NOUVEAU PROJET DE LOI MAMMOUTH

Ottawa officialise le péage du futur pont Champlain

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Fédéralisme rentable... pour Ottawa !

Ottawa — Québec, Montréal et ses banlieues de la Rive-Sud ont beau s’opposer unanimement à ce qu’Ottawa impose un péage sur le futur pont qui remplacera le pont Champlain, le gouvernement conservateur persiste et signe… à l’aide d’un tout nouveau projet de loi qui légiférera précisément qu’un droit de passage sera imposé aux automobilistes de la métropole.

Avec son dernier projet de loi budgétaire, le fédéral a une fois de plus rassemblé une panoplie de mesures qui ne figuraient pas au budget du mois dernier. Immigration, transport de matières dangereuses, retraites des sénateurs suspendus, appellation royale de l’armée et autres enjeux sont abordés dans le projet de loi de 350 pages déposé vendredi.

Le nouveau pont

Et dans le lot, les conservateurs annoncent la Loi visant le nouveau pont pour le Saint-Laurent. Celle-ci statue que « le propriétaire d’un véhicule empruntant le pont doit payer les droits imposés sur le véhicule ». C’est la ministre des Travaux publics qui sera responsable de la future loi, de même que de fixer le prix du péage — lequel n’est pas précisé pour l’instant.

Après avoir martelé pendant des mois que ce serait « pas de péage, pas de pont », le gouvernement de Stephen Harper vient ainsi de rendre officiel son mantra.

Une nouvelle qui a fait bondir le maire de la métropole. « C’est inacceptable ! […] Pour moi, un PPP, c’est pas de péage pantoute ! », a scandé Denis Coderre vendredi après-midi, en dénonçant le geste unilatéral d’Ottawa. « Encore une fois, on n’est pas capable de se parler. »

« Il va y avoir des élections en 2015. On va y réfléchir, a-t-il lancé en guise de menace. Mais en attendant, il faut continuer de garder le cap. » Car « au bout de la ligne, quand ça va être bloqué, qui va être pogné avec la “ puck ”, ça va être bibi et les maires de la couronne sud ! On va être pris avec tout ça. Je ne veux pas que ça vire en guerre de drapeaux Québec-Ottawa », a fait valoir M. Coderre.

Au bureau du lieutenant québécois de Stephen Harper, Denis Lebel, on réplique qu’on a « toujours dit qu’il y aura un péage sur le nouveau pont. Il n’y a pas de surprise. »

« Le projet sera réalisé dans le cadre d’un partenariat public-privé [PPP] et des péages seront imposés pour réduire au minimum les coûts pour les contribuables et favoriser le principe de l’utilisateur-payeur », a fait valoir une porte-parole du ministre Lebel, qui est responsable du dossier. Quelle sera la facture pour les automobilistes ? « Il est trop tôt pour dire le montant du péage », a répondu Michele Jamail-Paquette, dans un courriel envoyé au Devoir.

Or l’ajout d’un nouveau péage aux frontières de sa ville inquiète Denis Coderre, qui craint que la pratique se répande aux ponts avoisinants. « Ça veut dire qu’il va y en avoir partout à l’entour », s’est inquiété le maire en prédisant que les automobilistes décideraient du coup de ne plus traverser le fleuve Saint-Laurent. « Ça va créer des problèmes majeurs. »

Le gouvernement québécois s’est aussi opposé à ce qu’Ottawa impose un péage sur le futur pont Champlain, craignant des impacts sur la mobilité dans la région. Les péquistes ne sont pas seuls. « On va répéter qu’on est opposé au péage et on aura des conversations là-dessus [avec Ottawa] », a indiqué le chef libéral Philippe Couillard, à Berthierville. Le chef de la CAQ, François Legault, a aussi critiqué l’offensive du fédéral, déplorant un « manque de leadership du PQ » et estimant que son gouvernement « serait mieux en mesure de discuter avec le gouvernement Harper de ce genre de choses ».

Les préoccupations étaient en outre les mêmes à Ottawa, où le bloquiste Louis Plamondon a prédit qu’un péage « étouffera » le développement économique de Montréal. « Cet axe routier est pourtant la pierre angulaire du commerce québécois et la porte d’accès au marché américain ».

Au NPD, la députée Sadia Groguhé a déploré que « malgré toutes les contestations [les conservateurs] vont de l’avant ». Le libéral John McCallum a quant à lui repris les reproches de son parti, selon lesquels que « le gouvernement n’a pas de plan d’affaires ».

Avec son projet de loi concocté pour imposer son péage, le fédéral exempte aussi le futur pont de la Loi sur les ponts, ce qui lui permettra de faire avancer le projet de construction en PPP et de se passer de permis si c’est jugé dans l’intérêt public, a indiqué le bureau de M. Lebel à La Presse canadienne.

Autres changements prévus au «mammouth»

Fidèle à ses habitudes des dernières années, le gouvernement de Stephen Harper a inséré des changements à une série d’autres lois dans son dernier opus budgétaire.

Ottawa vient ainsi discrètement modifier la Loi sur le transport ferroviaire et celle sur le transport de marchandises dangereuses. Terminée l’obligation du gouvernement de publier dans la Gazette du Canada les changements qu’il apporte aux règles de transport et d’importation de ces marchandises, ou encore la liste des catégories de celles qu’il réglemente. En vertu de la loi actuelle, le fédéral doit publier ces décisions 90 jours avant leur entrée en vigueur, « les intéressés se voyant accorder la possibilité de présenter au ministre, pendant ce délai, leurs observations ».

Ottawa prévoit en outre de revoir la loi qui régit les retraites des parlementaires pour empêcher Mike Duffy, Patrick Brazeau et Pamela Wallin d’accumuler des années d’ancienneté et d’ainsi se rapprocher de leurs prestations de retraite pendant qu’ils sont suspendus. Tous trois en sont à deux ans d’être admissibles au régime de retraite du Parlement.

Les conservateurs continuent par ailleurs de resserrer le programme de travailleurs étrangers temporaires, prévoyant des amendes à compter de 2015 pour les employeurs qui en abuseront en y ayant recours au détriment de travailleurs canadiens. « Ces pénalités seront lourdes et sévères », a indiqué le bureau du ministre de l’Emploi, Jason Kenney, sans toutefois préciser leur somme.

Le gouvernement Harper renomme enfin officiellement la Marine royale canadienne et l’Aviation royale canadienne.

Le projet de loi C-31 confirme en outre, tel qu’annoncé dans le budget, l’ajout de quatre juges à la Cour supérieure du Québec et de deux à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta.

Avec Marco Bélair-Cirino et Guillaume Bourgault-Côté


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