Québec : le train islamiste a sifflé trois fois…

Actualité - analyses et commentaires

Comme toute problématique d’importance, l’islam politique connaît des fluctuations d’intérêt et d’indignation auprès de la population québécoise, comme au sein d’autres sociétés occidentales dites civilisées et tolérantes. Après une relative accalmie, trois événements récents viennent de relancer cette question à l’avant-plan de nos préoccupations citoyennes : la sortie de l’essai de Djemila Benhabib intitulé Les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident, l’annulation, à l’Université Concordia, d’une conférence prévue par des fanatiques britanniques prônant la maltraitance des femmes adultères et la criminalisation de l’homosexualité, et enfin, la tenue, à Kingston, Ontario, du procès d’un couple et de leur fils, accusés du meurtre de la première femme du mari et de leurs trois filles, pour avoir entretenu des relations condamnées par leur conception si particulière de l’honneur.


Les soldats de La Presse


À peine Djemila Benhabib, l’auteure de Ma vie à contre-Coran, avait-elle commencé à faire la promotion de son essai, du reste généralement bien reçu, que deux éminents chroniqueurs de La Presse jugeaient opportun de qualifier ses positions « d’hystériques » et de « catastrophistes ». À quelques exceptions près, les chroniqueurs du quotidien de la rue St-Jacques m’ont rarement impressionné par leur pertinence sur la problématique de l’intégrisme religieux et des accommodements raisonnables, depuis les articles méprisants et biaisés de plusieurs d’entre eux lors de la parution en 2007 des normes de vie d’Hérouxville. Il semble bien que quiconque exerçant un certain rayonnement, s’insurge contre les passe-droit déraisonnables consentis aux minorités ethniques, et pire, recourre au mot lapidation, se voit marqué au fer rouge par ces défenseurs d’une tolérance qui relève davantage d’un idéal chimérique que de la réalité. Il est loin le temps d’Expo 67…

Après avoir présenté les différentes dérives islamistes de l’histoire cités dans son livre comme relatées avec « la prose d’un roman Harlequin », et précisé que l’auteure « déconstruit avec une minutie assommante les jeux de coulisses qui ont poussé la Fédération des femmes du Québec à ne pas condamner le port du voile, en 2009 », Patrick Lagacé devait conclure avec ce trait d’esprit : « Je suis désolé, je suis sûrement un «idiot utile» aux yeux de la Jeanne d'Arc Benhabib, mais je ne perçois pas d'islamisation galopante ici, maintenant. Rien qui justifie ce ton hystérique, ces formules alarmistes... » À mon sens, toute l’objection à cette conclusion du chroniqueur tient à ces deux mots, employé par lui : « galopante » et « maintenant». Qu’adviendra-t-il de notre société quand elle sera contaminée par une islamisation plutôt « rampante »… et « prochainement »?

De son côté, peut-être par solidarité éditoriale, devant la levée de boucliers entraînée par les commentaires de son confrère – incluant ceux-là mêmes de son co-animateur des Francs-tireurs, Richard Martineau - Marc Cassivi a pris le relais avec une égale finesse : « Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident, de Djemila Benhabib, est un brûlot catastrophiste sur l'Islam, écrit par une musulmane. » S’ensuit une « dénonciation » de la présumée exagération des propos de l’auteure et de la « complaisance » manifestée à son endroit par Guy A Lepage, lors de son passage à Tout le monde en parle. Hormis les réactions épidermiques de Cassivi, aucun argument de fond ne vient torpiller le contenu de l’essai. « Pur » boulot de discrédit.

À mes yeux, Djemila Benhabib demeure l’une des rares féministes dignes de respect, parce qu’elle livre un combat véritable en faveur des droits légitimes des femmes et de la tolérance. Sans doute est-elle désormais étiquetée « antiféministe » pour avoir dénoncé aussi ouvertement la position de l’emblématique FFQ, condamnant l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique, tolérante envers la burqua et même, désireuse de l’imposer en garderie familiale, au mépris de l’impact d’un tel accoutrement sur des enfants en bas âge. Bien sûr, il ne s’agit pas là « d’islamisation galopante », mais nettement plus sournoise. Faut-il attendre, notre mollesse aidant, d’en arriver à admettre sans broncher les prises de positions d’individus prônant l’asservissement des femmes et l’écrasement des homosexuels ? Quelle sera la prochaine étape ?

Concordia baisse… pavillon !


Mauvais timing. Les propos méprisants des chroniqueurs de La Presse survenaient au moment même où l’université Concordia s’apprêtait à recevoir, Allah sait pourquoi, des représentants de l’Islamic Education and Research Academy (IERA), une organisation britannique ayant pour mission le recrutement à travers le monde en vue de « ramener les non musulmans vers Allah », en prônant notamment « une certaine forme de force physique pour protéger leurs femmes contre le mal » et la criminalisation de l’homosexualité. Il est question ici d’islamisation « rampante » en vue de tenter – plus difficilement, cette fois, n’est pas Tarik Ramadan qui veut – de convertir le plus de gogos possible. Rien pour énerver Lagacé et Cassivi, étant donné que la place Ville-Marie n’a pas été fracassée par un avion.

Devant une levée de boucliers à laquelle même la FFQ et Québec solidaire, dans un imprévisible accès de lucidité, ont participé, l’association étudiante à l’origine de cette curieuse initiative a dû trouver nouveau lieu de conférence, sans pour autant battre en retraite, tandis que l’Assemblée nationale votait une motion exigeant que le gouvernement Harper refuse l’entrée au Canada des deux conférenciers, « considérant leurs propos homphobes et leurs discours banalisant la violence envers les femmes. » Un seul conférencier s’est présenté, finalement, le 21 octobre au soir.

Comment le meurtre peut-il devenir honorable ?


Cette agitation populaire survient au moment même où débute le procès des Montréalais d’adoption Shafia à Kingston, Ontario, sans doute à l’étranger, aux yeux de nos chroniqueurs métropolitains. Soulignions que ces musulmanes sont mortes noyées, non lapidées : un meurtre tout ce qu’il y a de plus occidental. Peut-être s’agit-il au fond bel et bien d’un accident ? Bien sûr, il y a ce fâcheux incident, relaté dans La Presse : « Des magnétophones installés secrètement dans le véhicule des Shafia après le drame démontrent que le couple a tenu des propos très révélateurs au sujet des défuntes. «Que le diable aille chier sur leur tombe», aurait dit M.Shafia, en signalant qu'elles avaient déshonoré la famille, qu'elles ne valaient pas mieux que les putains qui se tiennent sur le coin des rues, prêtes à monter avec le premier venu. «Des filles en soutien-gorge et petite culotte.»

«Elles nous ont trahis. Elles ont trahi le genre humain. Elles ont trahi l'islam. Elles ont trahi la religion. Elles ont trahi la tradition. Elles ont tout trahi», aurait lancé Mohammad Shafia, qui a également martelé qu'«il n'y a rien de plus important que l'honneur». Sa femme Tooba abondait et Ahmed écoutait. » Mais les apparences sont parfois si trompeuses, comme le fait que l’avant du véhicule des suspects était embouti, et que l’arrière de celui des défuntes l’était tout autant. Gardons-nous bien de sauter trop vite aux conclusions.

Bien sûr, les crimes d’honneur ne surviennent pas tous les jours et des recruteurs fanatiques ne déversent pas leurs insanités au Québec chaque semaine. On pourrait ajouter que les cas médiatisés d’accommodements raisonnables médiatisés restent isolés. Tout cela est très vrai. Mais je souscris entièrement au point de vue exprimé par Djemila Benabib à l’émission de Mario Dumont : c’est petit à petit, en testant notre résistance – flasque – à leur volonté d’imposer leurs valeurs rétrogrades que ces gens parviendront à éroder nos valeurs et notre paix sociale. Peut-être alors la situation sera devenue assez grave pour que certains commentateurs émergent de leur aveuglante zone de confort sans cette fois tirer sur le messager ? « On prend toujours un train pour quelque part», chantait Bécaud. Évitons donc le train islamiste...


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8 commentaires

  • Olivier Kaestlé Répondre

    25 octobre 2011

    Comme vous, M Noël, j'ai lu cet article, dont je retiens cette citation du maire Thompson : " Ça voudrait peut-être dire à ce moment-là, qu'on n'avait
    pas complètement tort de prétendre que tout se fait parfois sournoisement
    et tranquillement. C'est ça ma crainte. On ne sait pas à qui on a affaire.
    C'est une culture qui est différente avec une façon de voir les choses
    différente aussi."
    Voilà que met à mal le flegme affecté des chroniqueurs de La Presse qui, apparemment, ne commenceront à s'en faire que quand l'Islamisme sera, selon leur propre expression, une problématique "galopante". Quand nous en serons arrivés là, victimes de notre "tolérance", il sera déjà trop tard.

  • Archives de Vigile Répondre

    25 octobre 2011

    La madame d'Hérouxville fait dans le traffic d'armes international!
    Mouna Diab lors de sa visite à Hérouxville en 2007.
    Photo: Sylvain Mayer
    Louise Plante
    Le Nouvelliste

    (Hérouxville) Mouna Diab, cette jeune femme musulmane qu'on a vue débarquer le 11 février 2007, à Hérouxville, avec un groupe de femmes pour une visite amicale dans le but de combattre les préjugés négatifs contre les musulmans, a comparu la semaine dernière au palais de justice de Montréal.
    Elle est accusée d'avoir tenté, le 19 mai dernier, d'exporter des pièces d'armes d'assaut (AR-15), alors qu'elle se rendait au Liban, et ce, en violation de l'embargo des Nations-Unis.
    Elle a été arrêtée à l'aéroport Pierre-Trudeau sans avoir pu s'embarquer.La jeune femme a plaidé non coupable. Elle doit comparaître à nouveau le 10 novembre. Elle n'a fait aucune déclaration et sa famille vivant à Laval a refusé de commenter l'affaire.
    Le maire d'Hérouxville, Bernard Thompson, n'en revenait tout simplement pas. Un journaliste du National Post tentait d'ailleurs encore de le contacter, lundi matin, pour connaître ses impressions. C'est que le code de vie d'Hérouxville et ses répercussions au Québec, (dont la Commission Bouchard -Taylor) ont fait le tour du monde. Alors qu'il participait à une conférence de presse de la ministre Julie Boulet dans sa localité, le maire Thompson était encore visiblement incrédule face à ce nouveau rebondissement.
    «Cette histoire m'a étonné pour le moins, même si on pouvait se douter à l'époque que ces jeunes faisaient partie d'un mouvement étudiant revendicateur assez fort (trois jeunes hommes membres de l'Association des jeunes libanais de Montréal les accompagnaient). Mais de tomber sur un article comme ça, (qu'une amie lui a signalé) qui parle d'armement! Ça m'étonne beaucoup. Ça voudrait peut-être dire à ce moment-là, qu'on n'avait pas complètement tort de prétendre que tout se fait parfois sournoisement et tranquillement. C'est ça ma crainte. On ne sait pas à qui on a affaire. C'est une culture qui est différente avec une façon de voir les choses différente aussi.»
    Le maire ajoute qu'on a beau être très réceptif, et analytique, quand on voit une nouvelle comme celle-là on ne peut que se dire: «Ce n'est pas possible!»
    «Ces gens-là nous ont dit en 2007: non, nous ne sommes pas dans ce domaine-là (le terrorisme) et regardez, c'est une personne qui serait accusée d'exportation d'armes vers le Liban. Ça me semble très gros. Surtout, si on compare ce conflit avec Hérouxville.»
    Si la jeune femme était sincère à l'époque et s'il s'agit bien d'elle, comme le prétend le National Post, le maire se demande ce qui a bien pu se passer pendant ces années pour qu'elle épouse une cause semblable. «C'est difficile à analyser. Qu'est-ce qui fait qu'une personne change?»
    Rappelons que l'instigatrice du voyage à Hérouxville était Najat Boughaba. Cette dernière avait été reçue par Luce Drouin, l'épouse du controversé auteur du code de vie d'Hérouxville, André Drouin: code qui prévenait les immigrants intéressés à s'installer dans cette petite localité de la Mauricie, que l'excision, la lapidation et le port de la burqa étaient interdits à Hérouxville.
    Cette visite avait lieu alors que le Congrès islamique canadien ainsi que d'autres associations musulmanes avaient annoncé leur intention de déposer une plainte contre Hérouxville pour violation de la Charte canadienne des droits et libertés.
    La visite des femmes musulmanes s'était bien déroulée et des cadeaux avaient été échangés.
    Soulignons enfin qu'en mai dernier, André Drouin avait confié lors de sa participation au documentaire Liberté, égalité, accommodements de Stefan Nitoslawski, qu'il avait conçu son code de vie d'abord comme un document provocant... et qu'il avait ri aux larmes en l'écrivant

  • Olivier Kaestlé Répondre

    24 octobre 2011

    Madame, vous avez très bien fait d'apporter cet importante distinction entre les accommodements raisonnables, mesures pratiques destinées à faciliter la vie des personnes handicapées, et ce que nous devrions appeler les accommodements religieux, qui ont l'effet pernicieux que nous connaissons. Je cite d'ailleurs le passage le plus significatif du lien que vous avez placé :
    "Les "accommodements religieux" sont souvent capricieux, alors qu'être handicapé est tragique. On INSULTE les personnes handicapées en comparant leur état (tragique) aux demandes (capricieuses) de quelques minorités religieuses intégristes ou fanatiques...
    Que diriez-vous de parler désormais d' "accommodements religieux" (quand, comme ces temps-ci, les raisons invoquées sont religieuses) ...plutôt que d' "accommodements raisonnables"...?
    Mélanie Trudel"
    Message reçu !

  • Pierre Desaulniers Répondre

    24 octobre 2011

    Bonjour, M. Kaestlé,
    Vous parlez d' «accommodements raisonnables», chose que vous éviterez sans doute à l’avenir, car, après avoir lu ceci:
    http://accommodementsreligieux.centerblog.net/
    …vous ne verrez plus jamais lesdits «accommodements» du même œil…!
    (À lire absolument…!)

  • Olivier Kaestlé Répondre

    24 octobre 2011

    Merci de votre commentaire, Philippe, qui rejoint incidemment ma perception quant aux intérêts particuliers des Desmarais dans Total et leur interférence sur le contenu éditorial de La Presse. L'homogénéité idéologique des chroniqueurs de ce journal finit par devenir suspecte. Quatre ans après Hérouxville, Yves Boisvert s'est permis de traiter André Drouin de crétin pour avoir admis avoir rigolé en rédigeant ses désormais célèbres normes de vie. Comme s'il n'était pas évident que les allusions à la lapidation étaient pure provocation voltairienne de sa part. Il serait pourtant si facile et combien plus humain d'admettre des erreurs passées que de se ridiculiser en tentant d'abaisser un homme dont le point de vue a maintenant gagné une majorité de Québécois. Richard Martineau, du Journal de Montréal, a eu cette élémentaire décence, mais il n'a pas le même employeur...

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2011

    Bravo M. Kaestlé!
    Power Corporation a des intérêts dans la multinationale Total. Les Desmarais ne veulent peut-être pas incommoder quleques amis des pays du Golfe. En général, La Presse est un journal très complaisant face à la menace de l'islam politique.
    J'aimerais connaître l'opinion de Kamal El Batal et Kamal Benkirane à propos de l'analyse de M. Kaestlé ?
    J'ai l'impression qu'ils ont une très mauvaise opinion de Djemila Benhabib...
    Ce n'est pas seulement une impression ; j'en suis convaincu.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    22 octobre 2011

    Merci, Victor, de nous rappeler cette autre auteure, moins médiatisée mais non moins pertinente. Plus il y aura de gens pour dénoncer les risques de l'Islamisme - et non de l'islam, comme vous le soulignez judicieusement - plus nos dirigeants devront en tenir compte. Après tout, même Jean Charest a fini par changer d'avis et recule pas à pas, acceptant la tenue d'une commission d'enquête sur la construction. Tout arrive, donc, et il faut s'accrocher.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 octobre 2011

    Je n'ai pas le liver sous la main. Cependant, je le commenderai. Il est probablement est intéressant et il est fort util de soutenir des auteurs telle que Madame Benhabib.
    Effectivemen, on ne doit pas confondre islam et Islamism, sinon, on tombe dans le piège de l'Islamophobie et malheuresement c'est ce que les islamistes cherchent afin de justifier leur combat s'il y en a un.
    Une autre combattante qui mérite l'attention est Madame Fatima Mernissi qui a publié un livre fort, fort intéressant. Grâce à ses recherches approfondies, a pu démontrer que le Hadith qui a interdit les femmes de voter ou d'être éligible est faux. Sur la bse de ses travaux que la femme au Koweït a finit par récupérer ses droits et quatre femmes étoiles (députées) ont brillé dans le ciel de ce pays, pour la première fois (historique), lors des dernières éléctions législatives il y a deux ou trois ans.
    Son livre s'intitule: Le Harem Politique - Les femmes du Prophète.(en français, publié en France Chez Michel Albin si ma mémoire ne me trahie pas)