Malaise autour d’un vote du Canada contre Israël aux Nations Unies

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Trudeau racole le vote musulman


(Ottawa) Le malaise est palpable. « Je préfère en discuter à l’interne », insiste le libéral de confession juive Anthony Housefather au sujet d’un récent vote du Canada contre Israël aux Nations unies. Un vote qui représente « un virage important », selon un expert.


« J’aime mieux ne pas faire de commentaire. Je vais en parler au caucus », dit le député de la circonscription de Mont-Royal. Lorsqu’on lui demande si lui en a entendu parler de la part de ses commettants, il acquiesce.


« Oui, certainement. La communauté juive est très déçue », affirme-t-il en entrevue. Ces derniers jours, La Presse a tenté en vain de joindre plusieurs de ses collègues de même confession, dont la députée d’Outremont, Rachel Bendayan.


Le Canada a appuyé il y a un peu moins de deux semaines, aux côtés de 163 autres pays, une résolution onusienne affirmant le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, rompant avec une tradition installée depuis plus d’une décennie.


 

Dans le camp conservateur, le député Erin O’Toole y voit une trahison injustifiable qu’il a mise sur le compte de la candidature canadienne « ratée » en vue de décrocher un siège au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2021-2022.




[Les libéraux] sont prêts à infirmer une position qui remonte à 2004 afin de gagner quelques voix.



Erin O'Toole, dont la formation a promis d’emboîter le pas aux États-Unis en déménageant l’ambassade du Canada à Jérusalem, dans une vidéo



Il n’a pas été possible d’obtenir une entrevue avec l’ambassadeur du Canada aux Nations unies, Marc-André Blanchard. Chez Affaires mondiales Canada, on affirme que le vote est fidèle à l’engagement d’Ottawa à l’égard d’une solution à deux États.


« Le Canada maintient sa forte opposition à l’opprobre d’Israël à l’ONU et a voté contre la grande majorité de ces votes annuels liés à Israël », a écrit dans un courriel Krystyna Dodds, porte-parole du ministère.


Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Trudeau préconisait la même approche que celle du gouvernement Harper en s’opposant systématiquement aux motions de l’ONU visant à mettre Israël au ban.


Sa décision de s’abstenir de voter sur une résolution condamnant la décision américaine de déplacer l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, fin 2017, avait causé un réel inconfort chez les députés libéraux de confession musulmane.


Pompeo, la goutte de trop ?


L’avalisation de cette résolution – seuls les États-Unis, Israël, la Micronésie ainsi que les îles Marshall et Nauru ont voulu la bloquer – est survenue au lendemain d’une annonce controversée du secrétaire d’État des États-Unis, Mike Pompeo.


Le chef de la diplomatie américaine a tourné le dos à 40 ans de politique étrangère le 18 novembre dernier en clamant que Washington ne considérait plus les colonies juives en Cisjordanie occupée comme contraires au droit international.




Il en avait déjà été question [de changer de cap] avant la déclaration de Mike Pompeo. La conversation avait déjà eu lieu.



Une source gouvernementale canadienne qui a requis l’anonymat en raison de l’aspect épineux du dossier israélo-palestinien



On a voulu, en fait, marquer le coup. « On constate que la solution à deux États devient de plus en plus difficile à envisager, alors nous avons cherché à exprimer publiquement la position du Canada à cet égard », expose cette même source.


Le politologue Sami Aoun estime qu’Ottawa vient de « rééquilibrer » sa position. « On peut considérer cela comme un virage important », soutient le professeur titulaire à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.


En empruntant ce virage dans la dernière ligne droite de cette campagne pour le siège au Conseil de sécurité, le Canada se retrouve dans le même camp que ses alliés européens, qui appuient traditionnellement ces résolutions – y compris la plus récente.


« Il y a cette course en trame de fond. Le Canada n’est pas favorisé comparativement à ses deux concurrents, l’Irlande et la Norvège, et il a des froids diplomatiques avec des pays arabes importants », observe le professeur Aoun.


La semaine dernière, juste après sa prestation de serment, le nouveau ministre des Affaires étrangères du Canada, François-Philippe Champagne, a assuré que cette variable n’avait pas pesé dans la balance.


La résolution était notamment parrainée par l’Égypte et l’Autorité palestinienne, avec qui Ottawa entretient « des relations quand même intéressantes, voire chaleureuses », suggère Sami Aoun.




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