LIBRE-ÉCHANGE CANADA–UE

Opération sauvetage

Bruxelles use de stratégie pour préserver l’accord avec Ottawa

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Faire fi de la démocratie parlementaire…

Il faut sauver l’accord entre l’Union européenne (UE) et le Canada ! Cet objectif est devenu une des priorités de la Commission Juncker. C’est pour cela qu’elle souhaiterait, début juillet, inviter les États membres à ratifier cet accord de libre-échange baptisé AECG (pour Accord économique et commercial global) conclu avec Ottawa en septembre 2014, mais aussi proposer qu’il soit considéré comme un accord « européen ». Elle fait donc plancher son service juridique sur le sujet, espérant qu’il validera au plus vite cette position. La subtilité ? Pour être ratifié, un accord « européen » peut se contenter du feu vert du Conseil (les gouvernements des Vingt-huit) et du Parlement de Strasbourg.

Le but pour la Commission est d’éviter d’avoir à en passer par un accord dit « mixte », c’est-à-dire qui devrait être soumis, pour pouvoir entrer en vigueur, à la ratification des Parlements des 28 pays membres de l’UE : l’Assemblée nationale et le Sénat en France, les sept Chambres belges, etc. Cette procédure signerait l’arrêt de mort de l’AECG, craint-on à Bruxelles, alors que le fond de l’air politique est défavorable aux accords de libre-échange. Ils sont dénoncés à la fois par l’extrême gauche européenne, historiquement hostile, mais aussi par les écologistes et les populistes de droite. Pour ne citer que lui, le Parlement wallon a voté fin avril une résolution se prononçant contre l’accord avec le Canada.

Au même moment, le Parlement néerlandais a, lui aussi, exprimé son inquiétude et demandé au gouvernement de ne pas se positionner sur l’application de l’accord sans l’avis des députés.

Jusqu’à il y a quelques mois, l’AECG suscitait peu de critiques, bien qu’il soit dans le domaine public, consultable, depuis l’automne 2014. Le gouvernement français continue de son côté à le trouver « bon », notamment parce que le Canada a accepté de reconnaître un grand nombre d’appellations d’origine protégées, a priori une très bonne nouvelle pour les agriculteurs français. Mais ce traité a été récemment pris pour cible par les adversaires du traité transatlantique (TTIP), l’accord de libre-échange avec les États-Unis que la Commission négocie par ailleurs, dans la douleur, depuis 2013.

Anti-AECG

La campagne anti-AECG bat désormais son plein, particulièrement en France : la Fondation Hulot, par exemple, dénonce, depuis avril, sur son site Web, « un dangereux cousin canadien du TTIP », « un traité climaticide ». Elle est relayée à Bruxelles et Strasbourg par les eurodéputés verts José Bové et Yannick Jadot, qui mettent en garde contre un traité considéré comme le « cheval de Troie » de l’accord transatlantique.

Les anti-TTIP ont compris que, s’ils réussissent à faire capoter l’AECG, ils réduiront aussi à néant les chances de conclure un accord transatlantique. Et pour cause : de quel crédit l’Europe pourra-t-elle se prévaloir, si elle n’arrive pas à signer un traité avec un pays réputé culturellement proche, et qui, en outre, a déployé des efforts conséquents ? Ottawa a accepté de revenir sur la copie du traité et d’y intégrer les modifications proposées par la Commission pour rendre plus transparents et plus indépendants les tribunaux d’arbitrage censés régler les futurs différends entre États et multinationales. Un nouvel accord concernant ces mécanismes d’arbitrage a été scellé avec le Canada au début de l’année.

« Si l’AECG tombe, c’est toute la politique de libre-échange de l’Union qui tombe avec lui ; la signature de Bruxelles n’aura plus de valeur, il n’y a plus qu’à fermer boutique », redoute une source diplomatique haut placée. Bruxelles, qui a déjà conclu 37 accords avec des États tiers dans le monde ces cinquante dernières années (accords commerciaux, d’association, de développement, etc.), mène actuellement de front une vingtaine de nouvelles négociations (avec le Vietnam, les Philippines, le Japon, etc.).

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