BRUXELLES, Belgique - Présenté par les dirigeants européens comme un nouvel «accord modèle» de libre-échange, le traité commercial qui doit être signé dimanche entre le Canada et l'UE (CETA), s'est heurté à de vives oppositions, tout comme l'impopulaire TTIP (ou Tafta) en discussion avec les États-Unis.
Négocié depuis sept ans, le CETA, un épais document de plus de 1 600 pages, supprimera plus de 99% des droits de douane entre l'UE et le Canada.
Ottawa est le douzième partenaire de Bruxelles en matière d'importations (1,6% des importations de l'UE) et le 13e en ce qui concerne les exportations (2,0%), selon des chiffres publiés dimanche par l'institut de statistiques Eurostat.
L'excédent commercial de l'UE avec le Canada s'élève en 2015 à 6,9 milliards d'euros pour les biens et à 3,8 milliards d'euros pour les services.
Le montant des droits de douanes que le Canada supprimerait pour les produits originaires de l'UE une fois le CETA en application s'élève à 500 millions d'euros par an, affirme Bruxelles.
Parmi les exceptions au traité, certains produits agricoles, comme les viandes bovines et porcines, dans le sens Canada-UE, toujours soumises à des quotas.
L'accord fournit aussi une protection supplémentaire à 143 origines géographiques spécifiques (AOC), dont 42 françaises, comme le Roquefort, le Saint-Nectaire ou les Pruneaux d'Agen.
Grâce au CETA, les entreprises européennes auront désormais accès aux marchés publics canadiens, y compris ceux des villes et des provinces qui gèrent une part importante des dépenses publiques. Une véritable avancée pour les Européens qui avaient, eux, déjà donné un large accès à leur marché aux compagnies canadiennes.
L'accord, qui concerne plus de 500 millions d'Européens et 35 millions de Canadiens, ne modifiera pas les règles européennes sur la sécurité alimentaire ou la protection de l'environnement. Il vise au contraire à améliorer la coopération entre les organismes européen et canadien sur ces normes.
Les produits canadiens ne pourront donc être importés dans l'Union que s'ils respectent la réglementation de l'UE et le boeuf aux hormones ne sera pas autorisé.
Tribunal d'arbitrage
Le point le plus sensible porte sur la possibilité donnée à une multinationale investissant à l'étranger de porter plainte contre un État qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts.
Un mécanisme qui a permis à Philip Morris d'attaquer l'Uruguay pour sa politique anti-tabac ou au géant minier Oceanagold de poursuivre le Salvador pour lui avoir refusé un permis d'exploitation pour raisons environnementales.
Le tribunal permanent créé par le CETA sera composé de 15 juges professionnels nommés par l'UE et le Canada. Toutes les auditions seront publiques et il sera possible de faire appel. «Une sorte de Cour publique des investissements qui ouvre la voie à une Cour internationale des investissements», selon un négociateur européen.
Les ONG craignaient que ces «pseudo-juges» soient des avocats d'affaires liés à des cabinets privés.
Mais la Belgique a obtenu des concessions sur leur mode de nomination, afin de s'assurer que ce ne sera pas le cas, s'est félicité le ministre-président de la région francophone de la Wallonie (sud), le socialiste Paul Magnette, qui a mené la bataille au nom des opposants au CETA.
Une fois le traité paraphé, dimanche à Bruxelles, le Parlement européen et celui du Canada devront l'approuver, afin qu'il entre en vigueur de façon provisoire, essentiellement sur les dispositions qui relèvent de la compétence exclusive de l'UE.
Parmi les chapitres provisoirement exclus, ce fameux tribunal d'arbitrage. En cas de litige avec un État, une entreprise continuera donc à porter plainte devant la juridiction du pays concerné ou la chambre arbitrale internationale de Paris, par exemple.
Reste un obstacle de taille: pour entrer définitivement en vigueur, le CETA devra être approuvé par les différents Parlements nationaux et régionaux de l'UE. Une procédure qui pourrait prendre des années...
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