(Ottawa) Rarement voit-on des manifestants brandir des pancartes de la CSN ou de la FTQ devant le parlement fédéral, mais tout cela risque de changer dans les prochaines semaines, jurent les leaders syndicaux québécois.
Depuis des mois, les centrales québécoises se préparent à un affrontement avec le gouvernement Harper. Une série de projets de loi privés, de ballons médiatiques et de déclarations de ministres les ont mis sur les dents.
«Pour la première fois de son histoire, la CSN est appelée à regarder à l'ouest de la rivière des Outaouais», affirme le secrétaire général de la CSN, Jean Lortie.
Le chef syndical a assisté à l'automne au congrès du Parti conservateur à Calgary. C'était la première fois que la CSN déléguait un représentant à un tel événement. En fait, note M. Lortie, il est le seul membre du conseil d'administration à parler couramment anglais.
«Nous voulons organiser une réplique coordonnée, bâtir une alliance pancanadienne pour sortir les conservateurs», résume M. Lortie.
En novembre, la plus grande partie des débats au congrès annuel des Métallos a porté sur la politique fédérale. La centrale craint tout particulièrement trois initiatives parlementaires lancées par des députés conservateurs, les projets de loi C-377, C-525 et, plus récemment, C-4 sur la mise en oeuvre du budget (voir capsules).
Le directeur québécois des Métallos, Daniel Roy, estime que les projets de loi conservateurs ne sont rien de moins qu'une menace pour la «survie» des syndicats. Sa formation compte tout mettre en oeuvre pour empêcher l'élection de candidats conservateurs lors des prochaines élections, prévues en 2015.
«Où on pense que les conservateurs ont des chances d'être élus, on va aller cibler ces circonscriptions, dit M. Roy. Où nous sommes certains que le NPD ou les libéraux vont gagner, nous ne perdrons pas notre énergie dans ces endroits.»
Un atout de taille
L'appui des syndicats est un atout de taille pour les partis politiques. Une centrale peut encourager ses membres à s'enrôler comme bénévoles pour des candidats, à effectuer du porte-à-porte, faire du pointage téléphonique ou des dons à une formation politique.
Cet appui logistique et financier peut jouer un rôle capital, surtout dans les circonscriptions où des candidats se livrent une lutte serrée, et où quelques centaines de votes peuvent faire une différence.
Le milieu syndical craint tout particulièrement l'abolition de la Formule Rand. Cette pratique consiste pour un employeur à prélever les cotisations syndicales de ses employés à même leur chèque de paie. Les cotisations deviennent obligatoires pour tous les membres d'un syndicat.
«Tout nous porte à croire que c'est l'objectif ultime des conservateurs», dit Magali Picard, de l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Le gouvernement Harper a donné plusieurs indices qu'il souhaite repenser ce modèle de financement des syndicats. Le député ontarien Pierre Poilièvre, qui a depuis été nommé ministre d'État à la Réforme démocratique, a écrit une lettre ouverte en mai dans le National Post. Le texte reproche aux syndicats d'abuser des contributions obligatoires de ses membres en engageant des millions dans des luttes politiques.
«Est-ce qu'un fonctionnaire fédéral (dont l'emploi dépend d'un Canada uni) "bénéficie" de l'appui récent de son syndicat à des partis séparatistes lors de la dernière élection fédérale?», a-t-il écrit à l'époque.
«Ce qu'ils n'aiment pas, c'est que les syndicats font des campagnes de sensibilisation pour leurs membres et pour le public en général, résume le député néo-démocrate Alexandre Boulerice, critique en matière de travail. Les conservateurs considèrent que les syndicats n'ont pas à être un acteur dans le jeu démocratique, dans la discussion.»
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