Les vieux pièges

Séparés ou fédérés, le Québec et le Rest of Canada sont condamnés à demeurer des voisins et des partenaires économiques.

Le Bloc Québécois a 20 ans!



Le Bloc québécois a 20 ans cette année et les réactions qu'il suscite à travers le pays sont encore pas mal épidermiques. Trop peu de Canadiens essaient de comprendre les raisons de l'existence même du Bloc. Cela laisse le beau jeu à son chef, Gilles Duceppe, qui a entrepris récemment une tournée canadienne dans l'espoir de susciter un dialogue avec le Rest of Canada.
Les étapes du voyage de M. Duceppe n'attirent pas les foules. La menace d'un référendum gagnant n'est pas à nos portes et ceux qui seraient les premiers à crier la douleur de l'éclatement du Canada ne se donnent pas la peine d'entendre le chef du Bloc alors que le moment serait pourtant propice : sans enjeu déchirant qui pend au bout du nez, il serait plus facile d'enclencher un dialogue franc sur la question de l'avenir du Canada pour ses deux communautés fondatrices, les Anglais et les Canadiens-français.

Au lieu de cela, c'est le déni. Pas de menace, pas d'urgence.
Pourtant, l'incompréhension du Canada anglais envers le Bloc québécois demeure immense. De la mer d'indifférence a tout de même surgi quelques réactions cutanées tristement typiques. Les députés du Bloc ? Des séparatistes qui ne se gênent pas pour encaisser leurs paies du fédéral ! Des profiteurs à qui les Canadiens verseront des pensions jusqu'à leur mort en guise de remerciement d'avoir essayé de briser le Canada ! Etc.
Des lieux communs
Le Bloc est né de la profonde déception provoquée dans les rangs de Québécois qui espéraient une ouverture avec l'entente du lac Meech. Rejetée par le Manitoba et reniée par Terre-Neuve et Labrador, le ressac provoqua la création d'une nouvelle voix québécoise aux Communes.
Depuis, le Bloc a remporté six majorités consécutives dans la Belle Province. Ces succès s'expliquent en partie par l'incapacité des deux grands partis fédéralistes au pays, le Parti libéral du Canada et le Parti conservateur (progressiste-conservateur jusqu'en 2003), à répondre aux aspirations d'une majorité de Québécois au plan fédéral. Si le fédéralisme remporte encore une majorité d'appuis au Québec, le PLC a été incapable de trouver une voie qui pourrait à la fois accommoder les aspirations d'affirmation et de fierté nationales des Québécois et l'historique d'un gouvernement central fort tel qu'évoqué sous Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien.
De son côté, le PC sous Harper rejette la stratégie de main tendue aux nationalistes québécois comme l'avait fait Brian Mulroney. Le discours du PC demeure primaire et son fond émerge dans des moments de tension : les épithètes de « séparatistes « qui n'aspirent « qu'à briser ce beau pays « reviennent vite à la surface.
L'occasion aurait pu être bonne, pour certains Canadiens-anglais, de questionner Gilles Duceppe et le force du Bloc en mettant au défi le PLC et le PC de trouver une manière de faire échec aux souverainistes québécois. Pas du tout. La réaction a été soit l'indifférence totale, soit une répétition des accusations du passé. Le Québec est ingrat d'encaisser 8,4 milliards de dollars en paiements de péréquation auquel l'Alberta contribue 21 milliards de dollars pour se payer des services sociaux que les autres provinces canadiennes n'ont même pas !, a-t-on lu dans le Calgary Herald. Personne ne s'est demandé pourquoi le Québec considère important de se doter de tels filets sociaux (assurance-médicaments, réseau de garderies à 7 $, frais d'université plus abordables, etc.).
Voilà de vraies questions que le Rest of Canada aurait pu se poser à la remorque de la tournée canadienne de Gilles Duceppe. On préfère plutôt se mettre la tête dans le sable en se disant que la crise constitutionnelle de 1995 n'est pas à nos portes.
Séparés ou fédérés, le Québec et le Rest of Canada sont condamnés à demeurer des voisins et des partenaires économiques. Certains se contentent de remettre à la semaine des quatre jeudis un dialogue qui a trop souvent fait défaut depuis la Confédération, il y a 143 ans. C'est tout à fait le jeu de Gilles Duceppe et du Bloc québécois !


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé