Une fois de plus, c'est par hasard qu'on apprenait, cette semaine, l'existence de négociations entre l'hôpital du Sacré-Coeur et la clinique médicale RocklandMD dans le but de mettre deux salles d'opération de cette clinique à la disposition de l'institution. Si le projet a autant de sens que l'affirme le ministre de la Santé, pourquoi agir en catimini?
On veut bien croire le ministre Philippe Couillard quand il dit que le type d'entente sur le point d'aboutir entre l'hôpital du Sacré-Coeur et la clinique RocklandMD est une des pistes de solution pour l'engorgement du réseau public.
Après tout, il serait logique qu'une structure légère comme cette clinique, sans règles d'ancienneté pour fixer les horaires de travail du personnel et sans contraintes qui limitent l'embauche d'infirmières retraitées, en somme sans bureaucratie, permette d'effectuer plus d'interventions chirurgicales mineures qu'un grand hôpital. C'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement a fait adopter la loi 33 en décembre dernier, qui encourage de telles ententes entre hôpitaux et cliniques privées «affiliées» où les patients n'auraient rien à payer de leur poche.
On veut le croire, M. le ministre, mais voilà: le doute surgit quand on apprend que le premier projet sur la table est celui de la clinique RocklandMD, dont la réputation de mercantilisme a récemment fait la manchette.
Fondée il y a moins d'un an, cette clinique, dont un des administrateurs, Marcel Côté, est un proche du premier ministre, vient d'être grondée par la RAMQ pour avoir réclamé des frais élevés à ses patients en plus des honoraires perçus du régime public.
Au Québec, les actes médicalement nécessaires sont entièrement couverts par l'assurance maladie. Un médecin ne peut donc pas réclamer des frais, sauf pour couvrir certains coûts déterminés par entente avec les fédérations de médecins, tels les médicaments ou les anesthésiants administrés sur place.
En juin dernier, la RAMQ menaçait les médecins de RocklandMD de sanctions s'ils ne modifiaient pas leur approche, mais on ne sait rien de la suite.
La loi 33 adoptée en décembre encourage la signature d'ententes avec des cliniques affiliées mais pose du même coup des conditions strictes dont on ne sait pas davantage si elles seront respectées dans le contrat qui lie le Sacré-Coeur à RocklandMD. Par exemple, une clinique affiliée devra obtenir un permis spécial et ne pourra pas facturer de frais aux patients puisqu'elle sera en quelque sorte un prolongement de l'hôpital. C'est aussi l'hôpital qui choisira les malades, et non la clinique, et c'est encore l'hôpital qui paiera la note. RocklandMD respectera-t-elle à la lettre cette façon de faire?
Par ailleurs, la loi précise que des médecins participants ne peuvent pas cohabiter avec des collègues non participants. Or, aux dernières nouvelles, RocklandMD abritait aussi une clinique dont les médecins ne participent plus au régime public. Va-t-on fermer cette clinique, comme l'exige la loi?
Cette entente Sacré-Coeur-RocklandMD n'a pas fait l'objet d'un appel d'offres. Tout se passe en secret, ce qui n'est jamais bon signe. Une fois cette entente signée, il faudra démontrer que la nouvelle clinique affiliée permet de réaliser plus d'interventions et à meilleur coût. Comment y parviendra-t-on puisque les hôpitaux sont incapables de calculer le coût d'une opération?
À cause du risque de déplacement pur et simple des interventions de l'hôpital vers la clinique, il est trop tôt pour se réjouir de cette première dont les détails sont pour le moins nébuleux. Le fardeau de la preuve appartient au ministre.
***
j-rsansfacon@ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé