Les «explications» insatisfaisantes d’Enbridge

Nicolas Soumis

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Plus l'industrie s'explique, plus elle s'enfonce

Dans Le Devoir du 7 novembre 2013, Al Monaco, président et chef de la direction d’Enbridge, explique sa vision des choses, à savoir qu’énergie et environnement sont les deux côtés d’une même médaille. Cette réconciliation faite, il tente de rassurer la population en détaillant les moyens technologiques récemment adoptés par l’entreprise pour surveiller l’état de ses pipelines et contrer les risques de déversement. Alors que M. Monaco reconnaît qu’il ne suffit plus de brandir quelques promesses d’emplois et de retombées économiques pour que l’industrie pétrolière puisse s’assurer l’appui d’une population davantage en quête de garanties de sûreté, sa tentative de nous rassurer fait malheureusement chou blanc.

Rappelons qu’entre 2000 et 2010, Enbridge a déversé dans l’environnement près de 21 millions de litres d’hydrocarbures (131 835 barils) au cours d’un total de 690 incidents (de 34 à 89 par année). Pour nous rassurer - et peut-être pour nous aider à oublier ce lourd passé -, M. Monaco explique que, dans les trois dernières années, son entreprise a eu recours à des technologies de pointe pour renforcer la sûreté de ses pipelines. Elle a notamment recours à l’imagerie médicale pour inspecter ses canalisations. Afin de déterminer les tracés les plus sécuritaires de ses pipelines, elle se sert également d’une technologie similaire à celle utilisée par la NASA pour cartographier la surface de Mars.

Nous sommes d’abord tentés de nous demander pourquoi Enbridge a attendu aussi longtemps avant de se dire qu’il était peut-être temps de mieux protéger l’environnement. Ensuite, il est pertinent de nous demander si les nouvelles technologies vantées par M. Monaco constituent bel et bien une garantie de sûreté accrue. La réponse à cette dernière question est plutôt décevante si nous considérons le bilan d’incidents d’Enbridge pour 2011, seule année où ces technologies de pointe ont été employées et pour laquelle il est possible d’obtenir des données. Si, au cours de 2011, le volume d’hydrocarbures déversés (363 127 litres) est environ cinq fois moindre que le volume moyen déversé annuellement entre 2000 et 2010 (1,9 million de litres), les incidents, qui se chiffrent à 58, sont au moins aussi nombreux que lors de certaines années précédentes, et ce, pour un volume total transporté relativement inchangé.

Lorsqu’ils sont étudiés à la lumière de ces statistiques annuelles de déversement, les propos de M. Monaco ne sont décidément pas rassurants. Ils suggèrent plutôt que le transport d’hydrocarbures par pipeline demeure une activité dangereuse, peu importe les technologies de surveillance employées par l’industrie pétrolière - si impressionnantes soient-elles.

Sortir du sophisme consacrant la technologie comme panacée aux risques industriels, renforcer les règlements qui encadrent l’industrie pétrolière et se débarrasser graduellement de l’emprise du pétrole seraient probablement de meilleurs moyens de réduire drastiquement ou d’éliminer le nombre de déversements. Espérons que M. Monaco en prendra bonne note.


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