Les femmes d’un bord, les hommes de l’autre

Des professeurs ont accepté des demandes de séparation des sexes

Les fruits du multiculturalisme

La demande d’exemption d’un étudiant de l’Université York qui ne voulait pas côtoyer des collègues féminines n’est finalement pas unique. À l’Université de Regina, des professeurs ont accepté de séparer hommes et femmes dans leurs classes à la demande d’étudiants qui ne voulaient pas se trouver à proximité de ces dernières.

Selon les informations obtenues par Le Devoir, la situation se serait produite à deux ou trois occasions depuis un an et demi à l’institution saskatchewanaise. « À notre connaissance, sur ce campus nous n’avons eu presque aucune demande de cette nature. Deux ou trois. Ces demandes ont été gérées de manière individuelle par les professeurs dans le contexte de la gestion de leurs cours », a expliqué en entrevue téléphonique le président de l’Université de Regina, Thomas Chase.

Si le président connaît l’existence de ces demandes, il soutient ne pas savoir avec précision comment elles ont été gérées, à part une. « Un [professeur] a simplement dit “non” et la personne qui avait fait la demande a dit “c’est d’accord, j’accepte ce refus”. Sinon, nous n’avons pas de détails particuliers. Il ne semble pas y avoir de problème majeur — ni mineur d’ailleurs — de cette nature sur le campus. »

Le Devoir a été en contact avec un membre de l’Université qui affirme que les demandes de séparation des sexes ont été acceptées par les professeurs. Mis au courant de ce détail, le président n’a pas infirmé ces faits. « S’il y avait quoi que ce soit hors de l’ordinaire, je serais mis au courant. Il semble que cela ait été géré de manière très discrète et de manière acceptable pour les parties impliquées. Mais je fais des conjectures, car aucune plainte, officielle ou officieuse, n’est parvenue à mon bureau. »

Thomas Chase reconnaît que l’université ne possède pas de politique pour gérer ce genre de demandes de ségrégation selon les sexes « simplement parce que le besoin ne s’en est pas fait sentir jusqu’à présent. Si cela devait devenir un problème, évidemment que nous le regarderions ».

Début janvier, on a appris qu’un professeur de l’Université York, à Toronto, s’était fait rabrouer par la direction de son établissement parce qu’il avait refusé d’exempter un étudiant qui ne voulait pas participer à un travail de groupe pour ne pas côtoyer de femmes. L’Université, se basant sur un avis de la Commission des droits de la personne de l’Ontario, avait jugé que l’exemption n’entraînerait pas de fardeau démesuré et n’affecterait pas les droits d’autrui dans la mesure où les femmes de la classe n’avaient pas besoin d’être mises au courant de l’exemption.

Le professeur, Paul Grayson, a rendu son histoire publique, et cela a vite fait le tour du pays. Il a déclaré au Devoir que, pour éviter de pareils errements, le Canada devrait s’inspirer de Bernard Drainville et limiter à son tour l’expression du religieux dans la sphère publique. Depuis, M. Grayson dit avoir reçu des centaines de courriels d’appui. Il a indiqué qu’un « petit nombre, mais croissant [de gens qui lui écrivent] commencent à entrevoir les avantages de la loi 60, en particulier parce qu’elle place les droits des femmes au-dessus des droits religieux ».

L’Arabie saoudite et Regina

Une porte-parole de l’Université de Regina, lors d’une autre conversation, a estimé que ces deux ou trois demandes ne constituaient qu’une goutte dans l’océan des 13 500 étudiants qu’accueille l’institution. Ce n’est cependant pas le seul genre d’accommodement qui est accordé. Le président de l’association des professeurs de l’Université, Sylvain Rheault, confirme après consultation auprès des professeurs concernés que dans les classes d’anglais langue seconde, il est arrivé « parfois » que « certaines étudiantes demandent de ne pas faire d’exercices en pair avec des hommes ». Il faut dire que l’Université de Regina est l’une des institutions scolaires homologuées par l’Arabie saoudite pour fournir des cours d’anglais langue seconde reconnus. L’institution saskatchewanaise accueille donc une importante communauté d’étudiants étrangers provenant de ce pays.

L’Université de Regina accepte aussi de recouvrir la fenêtre de sa piscine à la demande d’étudiants musulmans. La piscine ne possède que quelques fenêtres, dont plusieurs sont déjà fumées, explique Gabor Jerkovits, le responsable du centre aquatique. Mais une seule, transparente, débouche sur un corridor où peuvent circuler des gens. C’est sur cette fenêtre, qui mesure, selon M. Jerkovits, environ 15 centimètres sur 60 centimètres, que les responsables placent un papier pour cacher la vue lorsque l’Association des étudiants musulmans loue la piscine.

« Ce sont autant les étudiants que les étudiantes qui le réclament. Mais les étudiants masculins ne sont pas aussi à cheval sur la chose, ne sont pas aussi stricts que les étudiantes, qui y tiennent beaucoup », explique M. Jerkovits au Devoir. Lorsqu’ils louent le bassin, ils réclament que le sauveteur en service soit du même sexe que les baigneurs. Encore là, le responsable du centre aquatique soutient que ce sont les femmes qui sont les plus intransigeantes sur ce point. Comme son personnel sauveteur est à 70-75 % féminin, M. Jerkovits dit n’avoir jamais éprouvé de difficulté à donner satisfaction au groupe. Pour les hommes, c’est plus compliqué et il lui est parfois arrivé, raconte-t-il, quoiqu’en de très rares occasions, d’imposer une sauveteuse aux baigneurs.

Une des personnes qui ont contacté le professeur Grayson est membre de l’Université de Regina. Cette personne, qui ne veut pas que son identité soit révélée, déplore les accommodements accordés par son institution à des musulmans demandant de ne pas être exposés à la vue de femmes. Cette personne cite les fenêtres de la piscine, les groupes séparés selon le sexe et même le fait que « plusieurs étudiants ont préféré recevoir un zéro plutôt que faire un travail sur les femmes et le leadership ». « Ce que j’ai trouvé le plus difficile fut la façon dont les étudiants masculins me dévaluaient et me traitaient comme un objet. En bout de piste, je crois que nous avons un problème au pays […]. Quelqu’un doit se tenir debout. »


Femmes et hommes ont été séparés à l’Université de Regina à la demande d’un étudiant


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