Pourquoi le pont Champlain ne peut pas être un enjeu électoral

Chronique de Louis Lapointe

En annonçant uniquement la réfection du pont Champlain plutôt que la construction d’un nouveau pont que tous les experts recommandent comme étant la seule solution sécuritaire quelques jours avant le début de la campagne électorale (2011), le sénateur Larry Smith et le gouvernement conservateur de Stephen Harper ont probablement voulu faire de la construction d’un nouveau pont un enjeu électoral.
Si les habitants de la Ville de Québec sont prêts à voter conservateur pour obtenir leur nouveau Colisée, est-ce que les habitants de la grande région de Montréal et de la Rive-Sud devraient voter conservateur pour avoir un nouveau pont Champlain ?
Ma conjointe et mes enfants qui sont encore à la maison empruntent chaque jour ce pont pour aller au travail ou à l’université. La question de la sécurité du pont Champlain est donc un sujet de préoccupation dans notre foyer. Devons-nous voter conservateur pour assurer notre sécurité lors de nos déplacements au dessus de la voie maritime du Saint-Laurent ?
Or, parce qu’il s’agit d’une responsabilité constitutionnelle exclusive du gouvernement fédéral, la construction d’un pont sécuritaire ne peut pas devenir un enjeu électoral.
À mon avis, l’exercice d’une juridiction exclusive comportant une obligation de résultat, la sécurité du public, ne peut pas s’échanger contre des votes, puisqu’il s’agirait alors d’un geste inconstitutionnel.
Comme la plupart des citoyens, je trouve tout à fait inacceptable qu’un gouvernement qui a la responsabilité d’administrer les ponts qui chevauchent le Saint-Laurent puisse, par ses atermoiements, suggérer à la population, même du bout des lèvres, que l’élection de députés conservateurs dans la région de Montréal et de sa Rive-Sud puisse permettre d'enclencher ou d'accélérer le processus de construction d’un nouveau pont.
On ne peut pas prendre en otages tous les citoyens qui empruntent chaque jour un pont, afin de vaquer à leurs occupations, en leur suggérant que leur sécurité ne pourrait être totalement assurée que s’ils votent pour un candidat du parti au pouvoir, tout simplement parce qu’on ne peut pas subordonner l’exercice d’une compétence exclusive du gouvernement fédéral à un vote partisan de l’électorat.
Pour cette raison, l’obligation du gouvernement fédéral de protéger le public dans ses champs juridictionnels ne pourrait jamais être conditionnelle à un vote partisan, puisqu’il s’agit d’une responsabilité constitutionnelle qui doit, en plus, s’exercer sans distinction ou discrimination depuis l'avènement de la charte canadienne des droits et libertés.
Parce que, dans ce cas-ci, il est d'abord question de la sécurité de la population, il pourrait non seulement s’agir d’un manque évident d’éthique de la part du gouvernement actuel, mais également d’une abdication de responsabilités découlant d’une juridiction comportant, entre autres, une obligation de résultat, la sécurité du public.
En murmurant qu’il puisse subordonner la construction d’un nouveau pont à l’élection de députés conservateurs, non seulement le gouvernement conservateur de Stephen Harper renie le pacte confédératif qui l’oblige à protéger les citoyens comme il le fait dans le cas des banques et avec l’armée canadienne, mais il abdique également un pouvoir et une responsabilité, ceux de pourvoir à la construction d’infrastructures dans le but d’assurer la sécurité de la population et de protéger le public.
Seul le gouvernement fédéral peut décider de construire un nouveau pont, alors que le Québec, contrairement au gouvernement fédéral, ne peut pas s’immiscer unilatéralement dans les juridictions exclusivement fédérales, même si ce dernier néglige de les exercer.
Parce que la construction du nouveau pont Champlain découle d'abord d’une obligation de résultat, la sécurité du public, à mon humble avis, ce sujet ne peut, en aucun cas, devenir un enjeu électoral comme semble le suggérer le lieutenant montréalais du parti conservateur, l'ex-sénateur Larry Smith, puisqu’il s’agirait alors d’une abdication d’un devoir constitutionnel, la construction d’un pont sécuritaire au dessus du fleuve St-Laurent, ouvrage pour lequel le gouvernement fédéral prélève déjà des impôts auprès des Québécois.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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