Pas de contradiction

La position du Parti libéral du Canada est claire: il faut dès maintenant préparer l'après février 2009

Afghanistan - une guerre masquée


Dans deux éditoriaux dans [La Presse des 5->8676] et [6 septembre, André Pratte->8689] critique la position du Parti libéral sur l'Afghanistan, qui est, comme chacun sait, que le Canada annonce clairement que la mission de combat de nos soldats à Kandahar prendra fin en février 2009. M. Pratte voit un " gouffre " entre cette position et les déclarations faites en 2005 par le ministre de la Défense, Bill Graham, quand a été décidée cette mission. " Le gouvernement libéral savait donc fort bien dans quelle aventure il engageait nos forces armées ", écrit-il le 6 septembre.
Mais il écrivait la veille: " Pourquoi prendre une décision irrémédiable alors qu'on ne sait pas quelle sera la situation dans deux, trois ou quatre mois?" Il refuse donc de nous reconnaître aujourd'hui une capacité de prévision qu'il accorde rétrospectivement au ministre de la Défense en 2005. On savait en la décidant que la mission des Canadiens à Kandahar serait dangereuse, mais on ne savait pas quel en serait le niveau de danger. De 2002 à 2005, les Canadiens ont subi huit pertes de vie en Afghanistan. En 2006, ils en ont subi 37. Cette augmentation n'est pas seulement la conséquence de leur déplacement de Kaboul à Kandahar, elle résulte d'une évolution de la situation générale du pays, puisque les pertes des forces alliées, stationnaires de 2002 à 2004, triplent entre 2004 et 2006. Et la situation à Kandahar dans quatre mois est tout à fait prévisible, elle sera à peu près la même qu'aujourd'hui; une aggravation dramatique n'est pas très probable; un progrès spectaculaire et rapide l'est encore moins.
La stabilisation de l'Afghanistan suppose une aide internationale prolongée à ce pays; c'est ce que déclarait Bill Graham en 2005 et M. Pratte a raison de le rappeler à ses lecteurs. C'est aussi ma profonde conviction. Mais cette aide internationale ne pourra pas être maintenue très longtemps si l'effort militaire principal doit être supporté indéfiniment par les forces canadiennes. À ce point de vue, il est clair que le Canada a fait plus que sa part par rapport aux autres pays de l'OTAN, et c'est ce que reflète la position du Parti libéral du Canada, largement appuyée par la population canadienne: il faut mettre fin à notre mission de combat à Kandahar en février 2009, comme l'a décidé le Parlement.
Il faut donc dès maintenant préparer l'après février 2009.
Deux conduites possibles
Contrairement à ce qu'écrit M. Pratte, annoncer une décision ferme du Canada ne nuirait pas aux négociations avec nos alliés de l'OTAN, mais imposerait à ceux-ci et au gouvernement afghan de choisir entre deux conduites futures: ou bien poursuivre l'effort militaire qui est fait présentement à Kandahar, en y remplaçant les Canadiens par des soldats d'un autre pays; ou bien modifier le déploiement de la force internationale pour confier davantage les missions de combat aux forces afghanes. Dans les deux cas, le Canada pourra continuer à participer à l'aide, y compris militaire, à l'Afghanistan.
M. Pratte se trompe aussi quand il écrit que l'annonce prématurée d'une décision enverrait aux soldats canadiens le signal " qu'ils risquent leur vie pour une cause à laquelle le gouvernement ne croit plus ". Si on annonce à nos soldats qu'ils seront relevés à Kandahar en février 2009 par des alliés, on ne voit pas pourquoi cela leur donnerait l'impression que le travail qu'ils y font aujourd'hui est inutile. Et si la décision est de confier davantage de responsabilité aux Afghans, cela n'aura pas non plus cette signification.
L'objectif principal de l'aide internationale à l'Afghanistan est d'aider ce pays à se doter d'un État capable d'assurer la sécurité de ses citoyens et de permettre une amélioration de leurs conditions de vie. Tous les programmes d'aide, qu'ils soient civils ou militaires, comportent le risque que les Afghans en viennent à croire que la sécurité ou le développement sont l'affaire des étrangers. Il faut donc que ces programmes visent à confier le plus rapidement possible des responsabilités aux autorités afghanes, tout en continuant à leur apporter une aide matériel et un soutien technique. Quand les soldats canadiens pourront transmettre certaines de leurs responsabilités à des Afghans, ce ne sera pas pour eux un échec mais leur plus belle réussite.
Il est clair pour moi qu'il faut assurer une aide à long terme à l'Afghanistan, et structurer cette aide d'une façon qui lui permette d'être durable. Une présence militaire internationale dans ce pays est utile pour lui éviter de retomber dans la guerre civile qu'il a connue dans les années 1990 et qui a permis la prise du pouvoir par les talibans.
Mais il faut que les tâches courantes de lutte contre les insurgés et de protection des populations soient assurées le plus tôt possible par des forces afghanes. Tel est l'objectif que doit viser la politique canadienne. La position du Parti libéral sur ce point est à la fois réaliste et tout à fait cohérente avec les décisions prises en 2005. C'est le gouvernement conservateur, hésitant entre les bravades verbales et les annonces contradictoires, qui fait preuve d'un manque grave de responsabilité envers nos alliés, envers les Afghans et envers les soldats canadiens.
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Dion, Stéphane
L'auteur est chef du Parti libéral du Canada et de l'opposition officielle à Ottawa.


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