Oui au hidjab, mais sans écusson

Le voile ne fait pas partie d'un uniforme s'il n'arbore pas les armoiries de l'école, estime la Commission des droits de la personne

Laïcité — débat québécois


Robert Dutrisac - Québec — La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) juge qu'un signe religieux comme le hidjab ne doit pas faire partie officiellement de l'uniforme scolaire. En revanche, l'organisme trouve parfaitement acceptable qu'une école oblige ses élèves à porter un hidjab d'une couleur et d'un tissu particuliers afin qu'il se confonde avec l'uniforme. L'école peut ainsi faire indirectement ce qu'elle ne peut pas faire directement.
Dans sa réponse à une lettre que lui a fait parvenir la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Christiane Pelchat, au sujet de l'école Marguerite-De Lajemmerais, le président de la CDPDJ, Gaétan Cousineau, signale que la Commission «n'a jamais établi que pour satisfaire à son obligation d'accommodement raisonnable, une école devait intégrer le hidjab dans les pièces de vêtements qui peuvent constituer l'uniforme scolaire».
«Au contraire, poursuit Gaétan Cousineau, une pareille situation, en particulier dans un contexte où le hidjab porte l'effigie [sic] de l'école, pourrait porter atteinte au principe de neutralité religieuse de l'État.»
Par contre, l'école pourrait demander que le hidjab porté par l'élève soit «d'une couleur particulière ou d'un tissu particulier afin d'éviter que le signe religieux ne devienne une occasion pour des élèves de se distinguer des autres qui doivent porter un uniforme particulier par exemple», écrit Gaétan Cousineau.
Située dans l'est de Montréal, l'école Marguerite-De Lajemmerais est fréquentée par de nombreuses élèves musulmanes. Cette école publique est réservée aux filles, ce que les parents musulmans apprécient. Cette année, le conseil d'établissement de l'école a décrété que les élèves qui avaient l'habitude de porter le hidjab de leur choix devraient se coiffer plutôt d'un voile qui fait partie de l'uniforme. Ce hidjab, arborant l'écusson de l'école, doit provenir d'un fournisseur autorisé.
«Le fait de rendre disponible un signe religieux ostentatoire, portant l'effigie [sic] de l'école et constituant une pièce de l'uniforme scolaire, pourrait être interprété comme favorisant l'exercice d'une religion en particulier, dans ce cas, la religion musulmane», estime Gaétan Cousineau dans sa lettre datée du 13 novembre dernier.
C'est donc la présence de l'écusson de l'école qui semble indisposer le plus la Commission. Le hidjab pourrait apparaître comme faisant partie intégrante de l'uniforme, étant d'une couleur et d'un tissu semblables à celui-ci, mais, en l'absence de l'écusson, il n'en ferait plus officiellement partie. La Commission a refusé d'expliquer cette singulière position au Devoir.
Le droit de porter le hidjab
Dans son avis de 1995 sur le pluralisme religieux, la CDPDJ statuait qu'une école ne pouvait exclure une élève du fait qu'elle choisit librement de porter le hidjab en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.
En 1997, le CSF prenait la même position, tout en précisant qu'il ne faillait «pas fermer les yeux sur les pressions qui pourraient s'exercer dans le milieu scolaire pour obliger certaines jeunes filles à le porter», rappelle Christiane Pelchat dans sa lettre au président de la CDPDJ.
Dans le cas de l'école Marguerite-De Lajemmerais, il semble que les jeunes filles musulmanes peuvent certainement subir de telles pressions pour qu'elles portent le hidjab de l'école, juge Christiane Pelchat. «Le hidjab vient faire partie de la normalité et nous pouvons conclure dans la création d'une norme sociale musulmane.» Or, souligne la présidente du CSF, «l'accommodement est une mesure exceptionnelle et individualisée à chaque personne qui revendique le respect d'un droit protégé par nos chartes».
Le fait que le hidjab fasse partie intégrante de l'uniforme de l'école avait suscité un «malaise» à la direction de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), comme le rapportait Le Devoir à la mi-novembre. La présidente de la CSDM, Diane De Courcy, avait indiqué qu'il était hors de question que pour 2010-11 des signes religieux distinctifs, comme le hidjab, portent l'écusson d'une école et fassent partie de l'uniforme scolaire.
Or l'uniforme relève de la prérogative du conseil d'établissement de l'école, avait signalé au Devoir la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, Michelle Courchesne.
Vérification faite auprès de la CSDM, le conseil d'établissement de l'école Marguerite-De Lajemmerais, lors d'une réunion en décembre, a accepté de revoir sa politique concernant le hidjab. L'écusson disparaîtra du voile, mais les élèves devront toujours choisir entre un voile blanc ou noir, assorti à l'uniforme. De plus, elles devront se procurer leur hidjab conforme auprès du fournisseur autorisé par l'école. Il n'est plus question pour les élèves d'exprimer leur individualité en portant le hidjab de leur choix, comme par le passé.
«C'est paradoxal, constate Christiane Pelchat. On vient uniformiser une pratique individuelle. Une élève qui arrive avec un voile bleu, va-t-elle se faire exclure alors que c'est son droit en tant qu'individu?» Selon la présidente du CSF, tant que l'État n'aura pas défini des paramètres précis en matière de laïcité, «il y aura du mou, il y aura du flou».
En prévision de la prochaine rentrée scolaire, la CSDM doit émettre une directive visant le port de signes religieux dans ses écoles, y compris l'exigence de porter un voile d'une couleur précise, a mentionné son porte-parole Alain Perron.


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