Lorsque François Desrochers, député de Mirabel et critique adéquiste en matière d'éducation, a prononcé à la radio de Radio-Canada, début novembre, cet authentique bout de phrase: «la grammaire, la syntaxe, ces choses qui ont été abolites [sic] avec la réforme», plusieurs ont gentiment souri devant la bourde, faite lors d'un entretien portant précisément sur... la qualité du français.
Voilà que son collègue Robert Deschamps, député adéquiste de Saint-Maurice, malmène lui aussi la langue: le politicien a lancé lundi dans le collimateur médiatique un communiqué de presse invraisemblablement coloré d'une quantité d'erreurs qui renvoient toutes à un français mal maîtrisé. Un «fond» socioéconomique amputé du poids de son «s». Un montant de «40 million» au caractère singulier. Un «plan d'urgence proposée» curieusement affublé de la grâce féminine. Truffé de ces maladresses et d'autres encore, le document laisse pantois.
Les deux hommes n'ont pas que l'ADQ en partage. Tous deux ont oeuvré dans le milieu de l'éducation, le premier comme enseignant de géographie, le second comme professeur d'éducation physique. Bien sûr, l'erreur est humaine. Évidemment, la parade politique est à ce point exigeante que la feuille de route parfaite relève de l'utopie. Assurément, l'ADQ ne porte pas à elle seule le poids des bévues linguistiques. Sans clouer ces deux hommes au pilori, on ne peut quand même éviter de souligner le fait qu'à eux seuls ils incarnent parfaitement le laxisme dérangeant qui frappe des figures pourtant érigées en parfaits modèles.
Pendant qu'on s'inquiète des piètres performances des élèves québécois en français, s'attarde-t-on un seul instant à la qualité du spectacle qui se joue sous leurs yeux?
Dans un rapport publié en 1998, le Conseil de la langue française braquait ses projecteurs sur la grande valeur accordée par les élites à la qualité du français. Sans ambages, il concluait à l'importance pour certaines personnes -- politiciens, enseignants, universitaires, journalistes! -- de valoriser un français de qualité. Sans détours, il priait la société d'accorder un plus grand soin à sa langue.
Dix ans plus tard, le panorama n'est pas encore avantageux. À côté du scandale de l'analphabétisme, qui frappe près de la moitié des Québécois, se jouent d'autres petits drames linguistiques. Le français écorché par les radios commerciales. Des restaurants négligeant honteusement de faire réviser leur menu, si savoureux soient les plats. Des enseignants apportant à la maison des consignes remplies d'erreurs. Des professeurs d'université négligeant de corriger les faiblesses de la langue sous prétexte de travaux portant sur une discipline éloignée du français.
Ces faux pas contribuent à faire d'un français médiocre une norme sociale acceptée, ce contre quoi nos élites et toutes ces personnes présentées comme modèles à la relève devraient s'insurger, à titre de fiers diffuseurs d'une langue de qualité. À côté de cet affaissement guette sinon un autre danger, plus sournois encore: la banalisation des dérives. Il faut à tout prix l'éviter.
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