Mondial: rêve ou cauchemar?

Vertigineuse avidité des riches et puissants


(Johannesburg) Comme ça, Denis Coderre veut relancer son projet, évoqué il y a près de 10 ans, d'attirer la Coupe du monde de soccer au Canada.
On ne pourra pas accuser le député de Bourassa de ne pas avoir de l'ambition pour son pays, mais à supposer qu'un tel projet ait la moindre chance de se réaliser, ce qui est douteux, faudra y penser à deux fois avant de se lancer dans une pareille aventure avec la «machine FIFA».
Vous pensez que c'est risqué de négocier avec Bernie Ecclestone, de la F1 ? Petite bière à côté de la puissante FIFA.
Ce qu'il faut dire, d'abord, c'est que ça coûte cher d'accueillir le plus grand événement sportif de la planète. Et ce n'est pas la FIFA qui casque, c'est le pays hôte ou, plus exactement, ses contribuables.
La FIFA, une organisation à but non lucratif (!!!) enregistrée en Suisse, est une machine à imprimer de l'argent. Pour le présent Mondial, elle a enregistré un total record de 7 milliards de revenus en droits de télédiffusion et de publicité. C'est une augmentation de 50 % par rapport à la dernière Coupe du monde, en 2006.
Le gouvernement sud-africain, lui, a dû dépenser entre 6 et 9 milliards (selon les estimations de ceux qui englobent le minimum ou de ceux qui ratissent plus large). On ne s'entend pas sur la somme exacte. Tout le monde ici est toutefois d'accord sur un point : la FIFA est très gourmande et ses exigences coûtent très cher.
En plus, l'organisme impose aussi ses règles politiques. Ainsi, le gouvernement de Pretoria a dû consentir 17 ententes particulières à la FIFA, dont une «bulle fiscale» qui l'exempte de payer des taxes.
Plus troublant encore, il est à peu près impossible de connaître le contenu de ces ententes. Impossible aussi de savoir exactement combien il en coûtera vraiment aux contribuables sud-africains.
L'hebdomadaire Mail and Guardian se bat en cours depuis des mois pour obtenir cette information.
Julian Rademeyer, journaliste de City Press, traque aussi la FIFA depuis des mois. Sans grand succès.
«Je ne suis pas contre la Coupe du monde, mais je suis contre le secret, m'a-t-il dit. Clairement, la FIFA attend que la Coupe du monde soit terminée et elle laissera au gouvernement le soin de répondre aux questions, comme de savoir combien cela coûtera vraiment aux Sud-Africains.»
Depuis quelques semaines, lorsque M. Rademeyer appelle le porte-parole de la FIFA pour poser des questions, celui-ci lui répond qu'il n'a pas le temps à cause de... la Coupe du Monde !
Il semble que la mainmise de la FIFA sur l'Afrique du Sud ait aussi eu un effet boeuf jusque dans les cours de justice, soudainement beaucoup plus sévères.
Depuis le début de la Coupe du monde, on assiste à un durcissement inexpliqué des peines. Exemple : un jeune homme de 22 ans, dont c'était la première offense, a été condamné à Johannesburg la semaine dernière à cinq ans de prison pour avoir volé un cellulaire à un touriste.
Un autre ti-cul de 21 ans de Rustenburg a pris deux ans pour avoir volé une couverture et trois bouteilles de bière à un touriste allemand.
Dans un pays où les prisons débordent déjà, tout le monde s'entend pour dire que les tribunaux ne pourront continuer d'appliquer de telles sentences après le Mondial.
La FIFA impose aussi ses commanditaires et sa bière, si on peut appeler cela de la bière étant donné qu'il s'agit de Budweiser.
Gare aux entreprises qui essayent de faire des pubs vaguement liées au Mondial. Le contentieux de la FIFA leur fait une chasse impitoyable.
Dans un trait d'humour savoureux, le transporteur aérien sud-africain Kulula a lancé récemment ce slogan : «Le transporteur national non officiel de vous savez quoi.» Menacée de poursuites par la FIFA, la société a dû retirer ses pubs.
Dans une autre affaire, deux Hollandaises ont été arrêtées (puis libérées sous caution - 10 000 rands, environ 1400 $ CAN) pour être entrées dans le périmètre d'un stade avec une douzaine de jeunes femmes en minijupes arborant le logo d'une bière non autorisée.
Bon, c'est cucul, on s'entend, mais est-ce que ça mérite la prison ? Même le gouvernement des Pays-Bas est intervenu, jugeant absurde cette histoire...
Ajoutez à ce contrôle paranoïaque et à ce mercantilisme effréné quelques déclarations bien senties du président de la FIFA, Joseph Blatter, et vous aurez une bonne idée de cet univers.
M. Blatter a notamment déclaré, en 2004, que les joueuses de soccer devraient «porter des shorts plus serrés et des chandails plus courts», ce qui attirerait plus de monde.
Est-ce Blatter qui a suggéré au Portugais Christiano Ronaldo et à l'Ivoirien Dider Drogba de montrer leurs beaux abdominaux en posant en bobettes à la une de Vanity Fair? Cucul, ça aussi.
La FIFA, c'est aussi les petites combines locales, pour quelques privilégiés.
Comme ici, en Afrique du Sud, où le frère de l'organisateur Danny Jordaan, Andrew, a obtenu de juteux contrats pour les services dans les stades.
Malgré tout, l'Afrique du Sud, grisée par le Mondial, rêve maintenant aux Jeux olympiques.
On fait un deal avec les Sud-Africains, O.K. ?
Nous, on tire les leçons de leur (coûteuse) expérience avec la FIFA et, en échange, on leur parle de notre épopée olympique de 1976.


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