Les Attikameks s’attaquent à l’indifférence de Québec

La nation autochtone déclare sa souveraineté sur un territoire de 80 000 km2

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Pour une relation de nation à nation

La nation attikamek a fissuré lundi le « mur d’indifférence » derrière lequel elle est prisonnière avec une déclaration ayant l’effet d’un coup de massue médiatique : elle a déclaré sa souveraineté sur un territoire de quelque 80 000 km2 en plein coeur du Québec.

« Nous avons décidé de mettre en oeuvre notre droit à l’autonomie gouvernementale sur notre territoire Nitaskinan », a lancé le Grand Chef de la nation attikamek, Constant Awashish, à l’occasion d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale lundi après-midi. Tout projet d’exploitation de ressources naturelles sur ce « territoire ancestral » devra dorénavant obtenir l’aval des communautés de Manawan, Opitciwan et Wemotaci avant d’être lancé, a-t-il averti, avant de prendre soin de rappeler la décision de la Cour suprême reconnaissant les droits ancestraux de la nation Tsilhqot’in en Colombie-Britannique.

Il enjoint aux gens d’affaires, au premier chef les producteurs de produits forestiers, de se soumettre à la « juridiction » de la nation attikamek leurs projets, en s’assurant préalablement qu’ils respectent à la lettre les « conditions » de l’exploitation des ressources naturelles propres à Nitaskinan. « Chose certaine, on ne veut pas seulement être consultés dans les différents projets », a indiqué le chef du conseil de Wemontaci, David Boivin.

En concluant des « ententes » avec la nation attikamek, les « industriels » permettront de « maintenir une certaine paix dans le développement des ressources naturelles », a ajouté le chef du conseil d’Opitciwan, Christian Awashish.

En brandissant la « Déclaration de souveraineté d’Atikamekw Nehirowisiw », les Attikameks ne cherchent pas à créer une « crise ou un conflit », mais tout simplement à briser « le mur d’indifférence » empêchant un développement économique et social soutenu des communautés de Manawan, Opitciwan et Wemotaci, toutes trois situées au nord-ouest de Shawinigan, a-t-il fait valoir. Le gouvernement libéral est plus désireux de maintenir une bonne relation avec les Innus, nécessaire au redémarrage sans encombre du Plan Nord, selon lui. Depuis le scrutin du 7 avril dernier, il n’y a « toujours pas [eu] de rencontre » entre le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, et les leaders attikameks, a souligné Christian Awashish.

Les Attikameks réclament une juste part des « bénéfices » du territoire Nitaskinan, par l’entremise notamment d’un accès accru aux ressources naturelles dont il regorge.

Le Grand Chef Constant Awashish exhorte le gouvernement libéral à relancer dans un délai « raisonnable » les négociations bilatérales au point mort depuis un an, à défaut de quoi les Attikameks saisiront les tribunaux ou mettront sur pied de nouveaux « blocus forestiers » comme à l’été 2012. « Ce sont les trois options qui sont envisageables. Mais nous, on privilégie encore et toujours la négociation.Il faut qu’il y ait des résultats concrets », a affirmé M. Awashish.

Placés dans un « cul-de-sac » politique par Ottawa et Québec après plus de 35 ans de négociations territoriales, « nous n’avons d’autres choix que de prendre les moyens nécessaires pour forcer le changement », a poursuivi Christian Awashish, à la tête de l’une des communautés autochtones les plus pauvres au Canada.

Véritable « relation de nation à nation »

Le chef du conseil de Manawan, Jean-Roch Ottawa, a également réclamé une véritable « relation de nation à nation » entre les Québécois et les Attikameks. « On nous [l’]a promise, mais le développement continue à se faire comme si nous n’existions pas », a-t-il déploré, insistant sur la nécessité de donner suite aux promesses de « cogestion du territoire » faites par les précédents gouvernements. La « manière » actuelle régissant le développement des ressources naturelles « menace [la] culture distinctive [et le] mode de vie » de la nation attikamek, a-t-il signalé.

De son côté, le ministre responsable des affaires autochtones, Geoffrey Kelley, invite les leaders autochtones à faire « un premier pas » en acceptant l’entente négociée il y a un an entre le gouvernement péquiste et eux. « L’offre demeure sur la table, malgré un contexte budgétaire difficile », a-t-il indiqué dans une entrevue téléphonique avec Le Devoir.

En plus d’une aide financière de 35 millions de dollars, celle-ci prévoyait une série de mesures pour accroître l’accès des Attikameks aux ressources naturelles de Nitaskinan : de l’octroi de volumes de bois au transfert d’une pourvoirie. L’entente avait été entérinée par les conseils de Manawan et de Wemotaci, mais rejetée par voie de référendum par la communauté d’Opitciwan. « L’entente négociée est quand même un bon départ. Ils ont tout intérêt à l’accepter », a dit le membre du gouvernement.

« Beaucoup d’espoirs »

La décision de la Cour suprême Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique « a créé beaucoup d’espoir » au sein des communautés autochtones québécoises, a fait remarquer M. Kelley. « De toute évidence, la décision de la Cour suprême a créé des attentes. »

Les chefs attikameks ne s’en cachent pas : l’arrêt leur permet d’« adopter une position plus ferme » lorsqu’un projet concernera « le territoire où [la nation] détient un titre ancestral reconnu ou non par les gouvernements », a souligné le chef du conseil de Wemontaci, David Boivin. « [Cela] change fondamentalement la donne. »


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