L'ampleur des conditions que peut raisonnablement imposer l'Autorité des marchés financiers (AMF) à la Bourse de Toronto a été l'un des principaux sujets hier lors de la première journée des audiences publiques portant sur l'acquisition de la Bourse de Montréal.
À plusieurs reprises, la discussion entre les divers intervenants et le p.-d.g. de l'AMF, Jean St-Gelais, a porté sur la turbulence des marchés et l'effet de cette incertitude sur la marge de manoeuvre dont disposera l'AMF dans ce qu'elle peut demander aux deux Bourses sans faire échouer la transaction.
L'AMF a entendu plusieurs avis favorables, dont ceux des dirigeants des Bourses montréalaise et torontoise, Luc Bertrand et Michael Ptasznik, du président de la Caisse de dépôt et placement, Henri-Paul Rousseau, du président sortant du Mouvement Desjardins, Alban D'Amours. Pour sa part, l'ancien premier ministre Jacques Parizeau, farouchement opposé à la transaction, a estimé que Montréal n'a pas à avoir peur de faire cavalier seul dans l'univers boursier.
La Bourse de Toronto offre environ 1,3 milliard pour acquérir la Bourse de Montréal, spécialisée dans les produits dérivés, mais la transaction est soumise à l'approbation de l'AMF car elle nécessite la levée d'un règlement qui interdit à un actionnaire de détenir plus de 10 % des actions.
Dans l'espoir d'obtenir la bénédiction de l'AMF, les dirigeants torontois se sont engagés au mois de décembre à maintenir à Montréal toutes les activités liées aux produits dérivés, dont s'occupe exclusivement Montréal depuis 1999 et qui sont des instruments complexes utilisés par les grands établissements financiers.
Dès la première présentation hier, celle de MM. Bertrand et Ptasznik, il est devenu clair très vite que les deux Bourses souhaitent satisfaire l'AMF mais qu'elles souhaitent aussi éviter des exigences trop grandes en ce qui concerne le commerce des produits dérivés. M. Ptasznik a dit que dans certains cas, par exemple, certains produits dérivés devraient être lancés ailleurs qu'à Montréal, notamment à Calgary, où la Bourse de Toronto possède une petite Bourse de produits énergétiques.
Au bout de 15 minutes, le p.-d.g. de l'AMF, Jean St-Gelais, a résumé les propos du patron torontois. «Si on imposait des conditions trop contraignantes sur l'obligation que ces activités-là aient lieu à partir de Montréal ou soient sous la responsabilité de la Bourse de Montréal, ça pourrait donc vous empêcher de mener vos affaires pour le mieux de l'entreprise, c'est la compréhension générale... C'est ça?» Ce à quoi M. Ptasznik a répondu: «C'est exact.»
Après avoir exprimé des doutes en décembre, la Caisse de dépôt et placement appuie la transaction et a réitéré ce soutien hier. M. Rousseau croit que la Bourse de Montréal bénéficiera de ressources additionnelles et d'un plus grand achalandage d'affaires.
Cependant, la Caisse pense que les engagements pris par Toronto dans la transaction doivent être plus clairs qu'ils ne le sont présentement. Par exemple, Toronto devrait s'engager fermement à maintenir la pérennité des activités montréalaises, s'assurer que les candidats québécois au conseil d'administration aient des connaissances en produits dérivés et assurer que les responsabilités élargies dévolues à M. Bertrand dans le cadre de la transaction soient liées au poste et non à la personne de M. Bertrand.
M. St-Gelais a demandé à M. Rousseau de se prononcer sur les avis selon lesquels l'incertitude des marchés devrait inciter l'AMF à être prudente dans ses conditions si elle ne veut pas créer une «porte de sortie facile» pour quiconque voudrait s'en servir. M. Rousseau a dit que l'AMF devait chercher l'équilibre, mais que l'essentiel tenait surtout à ce que l'entente soit plus précise, de manière à éviter les ambiguïtés.
Le Mouvement Desjardins a lui aussi donné son appui mais a demandé plusieurs précisions. M. D'Amours a déploré le fait que la transaction ne semble pas garantir que le développement de nouveaux produits se fera à partir de Montréal.
De son côté, M. Parizeau a dit lors d'un point de presse après sa présentation que la Bourse de Montréal a vu son volume d'affaires diminuer depuis le début de la tourmente boursière, l'été dernier, et qu'il est «compréhensible» que M. Bertrand cherche à la vendre dans un contexte où Toronto cherchait par tous les moyens à créer une Bourse de produits dérivés pour lui faire concurrence. «Mais l'intérêt du Québec, il n'est pas là», a-t-il dit.
Les audiences se terminent cet après-midi. Seront entendus l'ancien ministre Daniel Paillé, professeur invité à HEC Montréal, l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, la Fédération des chambres de commerce du Québec et l'Action démocratique du Québec.
Plusieurs appuis à la fusion des Bourses, mais...
Les deux parquets ne veulent pas trop d'exigences de l'AMF
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé