Les Québécois entre deux chaises

Référendum du 20 mai 1980 - 30 ans plus tard


(Ottawa) Ni fédéralistes, ni souverainistes, répondent les Québécois, 30 ans après le premier référendum sur la souveraineté-association. René Lévesque avait vu juste en accolant les deux concepts.
Mais sur le plan politique, il y a meilleure façon de se faire respecter dans le reste du Canada que de s'acharner à ne pas prendre position sur une question aussi fondamentale.
Un sondage Crop réalisé pour une boîte à idées qui se nomme L'Idée fédérale - son nom décrit bien son orientation - nous donne cette semaine un résultat à la fois étonnant et réaliste. Voici :
- 22 % se disent surtout fédéralistes;
- 24 % se disent surtout souverainistes;
- 22 % se disent entre les deux;
- 25 % se disent ni l'un ni l'autre;
- 7 % ne savent pas ce qu'ils sont.
Cela ressemble à du Yvon Deschamps - un Québec indépendant dans un Canada fort. Étonnant, parce qu'après des décennies de débats, le camp des indécis domine toujours le paysage politique.
Réaliste, parce que ce sondage reflète exactement les bruits de la rue. Regardez autour de vous, écoutez les conversations politiques, ou du moins ce qu'il en reste, et vous verrez bien : les Québécois abordent la question nationale en ordre dispersé. Il n'y a que le niqab, la burqa et le hockey pour rassembler tout le monde.
Les fédéralistes se réjouissent de voir dans ce sondage un recul de la souveraineté, 58 % des Québécois affirmant que ce débat était dépassé. Même 31 % des partisans de la souveraineté partagent cet avis, Lucien Bouchard en tête.
Mais ne concluez pas trop vite, les amis. Vous trouverez aussi que seulement 26 % des électeurs croient que les désac­­cords entre le Québec et le reste du Canada se sont réglés à la satisfaction des deux parties, depuis le référendum de 1980.
Ces querelles mal terminées vont du rapatriement unilatéral de la Constitution jusqu'au bilinguisme des juges de la Cour suprême, qui s'annonce lui aussi pour connaître une belle fin en queue de poisson. On trouvera des dizaines de dossiers aptes à susciter des motions tout aussi unanimes que futiles de l'Assemblée nationale, autant d'armes pour alimenter les campagnes du Bloc québécois.
Gilles Duceppe peut songer à la retraite en toute quiétude, son parti pourra lui survivre.
Autre source d'inquiétude pour les fédéralistes : une claire majorité de 57 % des Québécois et de 67 % des francophones estiment que la survie de la langue française est moins bien assurée qu'il y a 30 ans.
La perception compte plus que la réalité, parce que dans les faits, il n'y a jamais eu autant de Québécois capables de s'exprimer en français. Mais quand les deux tiers d'un groupe linguistique se sentent en danger, quand leur gouvernement, à Québec, se montre tiède en la matière (lire : la loi 104), quand l'autre gouvernement, à Ottawa, boude le bilinguisme à la Cour suprême, une explosion est toujours possible.
Au lendemain du référendum de 1980, Le Nouvel Observateur commentait ainsi le résultat : «Au pouvoir depuis quatre ans, [les péquistes] ont prouvé qu'il était possible de changer le Québec sans le sortir du Canada.» Un peu rapide comme analyse, car les gouvernements successifs n'ont pas répété les exploits du Parti québécois première génération.
Le reste du Canada, lui, ne sait plus à quel saint se vouer. Le ni-ni des Québécois l'indispose au plus haut point; il considère le dossier du Québec comme clos.
Vus de l'autre côté de la rivière des Outaouais, les Québécois ne seront jamais contents, ne donneront jamais toute leur loyauté au pays, et ne le quitteront jamais.
Ce que ce sondage confirme, en quelque sorte, alors que 39 % croient que rien n'aura changé en 2040, après 30 autres années de débats politiques. Patience tout le monde.


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