Jérusalem | Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu apparaît menacé mercredi au lendemain d’élections législatives qui le placent à égalité avec son rival Benny Gantz, et surtout incapable de former un gouvernement, ouvrant ainsi la voie à des tractations douloureuses pour accoucher d’une coalition.
Benjamin Netanyahu, au pouvoir sans interruption depuis dix ans, avait joué son va-tout sur ce scrutin et pourrait, pour une rare fois dans sa carrière politique, perdre la mise.
Après plus de 90 % des bulletins dépouillés selon les médias israéliens, son parti Likoud et la formation centriste Kahol Lavan («bleu-blanc») de M. Gantz obtiennent respectivement 31 et 32 sièges sur les 120 de la Knesset, le Parlement, et ne parviennent pas, même avec leurs alliés respectifs, à franchir le seuil des 61 députés pour obtenir une majorité.
«Nous allons attendre les résultats finaux (...) nous allons attendre un jour ou deux, et souhaiter à Israël un gouvernement d’union», a déclaré mercredi matin M. Gantz.
Ce dernier avait plaidé dans la nuit pour «un large gouvernement d’union exprimant la volonté du peuple». «Nous avons entamé les négociations et je parlerai avec tout le monde», avait-il déclaré.
Fin de «l’ère Netanyahu»?
Face à lui, M. Netanyahu avait appelé à la formation d’un «gouvernement sioniste fort», sans la participation de «partis arabes antisionistes».
«Il n’y aura pas et il ne peut pas y avoir de gouvernement qui s’appuie sur des partis arabes antisionistes, des partis qui nient l’existence même d’Israël en tant qu’État juif et démocratique», a lancé M. Netanyahu.
En Israël, le président consulte les députés élus qui doivent lui recommander un chef de gouvernement. Or les partis arabes, hostiles au Premier ministre en poste et qui sont en passe de s’imposer comme la troisième force politique à la Knesset, avec 12 sièges, ont déjà suggéré qu’ils allaient s’opposer à la désignation de M. Netanyahu, sans confirmer s’ils allaient soutenir celle de Benny Gantz.
«L’ère Netanyahu s’est achevée», a déclaré dans la nuit Ahmed Tibi, l’un des ténors de la «Liste unie» des partis arabes. «Si Benny Gantz appelle, nous lui communiquerons nos conditions» pour le soutenir, a-t-il ajouté.
Le Likoud et le parti «bleu-blanc» doivent négocier entre eux, et/ou avec d’autres formations, afin de pouvoir prétendre former un nouveau gouvernement et éviter le scénario du printemps quand M. Netanyahu avait été incapable de former une coalition à l’issue d’élections déjà âprement disputées.
Résultat, il avait dissous le Parlement et convoqué un nouveau scrutin, celui de mardi, espérant faire bouger les plaques tectoniques de la politique israélienne pour s’imposer à la tête d’un nouveau gouvernement de droite.
L’issue de ce nouveau scrutin était d’autant plus cruciale pour M. Netanyahu qu’il intervient avant sa comparution devant la justice le 3 octobre pour des affaires de «corruption», «d’abus de confiance» et de « malversations», et qu’il cherche à obtenir une immunité du Parlement.
Mais les résultats des élections de mardi sont à peu près les mêmes que ceux d’avril, hormis l’ascension des partis arabes et de la formation Israël Beitenou dirigée par Avigdor Lieberman.
«Maladie de la haine»
Pour l’instant « non-aligné » sur MM. Netanyahu ou Gantz, M. Lieberman est crédité de neuf sièges qui pourraient faire pencher la balance et a appelé à la formation d’un «gouvernement d’union nationale».
«Il n’y a qu’une option pour nous et c’est la formation d’un large gouvernement d’union nationale et libéral avec Israël Beitenou, le parti bleu-blanc et le Likoud», a déclaré M. Lieberman, excluant la participation de partis juifs ultra-orthodoxes et arabes.
M. Lieberman a mené sa campagne contre les partis juifs ultra-orthodoxes, alliés du Likoud, qu’il accuse de vouloir faire d’Israël un État religieux. Outre les partis ultra-orthodoxes, M. Lieberman a aussi tiré à boulets rouges ces dernières années sur les formations arabes.
«Israël a un problème. Au cours des derniers mois, le pays a souffert d’une plaie saignante. Nous avons été atteints de la maladie de la haine. (...) Certaines personnes veulent voir les divisions s’accentuer entre la “droite” et la “gauche”, mais c’est précisément de cette façon que la maladie croît», note mercredi l’analyste israélien Ben-Dror Yemini dans les pages du Yediot Aharonot.
«Mais un gouvernement étriqué, qu’il soit de droite ou de gauche, ne fera que renforcer le problème et rendre Israël plus vulnérable. Nous avons besoin d’un traitement et le seul traitement envisageable dans la situation actuelle est l’unité, un gouvernement d’union».