La croisade de plusieurs provinces contre le projet de loi 21 du Québec surprend un peu. On n'aurait pas cru qu'une chose aussi banale que des normes vestimentaires destinées non pas à la population, mais bien à des employés de l'État, puisse faire autant réagir.
Les Québécois ont semble-t-il atteint un certain consensus sur des concepts qui ne viennent même pas effleurer l'esprit des gens ailleurs au Canada et c'est là le drame. Les principes qui régissent les relations entre les individus sont ici codifiés dans une loi que l'on appelle le Code Civil. Nous avons hérité de cette façon de faire des Français: nous mettons nos règles de comportement en société par écrit. On ne s'adresse pas ici à ce qui est criminel, juste une sorte de "Code de bienséance" de la vie en société. Ça a le mérite de mettre les choses au clair et de permettre aux citoyens de savoir à quoi s'en tenir. Ce qui n'est pas spécifiquement interdit par écrit, on y a droit, c'est tout et c'est aussi simple que ça.
Le reste du Canada fonctionne différemment. On ne met pas tout dans les lois. Il y a des choses qui ne se font pas en société mais ce fameux "Code de bienséance" ne sera écrit nulle part et ce seront les citoyens lésés par nos comportements délinquants qui auront la tâche et la responsabilité de nous rappeler à l'ordre par l'entremise des tribunaux. On gardera par contre une trace des jugements passés pour y référer au besoin et nous guider dans ce qu'un juge pourrait décider à l'avenir dans des circonstances similaires. On appelle ça de la jurisprudence. Dans le monde anglo-saxon, la jurisprudence fait loi. Au Québec, la jurisprudence complète la loi, elle ne va pas la renverser ou l'invalider, à moins de circonstances exceptionnelles. Il y a là toute une différence.
Cette différence fondamentale entre nos systèmes juridiques nous vient de la Conquête de 1763. L'autorité Britannique a alors décidé de laisser au peuple conquis du Bas-Canada son régime légal hérité de la France et de laisser des citoyens paisibles et non belliqueux poursuivre leur vie selon les lois civiles et la religion qui étaient les leurs. Il faut croire que devant autant de règles codifiées guidant la vie en société de cette population, on se serait dit que les retirer, ce serait peut-être ouvrir la porte à des dérives et des troubles qui auraient compliqué bien des choses. Le Code Napoléon, comme on l'appelait, c'était bien pratique pour garder le peuple conquis sous contrôle.
De leur côté, les Britanniques ont déployé ailleurs au Canada leur système juridique basé sur ce que nous, Québécois, pourrions bien appeler du "flou mou"! Le rappatriement maladroit de la Constitution en 1982 et l'ajout de la fameuse Charte des Droits et Libertés était sans doute une avancée imprudente dans un domaine pour lequel on avait des compétences et de l'expérience ma foi fort limitées: mettre par écrit des règles de vie en société.
Au moins, on a eu la prudence d'y inclure une clause dérogatoire pour permettre aux provinces qui voudraient, pour des raisons qui sont les leurs, y déroger en partie. Mais le mal est fait: on a codifié dans une super-loi des choses qui prêteraient à interprétation et qui pourraient éventuellement diviser les citoyens du pays.
Le problème du reste du Canada avec le concept de laïcité de l'État n'est en fin de compte que le résultat d'habitudes et de coutumes fort différentes de règlementation de la vie en société. Le respect des coutumes des deux peuples fondateurs de ce pays devrait à mon avis dépasser toute autre considération et peut-être faire l'objet d'une approche didactique à l'endroit des Premiers ministres des autres provinces. La laïcité de l'État ne doit pas être vue comme une intrusion de l'État dans la vie des citoyens mais plutôt comme un refus de celui-ci de les influencer de quelque manière que ce soit par le comportement ou des signes distinctifs, en emploi il faut le souligner, de ses employés en situation d'autorité. Le mettre par écrit et l'inscrire dans une loi dite de "Bienséance religieuse de l'État" est alors tout naturel pour nous et tombe sous le sens mais demande peut-être explications au reste du Canada.
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