Les journaux de Gesca au service des fédéralistes

Chronique de Bernard Desgagné

Les souverainistes qui essaient de faire publier leurs opinions dans les journaux de la société Gesca, et notamment dans le site Cyberpresse, le savent depuis longtemps: ils font l'objet d'une censure systématique. Certains, comme Patrick Bourgeois dans le livre Nos ennemis les médias, ont déjà dénoncé cette tendance troublante dans une société où les médias sont concentrés surtout entre les mains de quelques grands propriétaires fédéralistes.
M. Desmarais et ses acolytes ont beaucoup trop de pouvoir actuellement à cause de leur argent et de leurs relations dans les cercles politiques. Des gens comme André Pratte ont droit de vie ou de mort sur ce qui se dit sur la place publique au Québec alors que leur jugement à cet égard mériterait d'être sérieusement mis en doute. Normand Lester avait publié à cet égard, dans le défunt webzine MIR, un échange qu'il avait eu avec Pratte. Ce dernier invoquait prétexte après prétexte pour ne pas publier une réponse de Normand Lester.
J'ai relevé dernièrement au moins quatre exemples patents qui, ajoutés à bien d'autres exemples, démontrent selon moi le biais des journaux appartenant à Gesca, biais qui est très malsain lorsqu'on souhaite vivre dans une démocratie. De plus, en raison des scandaleux accords secrets entre La Presse et Radio-Canada, ce biais déteint sur la télévision publique, qui appartient à tous les contribuables. Conformément à cet accord, Radio-Canada fait systématiquement appel aux journalistes et chroniqueurs des journaux de Gesca comme invités à ses émissions d'information, au lieu de varier davantage son menu. Voici donc ces quatre exemples.
Premièrement, vous trouverez, dans le site Cyberpresse, les deux opinions ci-dessous d'un certain M. Roquet publiées à 5 jours d'intervalle, sur le même sujet, c'est-à-dire la crise au Liban. Ces opinions sont manifestement antisouverainistes et font l'éloge des écrits dénués de fondement de Mme Kay. La Presse peut invoquer pour sa défense les autres réactions qu'elle a publiées et qui dénoncent les propos de Mme Kay, mais pourquoi donner tant d'importance à un seul correspondant? Serait-ce parce que La Presse n'est pas arrivée à trouver d'autres écrits pour «équilibrer» le débat? Serait-ce parce que le point de vue de M. Roquet est tellement indéfendable que personne d'autre que lui... et Mme Kay n'ose l'exprimer?
Bien vu, Mme Kay
Récupération partisane
Deuxièmement, le site Cyberpresse publie aussi, à 12 jours d'intervalle, deux attaques contre le Bloc québécois de la part d'un certain Nestor Turcotte, qui ose même se dire un indépendantiste de longue date. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les indépendantistes peuvent très bien se passer des services de M. Turcotte.
La première attaque est tout simplement mensongère. M. Turcotte y prétend que le Bloc québécois ne sera pas représenté au sein de la délégation parlementaire au Liban. Or, on a pu constater récemment que c'est plutôt le Parti conservateur qui a choisi de ne pas être du voyage. Sans être mensongère, la deuxième attaque dénote un sens particulier de la démocratie. M. Turcotte affirme que le Bloc ne devrait pas avoir le droit d'être subventionné au prorata des votes qu'il recueille, au même titre que les autres partis fédéraux, sous prétexte qu'il oeuvre contre le bien commun en préconisant la souveraineté du Québec. M. Pratte aime peut-être faire dire aux autres ce qu'il n'oserait pas affirmer lui-même, sous peine de perdre toute crédibilité. Encore une fois, comment se fait-il que La Presse accorde autant d'importance à un seul correspondant en publiant deux de ses textes en deux semaines, alors qu'elle refuse de publier des centaines de textes?
Plus que des mots, Monsieur Duceppe!
Le Bloc aux crochets d'Ottawa
Qui plus est, Cyberpresse a pubilé les opinions systématiquement antisouverainistes de M. Turcotte à 30 reprises depuis le 15 novembre 2005! Qu'a donc ce monsieur de si génial pour qu'on lui accorde aussi souvent la parole? Ses propos sont-ils vraiment représentatifs d'une tranche importante de la population, qui serait sans voix si ce n'était de lui? Le débat progresse-t-il lorsque M. Turcotte déverse son fiel sur les chefs de file souverainistes, s'en prenant tantôt à André Boisclair, qu'il traite de farceur le 15 novembre, tantôt à Gilles Duceppe, qu'il accuse de vivre aux dépens des contribuables et de manquer de courage? Que pense M. Pratte de tels propos, lui qui ne cesse de réclamer le respect et la modération?
Troisièmement, l'excellent article de Biz, du groupe Loco Locass, qui a été publié intégralement dans Le Devoir, au sujet des chroniques de Mme Kay dans le National Post, a été amputé d'une partie importante dans La Presse, qui ne peut pas prétexter le manque d'espace, du moins pas dans son site Internet. Il n'en aurait pas couté plus cher à Gesca, qui nage de toute façon dans l'argent, pour publier intégralement l'article de Biz. La Presse aurait-elle réservé le même traitement à un article aussi bien écrit de la part d'un ténor du fédéralisme? Il est permis d'en douter.
Article de Biz dans Le Devoir
Article de Biz dans Cyberpresse
Quatrièmement, j'ai envoyé depuis plusieurs années des dizaines d'articles aux journaux de Gesca. À l'exception de deux articles publiés par Le Droit en janvier, seuls les articles où je taisais mes convictions souverainistes ont été publiés, c'est-à-dire ceux qui portaient sur d'autres sujets que l'avenir politique du Québec. Nombre de mes camarades souverainistes ont vécu la même chose. Certains d'entre eux ont eu des échanges avec André Pratte à ce sujet, et celui-ci s'est montré tout à fait intraitable à leur égard, invoquant tantôt la longueur des textes, tantôt de prétendues attaques personnelles, tantôt le trop grand nombre de textes reçus.
Ce ne sont que quatre exemples récents et, à titre de simple citoyen, je n'ai ni les ressources, ni le temps nécessaire pour effectuer une enquête plus poussée, qui serait néanmoins intéressante. J'ai d'ores et déjà le sentiment profond que les dés sont nettement pipés dans le débat démocratique sur l'avenir politique du Québec, et qu'il est important que les Québécois s'en rendent pleinement compte, à défaut de pouvoir compter sur leur État pour intervenir en démantelant les grands groupes de presse fédéralistes qui ont actuellement une emprise beaucoup trop grande sur l'information au Québec, jusque dans les émissions de Radio-Canada, ce qui est scandaleux, je le répète, et devrait être considéré comme inadmissible du point de vue des simples citoyens, qui méritent davantage d'objectivité.
Bernard Desgagné
_ Gatineau

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Le 24 août 2006 à 10:45, André Pratte a écrit :
M. Desgagné,
Ce que vous prétendez est archi-faux. Nous publions très régulièrement des textes de penseurs souverainistes, et souvent cela résulte de sollicitations de notre part. Quelques noms: Jacques Parizeau, Joseph Facal, Louis Bernard, Louise Beaudoin, Bernard Landry, Jean-François Lisée, Daniel Audet, Stéphane Kelly, Philippe Navarro, Daniel Turp... Demandez à ces gens s'ils se sentent censurés? Demandez leur combien de fois JE les ai appelés pour leur offrir nos pages?
«Des gens comme André Pratte ont droit de vie ou de mort sur ce qui se dit sur la place publique au Québec». Cette affirmation est ridicule. D'une part parce que nous publions souvent des opinions souverainistes. D'autre part parce que ces opinions trouvent aussi amplement d'échos chez nos chroniqueurs et dans d'autres médias, notamment Le Devoir (y a-t-il un éditorialiste ou chroniqueur fédéraliste au Devoir?) et au Journal de Montréal (Payette, Facal, Nuovo: souverainistes).
Au sujet de Lester, vous savez fort bien que nous lui avons seulement demandé d'enlever ses insultes et que nous avons publié une réplique dans le même sens du député péquiste Luc Thériault.
Sur Biz: tous les textes d'opinion sont dans nos pages limités à un maximum de 800 mots (ce qui, en passant, est plus long qu'un éditorial type).
M. Turcotte est loin d'être le seul lecteur dont nous publions régulièrement les textes, tous points de vue confondus: comme les autres, il a le mérite d'écrire bien, court, et original.
Bien à vous,
André Pratte
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Réponse de Bernard Desgagné
Alors, nous, les Québécois souverainistes ordinaires, sommes tous des paranos ou des imbéciles. Ce que nous observons est sans doute le fruit de notre imagination. Vous publiez nos opinions sans réserve, et La Presse est un journal des plus objectifs. J'ajoute que vous êtes un éditorialiste bienveillant à l'égard des souverainistes, dont vous mettez régulièrement en valeur les points de vue... Non mais, me prenez-vous vraiment pour un imbécile?
En fait, vous vous servez constamment des écrits des souverainistes pour arriver à vos fins. Vous êtes un manipulateur astucieux. Vous savez donner le droit de parole de temps à autre pour donner une apparence d'objectivité, puis vous arrivez tel un juge suprême dans vos éditoriaux pour remettre les pendules à l'heure. Vous et vos collègues fédéralistes inconditionnels, comme Lysiane Gagnon et Alain Dubuc, donnez l'impression de trôner et de posséder la vérité en dépeignant comme du vacarme plus ou moins extrémiste les convictions profondes des souverainistes. Par exemple, encore récemment, vous avez comparé un intellectuel de la trempe de Pierre Falardeau à un trisomique comme Don Cherry. Auparavant, c'était Yves Michaud qui était antisémite. Et avant encore, c'était Jacques Parizeau qui était raciste.
Il est bien évident que La Presse ne commettrait jamais l'erreur grossière de refuser ses pages à des gens de la trempe de ceux que vous nommez ci-dessous. Elle perdrait ainsi toute crédibilité. La Presse sait jouer le jeu habilement. Là n'est pas la question, et ce n'était pas l'essence de mon propos.
Ce que j'ai essayé de décrire, et que vous qualifiez d'archifaux et de ridicule, c'est le biais manifeste qui caractérise les choix des journaux de la société Gesca lorsqu'elle publie des opinions de lecteur. Vous me répondez à cet égard qu'il n'y a pas de fédéralistes parmi les chroniqueurs et les éditorialistes du Journal de Montréal et du Devoir, ce qui est absolument faux puisque je doute que Norman Spector, par exemple, soit un souverainiste. De toute façon, cette boutade de votre part n'a rien à voir avec ce que je disais.
Vous me répondez aussi que vous avez refusé de publier Normand Lester, au cours d'un débat l'impliquant dans vos pages, parce que son texte contenait des insultes, ce qui m'apparait nettement exagéré lorsqu'on lit ce que M. Lester avait écrit à l'époque. Normand Lester avait d'ailleurs fait preuve de bonne volonté en modifiant son texte de départ.
Enfin, vous me dites que La Presse a une règle absolue qu'elle n'a jamais transgressée, à savoir de limiter les textes d'opinion à 800 mots, et que vous aimez tellement le style de M. Turcotte qu'il mérite bien sa trentaine de textes dans Cyberpresse depuis le 15 novembre dernier. Permettez-moi de mettre sérieusement en doute votre jugement au sujet de la prose de M. Turcotte. Quiconque prend le temps de lire ce qu'il écrit dans Cyberpresse y trouvera du défoulement et des mensonges avant toute chose.
Par conséquent, je suis d'avis qu'à part peut-être les grands noms dont vous sollicitez même les contributions à l'occasion, les souverainistes se font constamment refuser la publication de leurs textes par les journaux de Gesca, qui biaisent ainsi systématiquement le débat, vu leur lectorat important. À l'inverse, les fédéralistes enragés qui propagent des mensonges et qui délirent à pleine page trouvent dans les journaux de Gesca une tribune accueillante. Je vous mets au défi de me prouver le contraire en publiant des statistiques sur les textes d'opinion que vous recevez de la part de simples citoyens.


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