Mettre l'État avant le PLQ

Actualité québécoise - Rapport Duchesneau


Je ne sais pas qui a «coulé» à Radio-Canada et à La Presse le rapport secret de l'UPAC sur les rouages de la corruption et de la collusion au ministère des Transports. Et ce n'est pas important. Mais je suis convaincu d'une chose: la personne qui a donné ce rapport n'a pas confiance en ses maîtres politiques. Sinon, pourquoi faire éclater cette bombe?
Il n'y a de toute façon aucune raison de faire confiance aux élus pour faire la lumière sur ce système. Aucune.
Commençons par l'essentiel. La Sûreté du Québec, qui dirige la fameuse escouade Marteau, est une police politique. Qui est le dernier politicien provincial à s'être fait épingler par la SQ, depuis 10, 20 ans? Il n'y en a pas.
Pourquoi serait-ce différent, cette fois?
Une police politique n'embarrasse pas ses maîtres. Elle se contente de pêcher en banlieue du pouvoir. À Boisbriand, par exemple. Aux États-Unis, des gouverneurs d'État, des sénateurs fédéraux se font passer les menottes par le FBI. Les élus québécois doivent être plus propres que ceux des États-Unis!
Ensuite, l'organigramme est ainsi fait que la personne qui occupe le poste de directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) est nommée par le gouvernement. Le DPCP autorise le dépôt d'accusations criminelles. Son boss, c'est le gouvernement. Peut-il embarrasser le gouvernement avec une poursuite visant un député, un haut fonctionnaire, un ministre? Ce n'est à peu près jamais arrivé.
Pourquoi ce serait différent, cette fois?
Revenons à Marteau. La genèse de l'escouade policière anticorruption est l'incarnation même des écrans de fumée que crée le gouvernement Charest pour donner l'impression d'agir. On a donc créé Marteau, il y a deux ans... sans y inclure la police de Montréal, qui pourtant possède la meilleure expertise au Québec dans la lutte contre le crime organisé!
La décision a été révisée. Mais savez-vous ce que les enquêteurs de police, à Montréal et ailleurs, ont perçu, dans cette décision? Un manque de volonté. Ça ne s'est pas bousculé pour envoyer son CV.
Bref, la réponse de l'État a été celle-ci: enquêtons, mais en attachant subtilement une main dans le dos à ceux qui enquêtent...
Il ne faut pas être amateur de théories du complot pour penser que la personne qui a donné ce rapport - explosif, déprimant - à des journalistes l'a fait parce qu'à un moment donné, elle s'est rendu compte que ce rapport risquait d'être enterré par ses maîtres politiques.
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Je ne les crois plus. Les élus libéraux ne veulent pas que la vérité soit faite sur la façon dont fonctionnent les rouages de ce système. En misant sur les enquêtes policières, et uniquement sur les enquêtes policières, en sachant que les enquêtes policières ratissent rarement dans la cour des élus, ils savent que la vérité ne les éclaboussera pas.
Primo, une enquête de collusion, c'est long. Dans deux, trois ans, le PLQ risque de ne plus être au pouvoir. Si ces enquêtes accouchent, il n'y aura pas de répercussions politiques pour tous ceux qui nous saoûlaient avec le mantra «Il faut laisser la police faire son travail...»
Deuzio, si quelqu'un est accusé au criminel dans un stratagème de collusion impliquant des contrats d'asphalte, le crime organisé et des ristournes à des caisses électorales, et que cette personne plaide coupable, il arrivera quoi?
Il arrivera ceci: la preuve sera enterrée.
C'est commode pour les maîtres politiques.
Pas commode pour les maîtres politiques, une commission d'enquête. Ça s'enterre mal.
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On peut les comprendre, les élus libéraux de ne pas vouloir subir le supplice de la goutte. De ne pas vouloir, chaque semaine, se farcir une bombe comme ce rapport de l'équipe de Jacques Duchesneau.
On peut les comprendre, d'un point de vue de politique partisane.
Sauf que ce dont il est question, ici, c'est de l'infiltration du crime organisé dans l'économie réelle. Citation du rapport de l'UPAC: «On pourrait soupçonner une infiltration voire une prise de contrôle de certaines fonctions de l'État» par un système manipulé par des motards et des par des mafieux. C'est l'État québécois qui est dans la ligne de mire des crapules du crime organisé italien et du terroir. Le système existait sous le PQ, mais c'est le PLQ qui est au pouvoir. Or, depuis deux ans, depuis que ces révélations ont commencé à percoler dans les médias, on attend que les élus de Jean Charest mettent l'État avant le parti.
Ce n'est pas encore arrivé.
Page 53 du rapport de l'équipe Duchesneau, une phrase qui se lit comme une interpellation politique: «La collusion et la corruption ne sont pas des fatalités. Nous devons garder l'inspiration politique pour soutenir cette lutte ensemble. Et il nous faut être impatients.»
En effet.


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