La motion «PKP»

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Un parallèle entre la motion Michaud et la motion Péladeau

La présence de Pierre Karl Péladeau dans la sphère politique soulève quelques questions délicates qui, on le voit, divisent même le Parti québécois auquel il s'est joint le printemps dernier.
Si l'Assemblée nationale a voté sur une motion de la Coalition avenir Québec, jeudi, il faut se rappeler que la question névralgique a été soulevée le week-end dernier par son collègue Jean-François Lisée. Comme quoi, en politique, nos adversaires ne sont pas toujours de l'autre côté de la Chambre...
La motion comme telle, adoptée par 84 voix contre 22, n'aura aucune conséquence à court terme. Elle enclenche un processus de révision de la loi encadrant les conflits d'intérêts des élus qui ne sera pas réglé avant que le Parti québécois n'ait choisi son prochain chef, en mai 2015.
Mais, à court terme, cette motion envenime le climat politique au Québec et les faux pas sont déjà évidents. Gaétan Barrette qui associe M. Péladeau à Silvio Berlusconi : voilà qui est plus que maladroit. Si les deux sont des magnats de la presse, l'ex-premier ministre de l'Italie est davantage connu chez nous comme un coureur de jupons qui a été coupable de fraude fiscale. La comparaison de M. Barrette est boiteuse.
La motion ouvre une boîte de Pandore, car elle est très précise dans sa formulation. S'il n'est pas cité nommément, « PKP » en est la cible, car il est le seul élu qui détienne « une position de contrôle dans une entreprise médiatique ».
Il y a déjà eu des cas de conflit d'intérêts dans le passé, au provincial et au fédéral. Il était tout aussi indisposant en 2003 lorsque le magnat du transport maritime Paul Martin est devenu premier ministre du Canada. Mais ainsi posée, la motion d'hier est devenue une question de personnalité et rappelle un autre triste épisode de l'Assemblée nationale, survenu en 2000. Yves Michaud avait été crucifié publiquement pour des propos sur la communauté juive et plusieurs députés ont par la suite regretté leur geste. Nous verrons peut-être de semblables remords face à M. Péladeau une fois que les tempéraments se seront calmés.
Évidemment, le rôle assez unique que joue Pierre Karl Péladeau dans la société québécoise appelle à une prudence particulière et à revoir nos manières de faire. Il n'est pas un armateur comme M. Martin. Diriger un conglomérat médiatique - a fortiori l'un des plus puissants au Québec - lui confère une immense influence. Il a beau jurer ne pas s'en être servi, les échos des journalistes démontrent le contraire.
Placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard, ça fonctionne pour des bateaux. Pour des journaux, cela est moins limpide.
De surcroît, il est délicat pour une entreprise de presse comme Gesca, rivale à celle de M. Péladeau, de prendre position dans ce débat. Inévitablement, cela pourrait être perçu par certains comme un épisode de plus dans le jeu de la concurrence médiatique.
Pierre Karl Péladeau n'est pas un homme d'affaires comme les autres, ni un député comme les autres. Tous les indices laissent voir qu'il se lancera dans la course à la direction du PQ. Lorsqu'il le fera, il devra avoir disposé de ses affaires - derrière une fiducie sans droit de regard - pour assurer la population du Québec de son indépendance de toute influence et du fait qu'il travaillera pour elle, et exclusivement pour elle.
La pensée québécoise a beaucoup évolué au fil des décennies. Jusque dans les années 1960, l'Union nationale possédait l'un des principaux journaux de Montréal. Cette propriété serait intolérable aujourd'hui. Pierre Karl Péladeau tente de faire maison nette de son passé et il ne doit pas être tenu à davantage que d'autres avant lui, soit la fiducie sans droit de regard. Il faut accepter sa parole, au risque d'effrayer toute la communauté d'affaires du monde politique, où elle a, comme d'autres, une contribution à faire au bien public.
Le Québec doit savoir faire confiance à ses politiciens et lorsque l'un d'eux assure que sa conduite sera irréprochable, il faut le croire.


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