Les Américains pourraient mettre la main sur nos données personnelles

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Il faut mettre en place un système de sécurité québécois


Une nouvelle publiée hier est passée relativement inaperçue . Elle ne devrait pas, méritant certainement beaucoup plus d’attention que le linge de Catherine Dorion. Je parle de la réforme de l’informatique présentée par le gouvernement Legault. 


Celle-ci pourrait permettre à des agences de renseignement américaines de mettre la main sur les données de millions de Québécois. L’annonce a été faite hier par le ministre Caire : les données compilées et stockées par les ministères et organismes publics, qui sont actuellement hébergées dans 457 centres, seront désormais plutôt traitées dans seulement deux établissements. 


Qu’en fera-t-on? 80 pour cent d’entre elles seront confiées à des multinationales du secteur numérique comme Amazon, Microsoft, Google, IBM, etc. Éric Caire a évoqué d’éventuelles économies, ainsi qu’un traitement plus performant par les compagnies privées que par la bureaucratie étatique. 


Attention, danger! 


Elle s’inscrit aussi dans une tendance lourde au Canada et en occident : celle du copinage des pouvoirs publics avec les géants du numérique. On l’a vu en 2017 avec l’affaire Netflix, comme on a pu le constater en 2018 avec l’annonce du « nouvel ALÉNA », permettant aux mastodontes américains du web de passer leurs marchandises de 150 $ et moins au Canada sans payer de tarifs douaniers, et exemptant celles de moins de 40 $ de la TPS et la TVQ . On a aussi pu prendre conscience, récemment, de l’importance du lobbying exercé par Amazon à Ottawa.  


Les lois américaines suivant le 11 septembre 2001 donnent à la CIA et au FBI le droit absolu de réquisitionner les renseignements détenus par quiconque. Quiconque inclut les corporations, à qui on a par ailleurs offert le statut juridique de personne morale. 1+1=2 : le gouvernement américain pourrait obtenir les données personnelles des Québécois. Libre à chacun, cependant, de croire ou non les promesses gouvernementales à l'effet que ça n'arrivera pas... 


Une question nationale 


Il s’agit là d’un enjeu de gestion des intérêts supérieurs et stratégiques de la nation. Ces informations pourront être utilisées contre nous (manipulation, identification, etc.) par une autre nation. Si ces gouvernements sont déjà capables de pirater nos serveurs, ici, le gouvernement a pour devoir de gérer les données sensibles et de les protéger.  


J’ai l’habitude de comparer le numérique à la marée : on ne peut empêcher sa montée, mais on peut certainement construire des digues fluviales. Ici, pour s’assurer de garantir la plus élémentaire des sécurités à nos informations personnelles, pourquoi ne pas envisager – comme le proposait la spécialiste des stratégies numériques Michelle Blanc – la création d’un parc québécois de serveurs? Le gouvernement proposerait là une politique numérique véritablement responsable. 


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 Simon-Pierre Savard-Tremblay, socio-économiste (Ph.D.)                


 Pour me contacter : simonpierre.savardtremblay@ehess.fr         



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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).