Les boulets

2011 - Bilan et perspectives



Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a rapidement perdu patience, jeudi, quand une journaliste lui a demandé si c'était encore pour avantager des amis libéraux que le budget 2009-2010 prévoyait la mise en place d'un congé de redevances de cinq ans pouvant atteindre 800 000 $ pour chaque puits de gaz naturel mis en production avant la fin de 2010.
En réalité, cette mesure avait été instaurée par sa prédécesseure, Monique Jérôme-Forget, et elle ne pourra profiter à personne puisque aucun puits ne sera mis en production d'ici la fin de l'année.
Peu importe. Manifestement, M. Bachand ne voulait être mêlé sous aucun prétexte au dossier du gaz de schiste, qui pourrait être mortel pour un aspirant à la succession de Jean Charest. Certes, la course n'est pas encore ouverte, mais les choses se détériorent si rapidement pour les libéraux que c'est peut-être une question de mois.
Dans tous les partis, les guerres de succession sont des périodes éprouvantes pour la solidarité ministérielle. Même avant que les hostilités ne soient officiellement déclenchées, les futurs protagonistes se regardent en chiens de faïence. Certains doivent sourire intérieurement de voir la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, qui faisait figure de favorite, s'enfoncer un peu plus chaque jour.
De toute évidence, Mme Normandeau s'est rendu compte de l'ineptie de sa déclaration selon laquelle l'exploitation des gaz de schiste permettrait de maintenir le réseau des garderies. Cela aurait déjà été plus crédible si le gouvernement n'avait pas littéralement fait cadeau des permis d'exploration.
Elle a rectifié le tir jeudi, alors qu'elle participait à une table ronde des ministres canadiens de l'Énergie. Le but est plutôt de favoriser la conversion de l'économie québécoise du pétrole au gaz, de manière à réduire les émissions de gaz à effet de serre, a-t-elle expliqué.
Très bien, mais si la protection de l'environnement est réellement l'objectif poursuivi, pourquoi ne pas laisser le Bureau d'audiences sur l'environnement (BAPE) faire un examen approfondi de la question, plutôt que de lui imposer un mandat dont l'étroitesse est dénoncée de toutes parts?
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M. Bachand, lui, semble avoir réussi à se débarrasser du boulet qu'il s'était lui-même enchaîné au pied en ouvrant maladroitement un débat sur l'imposition d'un ticket modérateur dans son budget du printemps dernier.
Une consultation publique devait se tenir cet automne, mais elle est maintenant reportée sine die. «On a quand même adopté des solutions qui nous mènent jusqu'en 2013. Notre défi est de réfléchir ensemble au sujet de 2013-2014 et les autres années. On a du temps», a-t-il expliqué mercredi. Bref, cela peut très bien attendre après le départ de M. Charest.
Pourtant, le ministre se dit «très préoccupé» par la situation économique aux États-Unis, qui pourrait compromettre la croissance économique qu'il avait prévue en 2011, ce qui aurait inévitablement un impact négatif sur les finances publiques.
Il est vrai que le gouvernement a suffisamment de chats à fouetter ces jours-ci. Engager un autre débat sur un sujet aussi controversé que le ticket modérateur serait vraiment la dernière chose à faire.
Le plus gros problème de M. Bachand, dans l'éventualité d'une course au leadership, serait d'un tout autre ordre. Il a beau ne manquer aucune occasion de pourfendre ses anciens amis souverainistes, plusieurs membres de la «famille libérale» ne lui pardonneront jamais sa faute originelle.
Certes, Jean Charest était issu du Parti conservateur, mais il s'agissait là d'un péché véniel. En toute justice, on ne pouvait trouver meilleur Canadien. Un ancien «pékiss», même s'il n'était pas considéré comme un kamikaze de la souveraineté, c'est autre chose. À la rigueur, on peut en faire un ministre, mais un chef?
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On ne peut pas dire que Jean-Marc Fournier fera une rentrée triomphale à l'Assemblée nationale mardi. Sa victoire à l'élection partielle dans Saint-Laurent était tout sauf glorieuse, mais l'important est d'être au bon endroit au bon moment.
Quand il a abandonné son comté de Châteauguay, en 2008, ceux qui lui prêtaient encore des ambitions avaient conclu qu'il y avait renoncé. Comme la nature, la politique a cependant horreur du vide. Au bout du compte, pourquoi pas lui?
Celui ou celle qui succédera à Jean Charest deviendra automatiquement premier ministre, au moins temporairement. Il est bien difficile d'imaginer que les militants libéraux se tournent vers un non-élu sans la moindre expérience parlementaire, comme Jacques Ménard ou encore Michael Fortier, si on fait abstraction de son bref passage au Sénat.
M. Fournier traîne aussi ses boulets. Les anglophones n'ont pas digéré l'épisode des défusions, mais ils l'ont quand même élu dans Saint-Laurent en se bouchant le nez. Il y a également le fiasco de l'îlot Voyageur, dont la carcasse de l'îlot défigure toujours le paysage, mais l'opinion publique est depuis longtemps passée à autre chose. Et puis, on ne peut pas accuser M. Fournier d'avoir flirté avec la souveraineté à un moment ou l'autre de sa carrière.
On chuchote qu'il serait maintenant le poulain de la famille Desmarais. Cela permet d'alléger bien des boulets.
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mdavid@ledevoir.com


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