Loi 104 : une décision conforme à la Charte de Trudeau

Loi 104 - Les écoles passerelles - réplique à la Cour suprême

La Cour suprême du Canada vient encore une fois, le 22 octobre 2009, d'affaiblir la Charte de la langue française en jugeant inconstitutionnelle la loi 104 qui visait à mettre fin aux écoles-passerelles vers l'enseignement en anglais au Québec.
La Cour s'est basée sur l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, imposée au Québec par Trudeau en 1982 avec l'accord des neuf provinces anglophones. Trudeau a reconnu quelques années plus tard « qu’à cette dernière étape il fallait presque un putsch, un coup de force » pour modifier la constitution canadienne. (dans Stephen Clarkson et Christina McCall, Trudeau : l’homme, l’utopie, l’histoire, 1990, p. 257)
Par sa charte canadienne des droits, Trudeau visait surtout à contrer la loi 101, la Charte de la langue française, comme l'a révélé le premier ministre de l'Ontario : « M. William Davis estime que la charte des droits du gouvernement Trudeau ne changera rien à la situation des Franco-Ontariens, mais qu'elle était devenue nécessaire pour contrer les législations adoptées par les gouvernement Bourassa et Lévesque en matière linguistique au Québec. » (Gilbert Lavoie, La Presse, 23 novembre 1981)
Selon André Burelle, un ancien conseiller de Trudeau, le sénateur Michael Kirby l'a aussi confirmé : « Michael Kirby ne s'y trompait pas, la charte voulue par M. Trudeau visait bel et bien à neutraliser en priorité la Loi 101. Les droits linguistiques s'y trouvent en effet élevés au rang de droits fondamentaux des individus soustraits à la clause nonobstant, tandis que les autres droits de la personne, même les plus fondamentaux, y sont assujettis à la clause dérogatoire. » (Pierre Elliott Trudeau : l'intellectuel et le politique, 2005, p. 85).
Trudeau s'opposait à l'aspect collectif des droits linguistiques, car c'était là pour lui un premier pas vers la reconnaissance de deux peuples fondateurs et de deux nations au Canada. Il a avoué que sa Charte, « à l’exception des deux cas mentionnés [« les peuples autochtones du Canada » et « la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens »], elle cherche à définir les droits exclusivement en fonction de la personne plutôt que de la collectivité […] Chose notoire, cette préférence est maintenue même quand il s’agit des langues officielles : ce ne sont pas les groupes linguistiques qu’elle protège, ce sont les individus dans leur droit d’utiliser l’une ou l’autre langue. » (Thomas S. Axworthy et Pierre Elliott Trudeau, Les années Trudeau, la recherche d’une société juste, 1990, partie écrite par Trudeau, p. 388)
Après le départ de Trudeau, la charte canadienne a toutefois été modifiée pour ajouter deux groupes linguistiques : « la communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick » (article 16.1), mais pas la collectivité québécoise. Cette modification allait à l'encontre de l'esprit de Trudeau. D'ailleurs, Deborah Coyne, une juriste fidèle à sa pensée et la mère de sa fille, l'a contestée devant les tribunaux.
En 1987, le premier ministre Mulroney a tenté, par l'Accord du lac Meech, de faire reconnaître le Québec comme une société distincte, entre autres sur le plan linguistique. Trudeau est sorti de sa retraite pour s'y opposer de toutes ses forces.
Le 30 mars 1988, il s'est adressé au Sénat canadien pendant six heures en anglais seulement : « Nous avons, a-t-il dit, des exemples dans l'histoire où un gouvernement devient totalitaire parce qu'il agit en fonction d'une race et envoie les autres dans les camps de concentration. » (Gauthier, Gilles, La Presse, 31 mars 1988)
Après le refus de deux provinces de ratifier cet accord en 1990, Mulroney a tenté de nouveau, cette fois par l'Accord de Charlottetown, de faire reconnaître le Québec en tant que société distincte, entre autres par sa majorité de francophones.
Trudeau est encore sorti de sa retraite pour combattre ce nouvel accord. Le 2 octobre 1991, s'adressant "off-the-record" à plus de 300 personnes, il a utilisé les arguments suivants : « Qu’arriverait-il si la population francophone diminuait ? Cela donnera au gouvernement de cette société le pouvoir de dire : "Eh bien, déportons quelques centaines de milliers de Québécois ne parlant pas français”. » (Norman Webster, The Gazette, 5 octobre 1991) Ce nouvel accord a été rejeté par le Québec et par le ROC lors de deux référendums simultanés en 1992.
En 1998, deux ans avant sa mort, Trudeau considérait encore la Charte de la langue française comme un frein aux libertés individuelles des immigrants : « Quiconque immigre au Canada croit que c'est un pays libre. Pourtant, la première chose qu'on lui dit à son arrivée, c'est que ses enfants ne peuvent fréquenter l'école anglaise […] Mon gouvernement n'a permis au Québec de le faire malgré la Charte que comme tarif linguistique temporaire, même si j'abhorrais l'esprit de cette loi. » (Pierre Elliott Trudeau, avec la collaboration de Ron Graham, Trudeau : l’essentiel de sa pensée politique, 1998, p. 144)
Le jugement de la Cour suprême du Canada du 22 octobre 2009 montre une fois de plus que l'approche individualiste de la charte de Trudeau domine toujours le paysage juridique et politique canadien, sans égard aux droits collectifs des Québécois. Le Québec ne pourra jamais faire respecter ses lois, en particulier sa Charte de la langue française, tant qu'il ne sera pas indépendant.
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L’auteur a publié Le vrai visage de Pierre Elliott Trudeau (Les intouchables)

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François-Xavier Simard21 articles

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Auteur du livre {[Le vrai visage de Pierre Elliott Trudeau->http://qc.novopress.info/2860/le-vrai-visage-de-pierre-elliott-trudeau/]} (Les intouchables, 2006)

Originaire du Saguenay, François-Xavier Simard est docteur en médecine. Il est aussi titulaire d’un diplôme en sciences naturelles de l’Université de Paris et de certificats en anthropologie, en paléontologie et en génétique. Il a enseigné à la Faculté de médecine de l’Université Laval, puis il a travaillé à la Régie de l’assurance maladie et au ministère de la Santé du Québec. Il est aujourd’hui retraité.





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