Les partis ne sont pas éternels. Mais ce sera toujours aux électeurs de décider; pas aux devins de salon de prédire l’avenir sur la foi d’un sondage, voire d’une série d’enquêtes d’opinion — voire, même encore, d’une ou de plusieurs dégelées électorales. Ni à ces devins donneurs de leçons d’en appeler à une mutation génétique des perdants.
En 2007, lorsque le Parti québécois a cédé son titre d’opposition officielle à l’Action démocratique du Québec, combien de fois n’a-t-on pas entendu qu’il devait jeter l’option souverainiste par-dessus bord?
Combien de fois l’avait-on entendu avant? Et par la suite?
Toutes ces voix réclamaient au fond qu’il n’agisse plus selon ses convictions, qu’il se colle à une «opinion publique» par ailleurs sautillante.
Depuis les dernières élections, on entend la même chose à propos du Parti libéral du Québec.
Il doit «écouter» les Québécois…
Le problème — et c’est tant mieux! —, est que les Québécois ne sont pas unanimes, y compris au sein de la majorité francophone.
D’ailleurs, si c’était le cas — et si le verbe écouter devait devenir la nouvelle religion en politique québécoise —, personne ne devrait se lancer ni dans la course à la direction du PLQ ni dans celle du Parti québécois.
Et ces deux partis devraient se saborder, tant l’appui actuel au gouvernement Legault est fort et semble promis à de belles années.
Saluons l’audace de ceux et celles qui se lancent et se lanceront dans ces deux courses. Ils et elles contribueront à préserver des choix démocratiques.
Dominique Anglade
La libérale Dominique Anglade a cassé la glace la semaine dernière. Elle l’a fait — il faut le noter — en mettant en sourdine sa position sur le port de symboles de foi; en balayant par devant, même.
On ne devrait pas entendre la candidate à la direction du PLQ redire de sitôt qu’on devrait interdire aux personnes occupant des fonctions de coercition — les juges, les policiers, les procureurs et les gardiens des centres de détention — de porter un symbole de foi.
C’est ce qu’on doit comprendre de sa volonté de s’en remettre, là-dessus comme sur le reste, aux sympathisants libéraux qu’elle rencontrera lors de la tournée qu’elle entreprendra afin de préparer son programme de candidate.
Tout candidat à la direction d’un parti estime toujours de nos jours devoir se mettre en «mode écoute». Tout candidat s’en fait un point d’honneur — tout en réitérant bien sûr que toutes les idées et les suggestions qui seront retenues devront être compatibles avec les valeurs de la formation politique qu’il entend représenter au plus haut échelon.
Or, dans ce dossier, bien des voix libérales de la base demeurent opposées à toute proscription. Et Mme Anglade sait compter... Elle préfère donc jouer de prudence.
Car, au cours des prochaines semaines et des prochains mois, ce ne sont pas les Québécois en général que Mme Anglade devra d’abord chercher à séduire, mais les militants et les sympathisants libéraux.
Autre élément pouvant expliquer sa retenue : des sept députés du groupe parlementaire libéral qui lui ont d’ores et déjà offert leur soutien, au moins trois sont farouchement contre tout interdit en la matière. Je pense ici à Carlos Leitão, à Kathleen Weil et à David Birnbaum.
Pour faire bouger le Parti libéral du Québec vers «Bouchard-Taylor», si c’est vraiment ce qu’elle pense être le mieux, l’ex-vice-première ministre devra avancer avec précaution.
La politique, c’est l’art du compromis, ce qui suppose de céder des choses au nom d’«intérêts supérieurs». C’est ce qui pourrait faire qu’elle recule sur sa propre position en matière de signes religieux.
Mais la politique, c’est aussi l’art de concilier; l’art de convaincre les autres de la justesse de ses points de vue. C’est ce qui pourrait faire qu’elle finisse par avancer.
Pour cela, cependant, il faudrait que la mise en sourdine soit temporaire. Que la fameuse «écoute» soit une occasion pour elle de tenter de convaincre des libéraux. Cela peut être aussi ça, «écouter».
Au-delà de la course à la direction, la vraie question demeurera de savoir à quoi s’engagera le Parti libéral du Québec sur ce sujet aux prochaines élections générales.
On comprend qu’en matière d’identité, Dominique Anglade préfère mettre l’accent sur la défense et la promotion de la langue française — un domaine pour lequel son parti a tout de même des gages à donner —, ainsi que sur la culture et le rayonnement du Québec sur la scène internationale.
C’est sans doute aussi le choix qu’effectueront ses concurrents dans la course à la succession de Philippe Couillard.