Lisée et le «corps étranger» - Provocation contre-productive

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À Galilée, on avait fait un procès pour avoir osé dire que la terre est ronde. Et pourtant, elle tourne

« Corps étranger » : le terme utilisé par Jean-François Lisée pour désigner le Canada au Québec était mal choisi. Ancien conseiller de haut rang et ex-rédacteur de discours importants, on aurait pu s’attendre à ce que l’homme s’interdise ce type de provocation inutile pouvant occulter des réalités méritant d’être soulignées et critiquées.
Comme analyste, Jean-François Lisée s’est souvent fait reprocher de porter des « lunettes roses » ; d’embellir les choses le plus possible pour son camp en échafaudant des théories hardies. Lorsque ce type de rhétorique devient celle d’un acteur politique, les conséquences peuvent être contre-productives.

C’est le cas selon nous, des conclusions hasardeuses que le ministre des Relations internationales du Québec a tirées à partir des résultats du dernier sondage CROP, dont les données sont apparues à plusieurs observateurs comme surprenantes, voire aberrantes. L’étude indiquait une remontée de la souveraineté à 44 %. Il n’en fallait pas plus pour que M. Lisée, dans une sorte d’emballement, y décèle une preuve que « l’attachement au Canada se dégrade ». Le Dominion deviendrait de plus en plus, aux yeux des Québécois, un « empêchement de prendre des décisions ». Bref, a-t-il conclu, polémique, une sorte de « corps étranger ».

Certes, plusieurs Québécois ont une mauvaise perception d’Ottawa. Et cela est souvent justifié : le gouvernement Harper fait preuve d’une indifférence troublante à l’égard du Québec. Par exemple, quand il exerce ses compétences en faisant fi des autres ordres de gouvernement et des lois et réglementations locales, dans le port de Québec et à l’aérogare de Neuville, par exemple. Déjà que le Québec a été honteusement isolé en 1982 et nié en 1990 (désaccord du lac Meech), voilà le fédéral qui nomme le juge Nadon à l’encontre de la Loi sur la Cour suprême et qui prétend pouvoir refaire le Sénat unilatéralement. Peut-être aussi que les réactions d’Ottawa et de nombre de Canadiens anglais face au projet de la charte des valeurs québécoises, appuyé par bon nombre de Québécois, ont été perçues comme une interdiction de s’autodéterminer.

Cela étant dit, qualifier le Canada de « corps étranger » comportait une dose de mépris qui risque de braquer bien des Québécois et les retourner précisément contre l’analyse de M. Lisée. Gilles Duceppe avait l’habitude de dire qu’il ne fallait pas faire la souveraineté « contre » le Canada.

Or, plusieurs Québécois, à tort ou à raison, se sont non seulement résignés à ne pas changer le Canada, mais l’ont réadopté et s’en font même une fierté. C’est le cas de plusieurs libéraux de Philippe Couillard, mais aussi de caquistes totalement étrangers au passé nationaliste de leur ancêtre, l’Action démocratique du Québec. Or, on ne les amènera sûrement pas à changer d’idée avec ce type de métaphores douteuses.

C’est le cas aussi, il faut le souligner, de plusieurs jeunes nés après le dernier référendum et ayant grandi dans l’univers postnational de l’Internet. Pour atteindre et dépasser le taux d’appui au Oui reflété dans le dernier CROP, les souverainistes devraient s’employer à développer d’autres types de discours.


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