J’ai bien hâte de voir ce que donneront de nouveau les débats de l’Institut du Nouveau Monde sur « l’avenir de la culture Québécoise ». Il y a déjà quelques années que je suis religieusement, mais à distance, les activités de l’INM et c’est toujours avec une certaine déception que j’apprends, année après année, que les participants délaissent systématiquement la question nationale et la relèguent au dernier rang de leurs préoccupations. La mondialisation, la social-démocratie, l’environnement sont certes des enjeux qui méritent que l’on s’y attarde mais il me semble que la meilleure des portes à ouvrir pour y accéder est celle de notre indépendance.
Depuis que nous avons réalisé que nous formions un peuple, notre existence s’est toujours inscrite dans une logique de survivance. Notre histoire s’est écrite sous la forme d’un combat long et harassant ponctué de petites « victoires » contre une majorité qui n’a eu de cesse de chercher à nous assimiler et à nous contrôler. Les jeunes d’aujourd’hui, qui profitent des luttes menées par leurs parents et leurs grands-parents ne ressentent plus le besoin d’achever ce que ces derniers avaient commencé au prix de leur sueur et parfois même de leur vie. Ils vivent tout simplement. Ils n’ont plus le besoin de forcer la main d’un employeur pour qu’il négocie en français les conditions de leur travail; ils ont accès à un système d’éducation qui leur procure les outils nécessaires pour en venir à bien gagner leur vie et parfois même, à devenir leur propre patron.
Il s’en trouve même aujourd’hui pour dire que la langue française ou anglaise leur importe peu et que les Québécois devraient avoir le choix d’aller à l’école dans la langue de Shakespeare. Ils trouvent normal que l’on refuse un emploi de serveur dans un café à quelqu’un au profit d’une personne qui parle anglais et français. Et il s’en trouvera encore plus pour crier haut et fort que ceux qui militent pour la langue sont des passéistes repliés sur eux-mêmes… Ils ont baissé les bras, ne sentant plus le poids qu’ils ont à porter. C’est peut-être là, le début d’une réelle fatigue culturelle qui mènera tôt ou tard à l’écrasement de notre identité dans le bitume de l’american way of life…
Il se trouvera aussi bien des gens pour dire que l’indépendance n’est pas un préalable à notre épanouissement et que le peuple québécois a su s’épanouir et prospérer à l’intérieur du cadre anglophone canadien, en citant comme toute dernière preuve l’obtention d’un siège de sous-fifre à l’UNESCO et la reconnaissance d’une majorité cherchant à faire des gains électoraux sur la terre de Québec. Mais celle-ci n’agit pas par magnanimité et grandeur d’âme… Elle se replie stratégiquement et prévoit à long terme notre essoufflement, notre fatigue, en capitonnant somptueusement le lit de notre sommeil douillet et confortable. Quand nous nous réveillerons, encerclés, que la population du Québec ne représentera plus que 10 à 12% de la population canadienne, nous verrons bien ce qu’il adviendra des ces petites victoires et de ces privilèges pour lesquels nous avions ravalé misères et orgueil…
La vaste majorité des jeunes d’aujourd’hui sommeille déjà comme nous l’ont maintes fois démontré ceux de l’INM en rêvant d’un monde sans frontières et sans guerre, sans penser un moment se donner les leviers politiques pour y arriver. Quoi de plus normal pour les héritiers de Québécois qui ont fermé les yeux et qui ont choisi par deux fois de mourir, par peur de perdre leurs oranges et leur petit confort…
Frédéric Labrie, 27ans, Saint-Jérôme
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