Claude Lévesque - Sauf peut-être pour les talibans, il n'y avait pas grand-chose à célébrer hier, jour du huitième anniversaire de l'intervention occidentale en Afghanistan, où l'on attend toujours les résultats d'une élection présidentielle entachée de fraudes.
Aux États-Unis, un débat fait rage entre partisans et adversaires de l'envoi de renforts dans ce pays où les GI constituent déjà, et de loin, le principal contingent étranger: la question divise les responsables politiques, tandis que la majorité de la population s'oppose à une escalade militaire.
Il faut dire que les soldats américains y meurent en plus grand nombre que jamais (239 depuis janvier), aux mains de talibans qui reprennent du terrain, même dans des régions où on ne les avait pas vus depuis des années, et qui viennent encore de promettre qu'ils repousseront les troupes étrangères hors du pays tant qu'il s'en trouvera.
Le président Barack Obama a réuni hier à la Maison-Blanche ses principaux conseillers en matière de sécurité nationale pour discuter de la demande de renforts présentée récemment par son commandant en Afghanistan, le général Stanley McChrystal. Dans sa requête, dont les détails n'ont pas été rendus publics, ce dernier souhaite qu'on envoie dans ce théâtre au moins 10 000 soldats de plus que les 68 000 qui s'y trouvent déjà, jusqu'à 40 000 de plus selon certains scénarios.
Environ 37 000 militaires venant d'autres pays, dont du Canada, sont également engagés dans des opérations de combat ou de maintien de la paix en Afghanistan.
Le président américain semble hésiter à prendre une décision, conscient de l'opposition de plusieurs élus démocrates et des réticences de certains membres de son propre cabinet, dont le vice-président Joe Biden, à l'envoi de renforts militaires.
On a même prêté à M. Biden l'intention de réduire le nombre de soldats en Afghanistan et de recentrer la guerre sur le réseau al-Qaïda plutôt que sur les talibans afghans, en se servant de drones et en recourant à des opérations de commando le long de la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan.
MM. Obama et Biden se seraient cependant inscrits en faux contre cette interprétation lorsqu'ils ont rencontré un groupe de parlementaires mardi.
Le président doit encore réunir demain les mêmes collaborateurs: Joe Biden, le secrétaire à la Défense Robert Gates, la secrétaire d'État Hillary Clinton, le conseiller à la sécurité nationale James Jones et les principaux responsables militaires et du renseignement.
Outre la question des effectifs, cette équipe doit trancher sur plusieurs autres propositions de nature stratégique que le général McChrystal avait formulées il y a déjà plusieurs semaines.
Les sondages aux États-Unis font état d'une opposition grandissante à la guerre en Afghanistan. Selon une enquête réalisée par l'Université Quinnipiac, dans le Connecticut, et publiée hier, 32 % des Américains pensent que les États-Unis risquent de s'embourber dans «un nouveau Vietnam».
La majorité des personnes sondées (65 %) approuvent la présence militaire en Afghanistan, mais seulement 28 % d'entre elles sont d'accord pour que celle-ci soit accrue.
«Les Américains sont profondément divisés sur la guerre en Afghanistan. Les deux tiers des sondés lient le conflit aux attentats du 11-Septembre et jugent les efforts actuels utiles pour éviter que de tels événements se répètent, a expliqué Peter Brown, directeur adjoint de l'Institut de sondage de l'Université Quinnipiac. Mais ils sont hostiles à un engagement militaire prolongé et il y a une nervosité évidente concernant les requêtes des militaires sur l'envoi de renforts en Afghanistan.»
Plus de 860 militaires américains sont morts en Afghanistan depuis le début de l'intervention en octobre 2001, selon le site Icasualties.org. Cette guerre a aussi coûté la vie à 131 militaires canadiens.
Les talibans, que l'intervention occidentale a chassés du pouvoir, se sont vantés hier, sur un site Internet, d'avoir pris le contrôle d'un district de la province du Nouristan, où les soldats américains ont essuyé de lourdes pertes ces derniers jours.
«Nous ne voulons faire de mal à aucun pays étranger [...]. Notre but est d'assurer l'indépendance de notre pays et d'y constituer un État islamique», affirment les talibans dans un communiqué distinct, dans lequel ils promettent aux États-Unis et à l'OTAN une «longue guerre».
Les autorités afghanes tardent à publier les résultats définitifs de l'élection présidentielle du 20 août en raison des nombreuses accusations de fraude qui ont été déposées.
Un document confidentiel de l'Organisation des Nations unies révélé hier par le quotidien Washington Post fait justement état de fraudes massives. La plupart des irrégularités auraient profité au président sortant, Hamid Karzaï, en tête du premier tour de scrutin avec 54,6 % des voix selon les résultats préliminaires. Ainsi, dans certaines provinces où M. Karzaï a eu l'avantage, on aurait enregistré jusqu'à 100 000 suffrages de plus que le nombre de personnes ayant effectivement voté. Le phénomène inverse se serait produit dans des régions où son principal adversaire, Abdullah Abdullah, partait favori.
Selon le numéro deux de la mission de l'ONU à Kaboul, qui a été démis de ses fonctions la semaine dernière, jusqu'à 30 % des bulletins favorables au président sortant seraient frauduleux.
Si ces accusations se confirment, les Afghans devront retourner voter lors d'un second tour. Un exercice qui pourrait devoir attendre au printemps, étant donné la rigueur de l'hiver dans certaines régions.
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Avec l'Agence France-Presse
L'impasse après huit ans d'intervention
Obama tranchera bientôt sur la question des renforts
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