Hélène Buzzetti - Ottawa — Le nouveau ministre des Affaires étrangères canadiennes, John Baird, soutient que la position canadienne dans le délicat dossier du Moyen-Orient n'a pas changé. Le Canada, dit-il, endosse toujours l'idée qu'Israël devrait réintégrer les frontières prévalant avant l'invasion de 1967. Il s'agit d'une position que Stephen Harper a refusé de défendre ouvertement lors du sommet du G8 en France, la semaine dernière.
«Nous appuyons une solution à deux États, a déclaré M. Baird à sa sortie du caucus hebdomadaire. Évidemment, cette solution doit être basée sur les frontières de 1967 avec des échanges [de territoires] mutuellement consentis.»
Depuis lundi, Le Devoir tente en vain de savoir quelle est désormais la position du Canada en ce qui concerne les frontières qu'Israël devrait respecter. Pour toute réponse, le ministère des Affaires étrangères a envoyé un courriel indiquant que «la position du gouvernement n'a pas changé. Comme l'a dit le premier ministre à Deauville: "Nous sommes en parfait accord avec la déclaration du G8"». Mais quelle est cette position au juste? Silence radio. Le ministère refuse de se mouiller davantage.
La déclaration finale du G8 ne fait pas référence aux frontières de 1967 comme l'aurait souhaité le président français. Il est plutôt écrit que les chefs d'État apportent leur «soutien à la conception de la paix israélo-palestinienne énoncée par le président [Barack] Obama le 19 mai 2011». Le président américain avait fait cette référence quelques jours plus tôt avant sa rencontre avec son homologue israélien, Benjamin Nétanyahou. Le ministère des Affaires étrangères dit donc aux Canadiens de déduire la position du Canada des propos du président des États-Unis.
Dans les coulisses du sommet du G8, des sources britanniques avaient confirmé que c'est à la demande du Canada que la référence à 1967 a été gommée. Des sources israéliennes ont aussi indiqué que M. Nétanyahou avait contacté M. Harper avant le sommet pour lui demander de bloquer toute déclaration incluant cette référence.
L'ex-ambassadeur en Israël Michael Bell estime que cette rectification apportée par le ministre John Baird vise à «brouiller les cartes». «M. Baird n'aurait pas dit ce qu'il a dit si le gouvernement n'essayait pas de corriger le tir après ce qui s'est passé à Deauville», estime M. Bell. Selon lui, «le ministre et le premier ministre ne poursuivent pas les mêmes objectifs» et les discours relativement différents visent deux publics différents.
«Le Canada ne se rétracte pas, mais avance d'une telle manière que notre position, tout en étant à peu près similaire à ce qu'elle était auparavant, a un nouveau niveau d'ambiguïté qui a son utilité» aux yeux du gouvernement, selon M. Bell. «C'est embrouillé et je crois que l'intention est que ce soit embrouillé.» M. Bell a été en poste en Israël à trois reprises dans sa carrière, de 1975 à 1978, de 1990 à 1992 et de 1999 à 2003, dont deux fois à titre d'ambassadeur.
De son côté, le chercheur Sami Aoun, de l'Observatoire sur le Moyen-Orient, estime que le Canada n'a pas changé de position, ni à Deauville, ni maintenant. Selon lui, si le Canada a tenu à ce que la référence aux frontières de 1967 ne se retrouve pas dans le communiqué final du G8, c'était davantage pour ménager les susceptibilités israéliennes que pour marquer un tournant dans sa politique étrangère. «On ne veut pas créer un problème qui pourrait étouffer tout démarrage des négociations de paix.»
Les «frontières» ou lignes de 1967 sont d'une importance capitale dans le conflit au Moyen-Orient. Au terme d'une guerre éclair de six jours en juin 1967, Israël a pris contrôle de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. La communauté internationale estime qu'Israël occupe illégalement ces territoires et que toute négociation de paix doit se faire sur la base de ces lignes originales. En revenant aux frontières de 1967, Israël obtiendrait 78 % du territoire auparavant sous protectorat britannique, tandis que la Palestine obtiendrait les 22 % restants. À l'heure actuelle, on estime qu'Israël occupe plus de 90 % du territoire.
Ce consensus international autour des frontières de 1967 et du ratio 78/22 a été scellé dans la résolution 242 à l'ONU, résolution connue de tous. Hier, le ministre John Baird ne savait pas de quoi il s'agissait. «Je suis en fonction depuis deux semaines», a-t-il justifié.
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