisme...
Les autres aussi, les radicaux orangina, ils chiâlent et moralisent. Vaut mieux les ignorer ceux-là, et «dans leur face», avec plaisir et insolence...
Après tout, la CAQ a bel et bien 75 députés! La déroute des camps fédéralistes et souverainistes est consommée. Apprécions le calme de la Belle province. Laissons le fruit pourrir et comptons les hivers...
Plusieurs ne reverront pas un tel exploit avant d’être aux couches et aux petits soins de la CSN...
Au reste, la victoire a été à ce point écrasante qu’elle mérite réflexion. Elle a d'abord métamorphosé les caquistes. Ils sont différents, non? Ils étaient si peu sûrs d'eux-mêmes. Ils ne sont pas devenus outrancièrement humbles, ni hautains, ni trop heureux. Ils sont tout simplement bienheureux. Quasiment béatifiés. On dirait une congrégation. Tout le monde est gentil, calme, compatissant.
Mais à trop forte dose, la gentillesse peut être fatale, surtout à une époque où la grossièreté a son propre gala.
Les caquistes semblent tellement comblés qu’on se demande comment ils réagiront devant une récession, un déficit, un tramway ou un maire qui déraille...
On dirait les Petits chanteurs du Mont-Royal. À part Geneviève Guilbault, née pour les plus hautes fonctions, faite sur mesure GG: du nerf jusque dans le regard...
Quant à François 1er, il lévite, il flotte, il virevolte. Faudrait pas qu’il porte les espadrilles de Zanetti, on le prendrait pour une ballerine.
Souriant abondamment, répandant la confiance en l’avenir et la foi en la richesse; certains jours, on ne voit que ses dents aux nouvelles... Remarquez qu’on n’attend pas d’une «Personnalité de l’année» qu'elle fasse la gueule.
Chez les libéraux, la joie est différente. On mise sur l’amnésie. Celle des Québécois, historiquement démontrée. Il faut donc se méfier.
Parce que nos libéraux, on le sait, peuvent être sacrément farceurs. Ils ont d'ailleurs été capables de tout...
Ces temps-ci, ils nous la jouent écolo et tout et tout, en pensant qu’on a déjà oublié Fava, Rondeau, Bombardier, les fracturations dans la plaine, les méthaniers chez les bélugas, l’interminable parade à visage découvert, etc, etc, etc... À part un État boulimique remis à flot, les souvenirs ne sont pas très heureux...
Mais rappelez-vous combien ils étaient décontenancés, les mêmes libéraux, leurs petits amis aussi, les apparatchiks et les apprentis-sorciers, les vrais chefs et les grands manitous, les têtes enflées des cabinets d’avocats et les firmes de comptables de Montréal et de Toronto. Les ingénieurs aussi, bien sûr, putassant à la moindre immobilisation. Tous sur les dents du jour au lendemain.
Quand Couillard est revenu de Paris, plus vert d’Élizabeth May, ils avaient des faces d’enterrement, les liberals. Ils n’en croyaient pas leurs oreilles. Le monde des affaires basculait. Des tonnes de fric...
- Que çé qui fait là, Couillard! Yé tombé su'a tête!
- C’est Legault qui va parler d’économie à notre place, tabouère!
- Empêcher le pétrole! Joualvert! C’est pas libéral !
- Qu'est-ce qui fait là, lui, l'environnement!
Aux tables de la Grande-Allée, on se moquait joyeusement du Géant Vert. On riait jaune de l’amant de la nature, qui pouvait citer Marc-Aurèle devant des chambreurs de commerce ahuris...
Philippe Couillard a remonté dans l’estime des franchisés liberal en soutenant la cimenterie gaspésienne des Beaudoin, une idée environnemensale du PQ. On se disait sans doute que quelques millions de tonnes de GES de plus giclant au nord de l’Amérique ne changerait rien au sort des Maldives...
Lessivés aux élections, revoilà donc les libéraux à la rame comme à la leçon, battant pavillon du Québec et parlant le Molière, conduits par l’amiral Arcand, barbu et rajeuni, l'oeil vif dans des verres progressifs, et montrant un talent de fascinateur parfaitement inutile: le PLQ n’a nulle part où fuir, nulle part où se faire comprendre, hormis the west of Montreal, for fuck sake!
Quant aux péquistes, leur malheur est d’être restés ce qu’ils ont été ces vingt dernières années: hésitants, fuyants, évanescents. Sur la liste des espèces en voie de disparition.
Eux non plus n’ont guère de destination : à droite, ce serait la mort certaine dans le ridicule le plus cruel; à gauche, le territoire a été conquis par d’autres, des pas rigolos...
Quant au pays, ce songe mort-né, il a pris le maquis pour un sacré bout de temps, voire pour toujours...
Les meilleurs parmi les meilleurs sont montés au front pour rien et ceux qui restent ne prêchent plus qu'à des fidèles toujours habités par ce que Pilon appelait la lente macération de leur vengeance accumulée...
Octobre a tout balayé, ce fut l'hécatombe chez les politiciens professionnels... La CAQ a donc le champ libre. Pour quatre ans sinon plus... Legault a le temps d'agir, en masse de temps. Si rien ne change, il n'aura que lui-même à blâmer...