Non au séparatisme linguistique

Le Parti québécois va-t-il abandonner le français au profit du québécois?

Le «français québécois standard»


Dans le Cahier de propositions en vue du Conseil national du Parti québécois, la fin de semaine prochaine, on peut lire au chapitre "Souveraineté et Culture", sous l'intitulé "Identité", un projet de motion inquiétant. Il se lit comme ceci: "Un gouvernement du Parti québécois s'engage à réorienter résolument l'enseignement du français vers l'acquisition de la langue standard québécoise, écrite et parlée." C'est la première fois, à ma connaissance, qu'un parti politique québécois abandonne la notion de français standard pour celle de langue standard québécoise. Plus inquiétante encore, cette proposition n'émane pas d'un obscur groupuscule, mais du Conseil exécutif national du parti.
Dans cette période d'insécurité identitaire, symbolisée par l'épisode d'Hérouxville, doublée d'une insécurité linguistique, ravivée par les résultats du dernier recensement, dans cette période préélectorale aussi, au cours de laquelle le PQ tente de tirer le tapis sous les pieds de Mario Dumont, en lui empruntant une partie de ses thèmes populistes, ce repli identitaire sur la langue d'ici apparaît difficilement compatible avec l'idée d'une "nation civique", libérée de tout ethnicisme, ouverte sur le monde...
Cette "langue standard québécoise" est un véritable mythe, dont on parle depuis des décennies, mais que personne, à ce jour, n'a été capable de décrire, pour laquelle il n'existe ni grammaire ni dictionnaire. Lorsqu'ils s'expriment, à l'oral comme à l'écrit, d'une manière soutenue, les francophones québécois le font selon les mêmes codes linguistiques que les francophones des autres pays. Le Cahier de propositions du Parti québécois n'est pas rédigé en "langue québécoise standard", mais dans un français standard international. Les différences sont si minimes qu'elles sont insuffisantes pour justifier la promotion d'une norme à part. Vouloir officialiser et introduire dans les écoles une norme non décrite, sans ouvrages de référence, ne serait pas sérieux de la part d'un parti de gouvernement.
Français international
Où se situent l'ensemble des Québécois dans ce débat? Quelle norme veulent-ils voir enseignée dans les écoles? (...)
Dans un sondage de l'OQLF, fait en 2004, à la question de savoir "si le français correct enseigné à l'école devait être le français international", 76,8% des personnes interrogées ont déclaré être d'accord avec cette idée, contre 23,2%, en désaccord. Si l'on formule la question d'une manière différente, les Québécois rejettent le séparatisme linguistique dans les mêmes proportions: 73,4% des sondés ont répondu oui à l'idée que "le français enseigné dans les écoles du Québec doit être le même que celui enseigné dans les écoles des pays francophones d'Europe", contre seulement 26,5%, qui ont répondu non. Plus des trois quarts des personnes interrogées veulent donc qu'on enseigne, dans les écoles du Québec, le français international, pas la "langue standard québécoise". Près des trois quarts veulent qu'on enseigne, au Québec, la même langue qu'en Europe francophone. Les personnes interrogées par l'OQLF vont encore plus loin: 88,3% d'entre elles ont déclaré qu'il était souhaitable qu'on utilise les mêmes dictionnaires et les mêmes grammaires partout dans la francophonie, contre seulement 11,7%. Ces chiffres sont suffisamment éloquents. (...)
Enfin, le message qui serait envoyé dans les pays francophones, en pleine semaine de la francophonie, serait du plus mauvais effet. Quelle crédibilité aurait un Québec promoteur d'une "langue standard québécoise" auprès des autres pays de langue française, ses seuls véritables alliés sur le plan international? Il faut souhaiter que les délégués du PQ rejettent cette proposition, dont les effets seraient néfastes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il serait temps de revenir à la position de départ de l'Office de la langue française, publiée dans son Cahier n°1, toujours d'actualité: "La norme qui, au Québec, doit régir le français dans l'administration, l'enseignement, les tribunaux doit, pour l'essentiel, coïncider à peu près entièrement avec celle qui prévaut à Paris, Genève, Bruxelles, Dakar et dans toutes les grandes villes d'expression française." Le "nous inclusif", c'est aussi le désir d'appartenance pleine et entière à la communauté francophone internationale.
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L'auteur est un ancien professeur de linguistique à l'Université Laval.

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Lionel Meney13 articles

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Linguiste et lexicographe, Lionel Meney a été professeur titulaire à
l’Université Laval (Québec). Il est l’auteur du « Dictionnaire
québécois-français : pour mieux se comprendre entre francophones » (Guérin, Montréal, 1999) et de « Main basse sur la langue : idéologie et interventionnisme linguistique au Québec » (Liber, Montréal, 2010).





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