Saint-Adolphe-d’Howard

Mur de préjugés

Muraille métallique ou pas, elle s'est enfermée dans une telle négation d'autrui qu'elle bâtit autour d'elle un mur d'incompréhension

Laïcité — débat québécois

Une clôture érigée autour d'un complexe appartenant à la communauté juive hassidique servira-t-elle à nous enfermer une fois de plus dans un faux débat?
Les faits: ayant récemment acquis un complexe touristique à Saint-Adolphe-d'Howard, une communauté juive orthodoxe a érigé un grillage autour du domaine, apparemment par mesure de sécurité. Cette protection apparaît alors que des juifs hassidiques d'un village voisin, Val-Morin, ont été la cible d'actes répétés de vandalisme et d'incendies perpétrés dans une colonie de vacances. Ces affaires font toujours l'objet d'une enquête et rien encore n'a permis de conclure à une violence nourrie d'antisémitisme, mais cette grave question est sérieusement soulevée.
Dans cette enclave touristique, les tensions sont vives depuis quelque temps: les autorités municipales de Saint-Adolphe-d'Howard ont confié leur crainte de voir l'hôtel récemment acquis par des investisseurs de la communauté juive hassidique se transformer en véritable ghetto. L'enceinte de métal matérialise carrément leurs pires appréhensions.
La dernière année, riche en rebondissements à saveur d'accommodements raisonnables, aura permis de comprendre que, sur ce délicat terrain où différences culturelles et religieuses se côtoient, mieux vaut traverser les apparences et fuir les préjugés.
Le débat est à peine amorcé au Québec mais, déjà, certaines évidences se profilent: d'un hidjab à un kirpan en passant par Hérouxville, par l'absence de porc à la cabane à sucre et par un couloir de piscine interdit aux femmes, d'essentielles questions ont été noyées sous une gibelotte médiatique qui a gommé les véritables enjeux. La commission Bouchard-Taylor, qui a déjà commencé à démêler cet écheveau, permettra certainement de pointer les dérapages et d'esquisser de nouveaux repères. Ces balises seront les bienvenues!
À Saint-Adolphe-d'Howard, la communauté hassidique -- qui ne compte que pour un petit pourcentage de la grande collectivité juive, on a tendance à l'oublier -- a choisi de s'emmurer pour, selon toute vraisemblance, éviter une incursion violente. Mû par une communion entière avec Dieu, ce groupe minoritaire très visible en raison de certains signes distinctifs n'aspire à aucun mariage avec la modernité et la différence. Loin de projeter quelque intégration que ce soit, il entretient le souhait d'évoluer reclus.
À la manière des carmélites qui se cloîtrent, les hassidims ne souhaitent donc pas entretenir de contacts avec leurs compagnons de trottoir. Installés depuis des lustres au Canada, ils cheminent dans un univers quasi parallèle, en apparence indifférents aux diktats de notre société laïque, guidée par un idéal d'égalité entre hommes et femmes. Jouissant de certains accommodements qui ont renforcé leur exclusion, ils vivent à l'écart de la population, en vase clos.
Triste constat: le refus de l'autre en provoque assurément un autre. Il s'agit du nôtre, à l'endroit de cette communauté. Muraille métallique ou pas, elle s'est enfermée dans une telle négation d'autrui qu'elle bâtit autour d'elle un mur d'incompréhension.
machouinard@ledevoir.com


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