Les Etats-Unis, un pays ingouvernable

Crise mondiale — crise financière



par Michel Santi, économiste - Depuis sa fondation, la nation américaine a systématiquement dépensé plus qu'elle ne gagnait, allant donc sur les marchés et au-devant des investisseurs pour financer ce différentiel… De fait, comme ces déficits se sont accumulés au fil des décennies eu égard à la fièvre dépensière des américains et de leurs autorités, leur Congrès – quoiqu'en partie responsable de cette boulimie – crut bon de limiter, dès 1917, la masse globale de cet endettement même si ce plafond devait être très régulièrement remonté et ce bon an mal an et quelle que soit l'administration en place, républicaine ou démocrate.
Il va de soi que, en dépit de la bonne centaine de fois où ce plafond dut être relevé depuis 1917, l'opposition alors en place prit systématiquement un malin plaisir à condamner le président et le parti qui contrôlaient la Maison Blanche, comme si ces sommes dépensées et ces déficits n'étaient pas également la résultante de la mauvaise gestion des anciennes administrations et des anciens Congrès… Ce petit jeu politique fournissait ainsi à intervalle régulier des munitions au parti opposant qui se complaisait donc comme il se doit de dénoncer les tendances dispendieuses d'une majorité qui, ayant vidé les caisses, appelait dès lors au-secours afin d'être légalement autorisée à financer le train de vie de l'Etat.
Pour autant, l'escalade verbale entre républicains et démocrates à l'occasion du relèvement du plafond de la dette de leur pays a aujourd'hui atteint son paroxysme tout en menaçant très concrètement de déboucher sur une impasse aux conséquences dévastatrices. Cette incapacité légale du gouvernement américain d'emprunter davantage pour remplir ses obligations se traduirait immédiatement bien sûr en une baisse (historique) de sa notation avec, à la clé, une augmentation automatique des taux d'intérêts qui pénaliserait PME et consommateurs demandeurs de financements.
Le violent et prévisible décrochage du billet vert exercerait une forte pression ascendante sur l'ensemble des tarifs énergétiques et des matières premières sachant que les bourses du monde entier dévisseraient avec une violence pire encore que lors de la déconfiture de Lehman Brothers ! Enfin, le gouvernement américain en manque de fonds devrait réduire sur le champ ses dépenses de l'ordre de 40 %, licencier en masse et induire ainsi une récession bien plus dramatique que celle des années 2007 à 2009.
Incapables de s'entendre et de faire des compromis dans l'intérêt du pays et de leurs concitoyens, les politiques américains censés diriger la nation la plus puissante du monde en deviennent également la risée. Le système politique de ce pays semble en réalité incapable de faire face à une situation financière pour le moins périlleuse tant et si bien qu'il devient légitime de s'interroger aujourd'hui : les Etats-Unis d'Amérique seraient-ils devenus un pays ingouvernable ?
Du haut de leur déficit budgétaire qui se monte à 10 % de leur PIB, les Etats-Unis ne peuvent de nos jours plus se financer que grâce au reliquat de cette réputation appartenant bel et bien au passé qui voulait que la solvabilité de leur Etat fédéral soit aussi solide – sinon plus – que l'or. Pourtant, nul Empire n'étant éternel, les autorités successives de ce pays – dont le seul souci semble de se dérober à leur responsabilité de passer des compromis visant à résoudre cet imbroglio budgétaire – feraient mieux de méditer les leçons de la livre sterling et de l'inexorable perte d'influence de l'empire britannique.
Ce dysfonctionnement apparent cache certes une stratégie de la part des deux partis en présence selon laquelle il est important de faire monter les enchères avant de parvenir à un compromis. Pour autant, si la volonté de ces responsables est bien de redresser les finances du pays, tout accord devra impérativement être crédible et global. La complexité de ce dossier exclut donc tout accord à la hâte qui sera durement sanctionné par les marchés…
Il est néanmoins plus que probable que républicains et démocrates finiront bien par relever ces prochains jours le plafond de leur endettement même s'il y a fort à parier que ce deal de dernière minute se borne à colmater les brèches. En conséquence, attendons-nous à une dégradation de la notation des Etats-Unis dès septembre car les 4 000 milliards de dollars de réductions budgétaires sur les 8 à 10 ans à venir recommandés par les agences de notation ne seront certainement pas réalisées. Autrement dit, même si compromis sur le plafond de la dette américaine il y a – et il y en aura un ! –, la santé financière des Etats-Unis n'est en rien sur le point de s'améliorer et de nouveaux chocs, violents pour l'économie mondiale, sont d'ores et déjà à programmer.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé