Toutes mes excuses! Je n'en reviens pas d'avoir commis une erreur aussi grossière.
La semaine dernière, j'écrivais que l'Office québécois de la langue française était devenu un "grand magma d'inefficacité gênante". Dans les faits, j'aurais dû écrire qu'il était devenu un "grand magma d'inefficacité SCANDALEUSE"...
Je ne reviendrai pas sur l'enquête du Journal de Montréal où 88 commerces du centre-ville sur 97 ont accepté la candidature d'une journaliste se disant anglo unilingue. Mais je reviendrai sur la réaction de la ministre responsable de la loi 101, Christine St-Pierre. Pour nier tout recul du français, elle brandissait une "étude" de l'OQLF où 90 % des commerces du centre-ville auraient accueilli et servi leurs clients en français. Les médias ont donc cité cette "étude". Des chroniqueurs s'opposant au renforcement de la loi 101 en ont fait leur argument principal. Mais il y avait un os: aucun journaliste n'avait vu ladite "étude". Malgré plusieurs demandes faites depuis des mois, l'OQLF et le ministère refusaient de la produire.
Vendredi dernier, sur les ondes de Radio-Canada, j'ai demandé à la ministre pourquoi elle ne la rendait pas publique. Elle a répondu qu'elle en avait "reçu" la méthodologie la veille et que son attachée de presse l'avait fait parvenir aux journalistes "hier". Je lui ai demandé si elle l'avait envoyée à tous les journalistes et avec TOUTE l'étude. Elle répondit: "Tout le monde l'a reçue. Avec les résultats, oui." Cela a évidemment mis fin à cette partie de la discussion.
Sur le moment, j'ai cru la ministre. N'ayant rien vu passer, ni la veille ni le matin, je me suis dit que j'avais tout simplement raté la chose. Mais j'avais un doute. En sortant du studio, j'ai posé la question à son attachée de presse. Elle a plutôt confirmé le contraire, à savoir que rien n'avait été envoyé sur le fil de presse et que seulement deux ou trois journalistes auraient reçu un bref communiqué de presse, non une "étude".
DE LA BOUILLIE POUR LES CHATS
Entendant que l'"étude" aurait été envoyée mais n'ayant reçu aucune véritable "étude", des journalistes ont fini par découvrir qu'elle n'existait pas. La supposée "étude" était en fait une "campagne promotionnelle" de l'OQLF auprès de commerçants du centre-ville de Montréal. Sans méthodologie scientifique, budget ou rapport détaillé (!), des agents de l'OQLF avaient testé 2471 commerces pour voir si on y accueillait et servait les clients en français. Ils remettaient ensuite aux commerçants un petit dépliant explicatif sur la loi 101...
Pis encore, l'OQLF a confirmé qu'il n'avait fait aucune ventilation par secteur, qu'il avait tiré une bête moyenne des "résultats" en mélangeant les secteurs francophones, anglophones et le centre-ville. Donc, contrairement à ce qu'a dit la ministre, pas moyen de savoir la vérité sur la situation du français au centre-ville. De la vraie bouillie pour les chats. L'OQLF a aussi reconnu que cette "campagne promotionnelle" avait été provoquée par une autre enquête du Journal de Montréal, alors que le ministère ne lui avait commandé aucune étude scientifique sur le sujet!
On apprend maintenant que l'OQLF est en retard de plusieurs mois dans la production de son rapport quinquennal sur l'évolution de la situation linguistique. Une hypothèse: ça doit prendre du temps pour embellir le portrait d'une situation de plus en plus politiquement incorrecte. Dites-moi: croyez-vous qu'on se moque juste un tout petit peu de vous... ou beaucoup, beaucoup?
Et voilà. Il n'y a plus moyen, dans le seul État francophone d'Amérique, d'avoir l'heure juste sur la situation du français. On dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés, mais sur une question aussi cruciale, c'est irresponsable de ne pas dire toute la vérité, juste la vérité. Depuis la dernière crisette en 1996, nos gouvernements craignent la question linguistique plus qu'une tempête de verglas. Résultat : le bureau du premier ministre, quel qu'en soit le patron, a pris le contrôle total de la question.
Finis les Camille Laurin, Gérald Godin ou même Claude Ryan, qu'on l'ait apprécié ou non, lesquels contrôlaient nettement plus leurs dossiers. Depuis 1996, les ministres et organismes responsables de la loi 101 sont des marionnettes du bunker. Leur rôle est de ne pas faire de vagues, d'obéir aux commandes politiques et de ne pas inquiéter le bon peuple avec des données moins roses, qui pourraient obliger le gouvernement à bouger ou lui valoir une couverture négative hors Québec. À la décharge de l'OQLF et de la ministre actuelle, la fausse "étude" n'est toutefois qu'un exemple parmi d'autres de cette désinformation qu'on nous sert depuis 12 ans.
UN FANTASME?
À part la suggestion du PQ d'étendre la loi 101 aux entreprises de taille moyenne, les libéraux et l'ADQ font dans la dénégation. Mais ça commence aussi à sentir l'improvisation au PQ avec cette idée, mort-née, d'appliquer la loi 101 aux CPE plutôt qu'aux cégeps!
Comme ce serait chouette tout de même d'avoir un premier ministre capable de dire à l'OQLF: "Donnez-moi l'heure juste, de manière rigoureuse et scientifique, sans ingérence politique, et j'agirai ensuite là où c'est nécessaire, quel que soit le parti auquel j'appartiens." Quel beau rêve...
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