Jeudi dernier, je me suis rendu à une table ronde où des invités, choisis minutieusement pour leur fidélité aux politiques néolibérales du nord, présentaient un bilan des dix années de la Charte démocratique interaméricaine, intégrée à l’Organisation des États américains (OEA).
Les panélistes ont eu l’habileté de parler pendant plus d’une heure et demie, sans mentionner une seule fois l’UNASUR, comme expérience d’intégration des États de l’Amérique du Sud et une expression de liberté et de démocratie, de l’ALBA, comme alternative au Traité de libre échange des pays du nord. À peine a-t-on fait allusion à la CELAC, peu définie dans leur esprit, qui consiste à réunir, sans la présence des Etats-Unis et du Canada, la Communauté des États des Caraïbes et de l’Amérique latine. Sa création comme organisme continental est cédulée pour les 2 et 3 décembre prochain au Venezuela. Quant à la Charte sociale des Amériques qui s’intègre également à l’OEA, elle aura été, à toute fin pratique, ignorée.
De la part d’universitaires chevronnés et d’un journaliste qui couvre la réalité de l’Amérique latine depuis des années au nom de la Société Radio-Canada, ces oublis demeurent quelque peu suspects, d’autant plus que leur rappel aurait permis de jeter un regard nouveau sur la dynamique démocratique qui enflamme de plus en plus les pays du Continent.
On a plutôt mis en relief le rôle primordial et irremplaçable de l’OEA, seule plateforme continentale de concertation. Pas un mot sur sa partialité qui en fait, pour plusieurs, un outil dominé par l’influence des Etats-Unis et le Canada, véritable valet de Washington.
Le temps, laissé pour les interventions de l’auditoire, a été limité à neuf minutes ou à peu près. Je me suis présenté le premier, m’assurant ainsi, d’une minute ou deux pour exprimer mon point de vue et terminer en posant une question. J’ai évidemment relevé les oublis plus haut mentionnés, fait ressortir l’importance de la rencontre de tous les Présidents des Caraïbes et de l’Amérique latine, les 2 et 3 décembre prochain, et rappelé le caractère tout à fait exceptionnel de la Charte sociale des Amériques et du contrôle exercé par le comité permanent de l’OEA pour qu’elle ne soit pas entérinée trop vite par tous les membres. Depuis 2005, l’OEA en a été saisi. Depuis 2007, elle a été acceptée comme document à être entériné par chacun des États. Dans le cadre de cette intervention, j’ai tout simplement relevé le fait que le Comité permanent est présidé par le Canada et que les 4 Vice-Présidences sont assumées par les Etats-Unis, la Colombie, Dominique et la République dominicaine. De quoi comprendre que cette Charte, proposée par Chavez et secondé par tous les pays émergents de l’Amérique latine en soit encore à l’étape des études.
Le Président de cette table ronde, m’indiquant que mon temps était écoulé, je lui signifié que j’avais deux questions.
1. Est-ce que l’OEA, comme outil indépendant au service de tous les pays de l’Amérique latine, des Caraïbes, du Canada et des Etats-Unis, a toujours la crédibilité de l’ensemble des 34 pays qui la composent?
2. Peut-il y avoir conciliation entre les démocraties représentatives des intérêts oligarchiques et celles qui représentent les intérêts des peuples?
À la première question, ils ont rappelé qu’il n’y avait pas d’autres organismes à l’échelle continentale pouvant jouer le rôle de l’OEA. Aucun n’a fait allusion à la CELAC qui sera une véritable alternative à l’OEA, sauf que les Etats-Unis et le Canada n’en feront pas parties. Un panéliste s’est même demandé si l’Amérique latine et les Caraïbes pouvaient se passer des Etats-Unis. L’occasion de répondre à cette question n’a pas été donnée aux intervenants. Si c’eût été le cas, j’aurais posé la question à l’inverse, à savoir si les Etats-Unis pouvaient se passer de l’Amérique latine.
À la seconde question, personne n’a répondu, choisissant plutôt d’en esquiver les implications que leurs réponses auraient pu avoir.
Nous savons que la démocratie, tant et aussi longtemps qu’elle est sous le contrôle des oligarchies et qu’elle sert bien leurs intérêts, constitue le modèle par excellence de la gouvernance des États. Par contre, dès que la démocratie devient sous le contrôle des peuples et qu’elle sert bien leurs intérêts, alors elle devient pour les oligarchies de véritables dictatures, violant leurs libertés individuelles et leurs droits humains. Regardons comment ces oligarchies et ceux et celles qui les servent traitent Hugo Chavez, Évo Morales, Raphael Correa, Daniel Ortega. Ils sont les présidents qui ont le plus élevé pourcentage de soutien des peuples qu’ils représentent. S’ajoute, évidemment à ces derniers, Cristina Fernandez qui vient de battre tous les records en obtenant près de 65% de tous les électeurs et électrices de l’Argentine.
Pas surprenant que nos panélistes se soient abstenus de mentionner les coups ou tentatives de coup d’État militaire visant à renverser des gouvernements légitimement élus. Ce qui fut le cas le 11 avril 2002, au Venezuela, en 2008, en Bolivie, le 29 juin 2009, au Honduras et en septembre 2010, en Équateur. Pas surprenant qu’ils aient écorché Hugo Chavez, type mouton noir qui cultive le culte à la personnalité. Il est plutôt un des grands leadeurs au centre de ce combat de la conscience solidaire et responsable des peuples.
L’information que nos élites véhiculent dans nos universités et sur nos réseaux de communication est celle qui sert à merveille la démocratie des oligarchies et qui noircit, autant faire se peut, la démocratie qui se nourrit des peuples pour servir les peuples. Rien, vraiment rien pour informer le citoyen que nous sommes.
Oscar Fortin
Québec, le 19 novembre 2011
http://humanisme.blogspot.com
http://club.doctissimo.fr/webbot/default-375709/video/oligarchique-webster-tarpley-13894170.html
http://humanisme.blogspot.com/2009/12/democratie-etoligarchie.html
La démocratie est toujours représentative, mais de qui?
Les deux grandes démocraties
celle des oligarchies et celle des peuples
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Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.
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3 commentaires
Pierre Grandchamp Répondre
21 novembre 2011En ce qui concerne la violence au Venezuela, je nuancerais:
Voici ce qu’écrivait, le 7 janvier 2011, le Ministère des Affaires étrangères de la France comme "Conseils aux voyageurs" :
"Le Venezuela fait partie des pays au monde ayant le plus fort taux de criminalité. Les conditions de sécurité continuent de s’y dégrader rapidement. On estime à 19.000 le nombre d’homicides enregistrés en 2009. Si Caracas reste la ville la plus dangereuse, la province n’est pas épargnée. Il est donc conseillé à nos ressortissants qui souhaiteraient se rendre au Venezuela de préparer leur séjour avec le plus grand soin, en faisant appel, par exemple, à une agence de voyage. "
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/co...
Oscar Fortin Répondre
20 novembre 2011J'ajouterais à votre commentaire que la Colombie qui n'est pas officiellement en guerre n'est pas épargné avec les faux positifs et l'action des para militaires des années passées. J'ajouterais également que la Libye qui n'a jamais été déclaré en guerre a connu près de 100 000 morts en 8 mois,beaucoup plus que la Syrie à laquelle on attribue 3800 morts au cours des 8 derniers mois. Il est également intéressant de noter qu'aucun des pays émergents que sont la Bolivie, le Venezuela, l'Équateur, le Nicaragua se démarque par le nombre élevé de morts comme ceux rencontrés au Guatemala, au Mexique, au Honduras. Le Brésil, par rapport à sa population est parvenue, depuis la gouvernance de Lula et maintenant de celles de Milda Roussef à réduire cette violence.
La seule conclusion que l'on peut tirer de ces observations est que le crime organisé, parfois jusqu'aux plus hauts paliers des gouvernements risquent toujours d'exister et de semer la terreur. Que ce soit à Chicago, à Los Angeles ou Las Vegas ou encore à Marseille ou en Sicile, personne n'y échappe vraiment.
Archives de Vigile Répondre
20 novembre 2011Simplement souligner que l'Amérique latine est la partie du monde où il y a le plus de morts violentes....
«La plupart des pays touchés par les morts violentes ne sont pas en guerre"
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2011/10/27/004-rap...
http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/3346...
«Les régions les plus affectées par la violence meurtrière sont l'Amérique centrale, avec un taux moyen régional de 29 [morts] pour 100 000 [habitants], suivie par l'Afrique australe (27,4) et les Caraïbes (22,4)», indique le rapport.