Qu'y a-t-il de plus présomptueux? Demander à un pays ami, auquel on a fourni de faux renseignements sur un de nos citoyens, de corriger à son tour cette monstrueuse erreur ou voir ledit pays refuser de prêter l'oreille aux demandes polies de son accommodant voisin?
Qu'y a-t-il de plus arrogant? Faire savoir, par la voix de l'ambassadeur du pays toujours ami, qu'il est inacceptable que le voisin se mêle de qui peut ou non entrer chez nous ou voir le même pays ami se permettre, lui, d'interdire aux travailleurs-citoyens de son voisin d'oeuvrer à certains contrats?
Qu'y a-t-il de plus envahissant? Qu'un gouvernement insiste pour que justice soit partout rendue à un de ses citoyens torturé ou que la moindre obsession sécuritaire du cher voisin soit relayée ici, sans compromis possible (l'imposition du passeport et la mise en place de listes de gens interdits de vols n'en étant que les plus récents exemples)?
Qu'y a-t-il de plus insultant? Qu'un gouvernement qui, depuis un an, n'a pas cessé de démontrer ses affinités avec l'administration de son voisin du Sud lui demande un peu de bonne volonté pour une fois ou que cette administration lui réponde no way?
Qu'y a-t-il de plus désinvolte? Qu'un ministre de la Sécurité publique qui, fort d'une enquête qui a mené à un rapport de 1400 pages, fasse valoir à ses amis d'en bas l'innocence d'un de ses citoyens ou qu'un procureur général qui, interrogé lors d'une audience au Sénat, fasse miroiter des déclarations publiques qui se traduiront finalement par la sèche publication d'une lettre officielle affirmant, au mépris de toute vraisemblance, que le citoyen en question est un suspect, point à la ligne?
Le bon sens donne évidemment la réponse à toutes ces questions.
Et puis, que les États-Unis le veuillent ou non, l'affaire Arar est déjà bien plus que la triste histoire d'un homme dont on dispute l'innocence. Les démocrates, désormais majoritaires au Congrès, veulent s'en servir comme exemple des abus de l'administration Bush en matière de sécurité et de droits de la personne. De la même manière, l'Union européenne entend brandir le cas Maher Arar afin de faire la leçon aux Américains pour leurs pratiques antiterroristes.
Un comité a remis hier au Parlement européen son rapport sur les vols secrets de la CIA qui transportaient des suspects vers des pays du Moyen-Orient pour y être (rudement!) interrogés. Le rapport presse l'Italie de présenter des excuses et de compenser ces gens qui, comme M. Arar (dûment nommé), ont transité par ses aéroports à bord des avions américains.
Ces batailles, qui s'ajoutent aux poursuites judiciaires de Maher Arar contre les autorités américaines, sont prometteuses. Mais le gouvernement Harper, lui, saura-t-il se tenir debout devant les camouflets? Déjà, il a refusé de répondre aux déclarations fort peu diplomatiques de l'ambassadeur David Wilkins: est-ce un signe de grandeur ou de soumission?
jboileau@ledevoir.ca
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