Dans l’histoire récente du Québec, c’est autour de la loi 52 sur l’aide médicale à mourir que s’est fait le consensus le plus large. C’est donc la mort qui nous a réunis. On regrette seulement que les projets de loi qui concernent la vie ne parviennent jamais à ce genre de consensus.
Deux cas douloureux ramènent dans l’actualité ce sujet délicat et grave sur la fin de vie. Michel Cadotte, un époux dévasté, est accusé du meurtre de son épouse atteinte d’Alzheimer dont il ne tolérait plus les souffrances. Le député Bonnardel, pour sa part, a livré un témoignage poignant sur l’état lamentable de sa mère atteinte de la même maladie.
Voilà que sous la pression de l’opposition, le ministre Barrette consent à poursuivre le débat sur la loi adoptée en 2014 qui n’accorde pas le droit à une personne majeure de faire une demande médicale à mourir de façon anticipée. Une révision de la loi pourrait ainsi permettre au début de la maladie d’exiger qu’en cas de démence profonde l’on mette fin à ses jours.
Malaise
Tous les débats sur la fin de vie provoquent des réactions surprenantes au Québec. L’on choisit son camp comme s’il s’agissait de discourir sur des options politiques. On éprouve alors un malaise indéfini devant des arguments tranchants excluant les nuances et le doute.
Comment être assuré, par exemple, que les dérives ne se produisent jamais? Que ceux qui ne peuvent tolérer de voir souffrir des proches ne seront pas tentés comme monsieur Lizotte de passer à l’acte? Bien sûr, il serait odieux de juger ce pauvre homme, aujourd’hui accusé du meurtre de son épouse. Mais il y a plus de 125 000 Québécois atteints de cette maladie, qui plonge le malade dans une démence à plus ou moins long terme.
La tentation bien humaine pour les proches d’aider ceux qu’ils aiment à mourir est compréhensible. Mais l’acte fatal ne doit pas être encouragé par un discours où l’émotion seule prend le dessus.
Assauts polémiques
L’époque est rude pour la réflexion. Car celle-ci exige du temps, une hauteur morale, une compassion sublimée et avant tout une définition de l’être humain. Cette réflexion ne peut pas subir les assauts polémiques des débats tels qu’ils se déroulent de nos jours.
Nous vivons dans un âge de colère, de haine et d’une insoutenable frénésie. Nous n’avons aucune patience. Tout doit se dérouler dans un temps comprimé. La vitesse est la norme. Si les mères pouvaient porter l’enfant deux mois plutôt que neuf, si l’opéré du cœur pouvait reprendre le travail après 48 heures, si le mourant pouvait mourir au début de son agonie, si les déments profonds pouvaient être éliminés, une partie des gens seraient soulagés.
Dans un contexte aussi désacralisé, les législateurs doivent se draper de gravité. Face à la mort avancée, subie, accélérée ou provoquée, personne ne gagne, personne n’a raison. «Tu ne tueras point» demeure l’objectif le plus admirable. Les dérogations à cette vision ne sont que des échecs. Car la mort ne peut jamais être réjouissante.
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