Louis-Hébert: gérer les attentes

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«L'effet repoussoir de Philippe Couillard»

«Une partielle, ça ne veut rien dire!» C’est ce que répètent tous ceux qui sont mécontents des résultats, après coup.


C’est vrai... et pas. D’un côté, on ne peut prendre les résultats d’une élection partielle — avec ses enjeux locaux et son taux de participation faible — et les extrapoler à l’ensemble du Québec.


D’un autre côté, en comparant les chiffres d’une partielle avec ceux enregistrés dans la même circonscription lors de l’élection précédente, on peut quand même observer tes tendances. Tel parti monte-t-il sur le terrain alors que les sondages le place en bonne position? Ou plutôt, a-t-il baissé comme l’affirme les enquêtes d’opinion?


C’est principalement à ça que se mesurera le succès — ou l’insuccès — d’un parti, à l’occasion d’une partielle : les attentes.


Celles qu’il a lui-même créées ou qu’on a placées en lui.


Voici les objectifs que doivent viser chacun des partis en présence en vue de l’élection partielle du lundi 2 octobre.


Québec Solidaire: aller chercher son «dépôt» (15%)


Québec Solidaire n’a fait que 4,94%, lors de la dernière élection. Ça devrait nous amener à croire que son score demeurera faible cette fois-ci, la région de Québec étant généralement peu favorable aux partis de gauche.


En même temps, ça ne colle pas avec une circonscription où le taux de participation a été le plus élevé du Québec en 2014 (83,66%). Les banlieues cossues de Saint-Augustin et de Cap-Rouge et leur forte proportion d’électeurs universitaires devraient offrir un meilleur résultat à QS.


C’est le sale petit secret des «QSistes» : leur base est essentiellement bourgeoise. Ce ne sont pas les classes laborieuses qui les appuient. Dans Gouin, puis dans Sainte-Marie–Saint-Jacques et éventuellement dans Hochelaga-Maisonneuve, c’est au nombre de condos qui se construisent qu’on a pu anticiper la montée orange.


Évidemment, le moustachu qui travaille comme «créatif» dans une boîte du Mile End se compare difficilement au petit couple qui passe leur tondeuse sur leur beau terrain des Bocages, à Saint-Augustin. C’est pour ça que Québec Solidaire ne gagnera pas.


N’empêche qu’avec un candidat expérimenté et éloquent comme Guillaume Boivin, qui a connu de très bons moments sur les stations de radio pendant cette campagne, QS devrait améliorer sensiblement son score.


Surtout si Gabriel Nadeau-Dubois veut continuer d’être pris au sérieux quand il se dit capable de faire sortir son parti de l’île de Montréal.


Parti Québécois : faire 20%


Évidemment, le PQ devrait être plus compétitif dans une circonscription du Québec francophone. Le fait que la région de la Capitale nationale soit devenue une terre hostile pour les souverainistes depuis les fusions forcées est une des illustrations du déclin de cette formation politique depuis une vingtaine d’années.


Ainsi, le Parti Québécois part de loin dans cette circonscription où il n’a fait que 18,37% en 2014. Il a opté pour une campagne en conséquence. Normand Beauregard est un candidat peu connu mais très fort en contenu. Celui-ci a adopté un ton assez agressif dans les débats, susceptible de mobiliser son mince électorat par la polarisation, notamment sur le transport collectif.


On a aussi choisi d’aborder des enjeux très localisés dans certaines parties du comté, comme l’oléoduc Énergie Est. Ça a fait rigoler dans le reste du Québec, mais allez vous promener sur la 138 pour voir combien il y a de pancartes «Coule pas chez nous» et vous comprendrez mieux ce qu’essaie de faire le PQ : faire sortie certaines franges de l’électorat pour sauver la face.


Depuis 2014, le Parti Québécois peut se targuer d’avoir amélioré son score dans chacune des partielles. S’il peut maintenir le même narratif suivant Louis-Hébert, ce sera satisfaisant.


Coalition Avenir Québec : gagner


Même à la CAQ, on a mis du temps à y croire : est-il vraiment possible de gagner dans cette circonscription où Sam Hamad a régné pendant 14 ans?


Officiellement, c’est encore la ligne que l’on tient. «Louis-Hébert, c’est un château-fort libéral, nos objectifs sont très modestes.» François Legault lui-même s’est un peu emmêlé dans sa gestion des attentes, soufflant parfois le froid, parfois le chaud.


Puis, il y a eu les cafouillages épiques des candidats harceleurs dans Louis-Hébert. La CAQ s’en est mieux sorti que le PLQ en retirant prestement son homme, qui avait pourtant un profil intéressant parce qu’atypique. Surtout, on l’a remplacé par Geneviève Guilbault, qui se révélera comme la meilleure candidate du plateau et de loin. Son choix de faire campagne en portant un enfant est admirable et mérite d’être encouragé.


En conséquence, on s’est mis à y croire à la CAQ. Les députés et même certains employés seniors sont conscrits pour aller faire du terrain en-dehors des heures de bureau.


La CAQ n’a fait que 25,92% en 2014, mais avait réduit la majorité de Sam Hamad à 2000 voix en 2012. L’ADQ s’était approchée à 800 voix en 2007. S’ils veulent montrer qu’ils sont assez compétitifs pour battre le Parti libéral en 2018, Louis-Hébert (sans Sam Hamad et avec une mauvaise campagne libérale) est le genre de circonscription où la CAQ a besoin de gagner.


Avec le pénible début de session que connaît François Legault, on compte là-dessus pour renverser la tendance. Et surtout, on ne voudrait pas avoir « brûlé » une bonne candidate pour les prochaines élections.


Parti libéral du Québec : gagner


Ainsi va la vie au Parti libéral : le Québec va bien, les finances publiques aussi, mais on ne cesse de s’emmêler dans des histoires tordues. Résultat d’un parti devenu trop confiant de gagner pour essayer de faire de la politique sur le sens du monde.


La logique voudrait que le PLQ l’emporte dans Louis-Hébert. C’est ce qui serait arrivé, si le processus de validation du candidat initial, Éric Tétrault, n’avait pas été mené par des personnes manifestement en boisson.


La suite aurait pu mieux se passer, si Philippe Couillard n’avait pas admis candidement que sa candidate de remplacement était son huitième choix.


Ihssane El Ghernati a pourtant un profil intéressant. Proche du populaire Sam Hamad, hyper implantée dans le comté, elle connaît bien ses dossiers. Son élection ferait entrer à l’Assemblée nationale une voix qui mérite de s’y trouver.


Malheureusement, on l’a laissée s’emmêler dans des promesses étranges concernant le prolongement de Félix-Leclerc et la relocalisation d’Anacolor, où elle s’est placée en contradiction avec David Heurtel.


Des gens impliqués dans toutes les campagnes se disent également surpris de l’intensité de l’effet repoussoir de Philippe Couillard, qui tire manifestement sa candidate vers le bas. La pauvre madame El Ghernati doit défendre près de 15 ans de bilan libéral, tout ce que son ancien patron a fait ou n’a pas fait. Les débats auxquels elle a participé ont presque tous viré au festin où la candidate faisait office de plat de résistance.


Bref, ça pourrait être difficile, lundi pour le PLQ. Le cas échéant, Philippe Couillard devra expliquer à son caucus comment il a fait pour perdre une forteresse.


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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.