Médias - Internet: bilan de campagne

La vidéo controversée de Michel Rivard, Stéphane Rousseau et compagnie est devenue le symbole de l'impact d'Internet sur la campagne électorale.

Médias et politique

Plus de 573 000. C'est le nombre de fois que la vidéo Culture en péril, version courte, avait été visionnée dans YouTube avant-hier.
[La vidéo controversée de Michel Rivard, Stéphane Rousseau et compagnie est devenue le symbole de l'impact d'Internet sur la campagne électorale.->15097]
Car, cette fois-ci, on ne peut pas dire que le rôle joué par Internet a été totalement mineur.
Rôle majeur? Pas encore au même niveau qu'aux États-Unis, où la campagne de Barack Obama s'est développée en misant à fond sur les nouveaux réseaux de communication de la grande toile pour rejoindre les jeunes électeurs.
Il y a plus d'un mois, l'Institut du Dominion, de Toronto, avait réalisé une étude avec l'Innovative Research Group, étude qui déplorait que les partis politiques canadiens ne s'étaient pas encore adaptés au nouvel environnement en ligne pour rejoindre les jeunes.
Ce groupe de recherche rappelait que, lors des dernières élections fédérales, seulement 42,2 % des jeunes âgés de moins de 24 ans avaient voté. Son sondage de septembre dernier indiquait que, au Canada, seulement 9 % des jeunes avaient été contactés par un parti politique au moyen d'un nouveau média, que ce soit le courriel, la messagerie texte, Facebook, MySpace ou autre. Le groupe avait également lancé un projet participatif, Texto Jeunesse, pour inciter les jeunes à communiquer avec les partis politiques par Internet.
Une certaine résistance
Dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, il faudra analyser plus longuement les résultats de ce soir pour savoir si ce type de campagne a bien touché la cible.
Mais il semble y avoir encore une certaine résistance chez les partis politiques à utiliser pleinement toutes les ressources d'Internet. Un regroupement de médias, par exemple, a lancé au début de la campagne le «Forum des chefs», une tribune interactive qui proposait aux chefs de répondre directement aux citoyens qui envoyaient leurs questions par courriel ou par vidéo. Le site n'était quand même pas géré par des inconnus: il s'agissait d'une initiative conjointe du Devoir, de Radio-Canada, de Cyberpresse et de L'Actualité, avec des journalistes politiques de chacun des médias qui mettaient en contexte les questions. Le site a volontairement cessé de recevoir des questions la semaine dernière, après en avoir reçu un millier. Beau succès, mais seulement trois chefs, Mme May et MM. Layton et Duceppe, ont accepté de se prêter à l'exercice. Les deux autres n'ont pas eu le temps, semble-t-il...
Mais cette campagne a tout de même été marquée par l'utilisation de plus en plus importante des réseaux sociaux, ainsi que de la vidéo comme arme. Le cas de Culture en péril est assez probant. On rappellera que cette vidéo a été tournée uniquement pour être diffusée dans Internet, mais elle a été reprise par tous les autres médias et a contribué à imposer la question culturelle dans la campagne électorale.
Elle n'était pas la seule. Plusieurs vidéos de différents groupes ont circulé assez massivement, comme [Unissons nos voix->15324], ce regroupement de personnalités québécoises s'opposant à Harper, ou You have a choice, regroupement d'artistes canadiens-anglais fondé sur le même thème. Même [Bob Gratton a diffusé une vidéo ironique invitant à appuyer les conservateurs->15523], à prendre au second degré, évidemment...
De toutes les façons
La carte d'Internet a été jouée de toutes les façons. Le Parti conservateur a lui-même mis en ligne des sites antilibéraux (l'histoire de l'oiseau qui s'échappait sur l'épaule de Stéphane Dion) et le Parti libéral a regroupé sa propre production de vidéos critiques dans un site. Il a d'ailleurs remporté un grand succès en diffusant via Internet une vidéo qui comparait un discours de Stephen Harper avec un ancien discours du premier ministre australien, John Howard, pour prouver que le chef canadien avait copié sur son homologue australien.
On pourrait également dresser une longue liste de tous les sites Facebook et MySpace qui ont contribué à la campagne, dont au premier chef ce groupe anti-Harper qui proposait, dans Facebook, d'échanger des votes dans des circonscriptions où on prévoit un résultat serré, afin de battre les conservateurs. Le site comptait plus de 13 500 membres dimanche dernier.
La grande question, évidemment, consiste à savoir si toute cette agitation aura un impact véritable sur le résultat électoral de ce soir.
Local ou national
Chez un citoyen, la décision de voter s'appuie sur un ensemble de facteurs, mesurables ou non. Certains lisent les programmes (oui, oui, ça existe!), d'autres sont très sensibles aux perceptions véhiculées dans les médias. Aujourd'hui, certains vont voter «local», alors que d'autres voteront uniquement en fonction d'un résultat national. Puisque les millions d'électeurs n'ont pas un accès direct aux chefs, le débat des chefs à la télévision a pris une grande importance, et on peut avancer que si Stephen Harper n'obtient pas la majorité qu'il souhaitait ce soir, sa performance très moyenne au débat en français aura peut-être été un point tournant, alors qu'autant les sondages d'opinion que les commentaires des journalistes politiques donnaient Gilles Duceppe et Stéphane Dion gagnants du débat.
Dans ce contexte, Internet apparaît non pas comme un facteur d'une importance structurelle qui peut carrément faire décoller un candidat, comme ce fut le cas aux États-Unis, mais comme un média dont l'importance grandit sans cesse, qui s'ajoute à l'impact de la télévision, qui peut même maintenant nourrir la télévision et les journaux en informations. Bref, un mode de communication de plus en plus incontournable qui peut sérieusement perturber les plans de campagne. Si Stephen Harper n'obtient pas sa majorité souhaitée ce soir, on peut supposer qu'Internet aura joué un rôle, compte tenu de l'ampleur des critiques qui se sont développées dans la grande toile. La suite ce soir.
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pcauchon@ledevoir.com


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