Les électeurs n’ont pas toujours raison

Tribune libre 2011



Au delà d’un seul sondage fort douteux, invérifiable, mensonger et publié
à point nommé, une question se pose : qui sont ces gens qui votèrent pour
les libéraux en 2000, pour les bloquistes en 2004, pour les conservateurs
en 2006 et qui s’apprêteraient à voter pour le NPD en 2011 ? Qui sont ces
gens qui passent aisément de la souveraineté au fédéralisme, de la droite à
la gauche ? Leur flexibilité partisane impressionne, leur vide idéologique
désarçonne. Apparemment, pour une partie des électeurs, la politique se
réduit à voter pour un candidat momentanément « sympathique », sans aucun
égard à son programme ou à ses positions. Cette frivolité démocratique
surprend pourtant à peine ; on ne passe pas impunément des heures à zapper
devant la télé, ses temps libres à magasiner dans les centres d’achats,
sans que cela n’ait un effet sur le discernement.
Il est certes facile de blâmer les individus peu informés et si volages
pour leur manque de rigueur dans l’exercice de leur droit de vote, mais à
qui vraiment la faute ? À ceux manipulés et aliénés (qui croient ne pas
l’être et qui le sont donc) qui se font facilement bourrer le crâne ? Il ne
faut même pas être paranoïaque (le paranoïaque a toujours raison, dit Freud)
pour se rendre compte de la conspiration fédéraliste (la conspiration
n’étant que ce qui respire ensemble, note Michel Foucault).
Après le
traitement favorable dont bénéficia Chrétien après la mort de Trudeau,
après « l’onde choc » Harper, c’est désormais à Jack Layton de bénéficier
des bons auspices des conglomérats médiatiques. En effet, tout à coup, Jack
Layton emplit les écrans et les unes. À cet égard, les médias effarouchés
prétendront ne refléter que l’événement (qu’ils ont créé) et que l’opinion
(qu’ils ont travaillée). Les contradicteurs ajouteront que les grands
conglomérats médiatiques mettent habituellement de l’avant des politiques
favorable à la droite, alors pourquoi le NPD ?
Ces grands conglomérats sont
aussi, surtout, fédéralistes (et dans le contexte canado-québécois, le
fédéralisme, c’est la droite) : tout pour saboter la campagne du Bloc
souverainiste, sabotage qui profitera en bout de compte aux conservateurs.
Ce ne sont là que des évidences à quiconque réfléchit, évidences qu’on
n’entend cependant pas hors de certains cercles politiquement avertis. En
outre, pour les médias, la campagne qualifiée de « terne » (quand les
médias n’ont-ils pas souligné à gros trait l’ennui des élections ?) prend
soudainement un tournant sensationnel. Car, prêter une quelconque intention
idéologique aux journalistes si paresseux et si superficiels qui commentent
allègrement la popularité soudaine de Layton, c’est sans doute leur
accorder trop de crédit. Pour paraphraser Pierre Bourdieu, avec cette «
popularité » pré-fabriquée du NPD, les journalistes trouvent enfin quelque
chose à dire, quelque chose de tellement plus amusant à discuter que
d’ennuyeux programmes.
Maxime Blanchard
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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