En réaction aux témoignages dévastateurs des ex-vérificatrices Annie Trudel et Louise Boily, Philippe Couillard invoque un «problème profond de culture» au ministère des Transports (MTQ) remontant à «plusieurs décennies».
Le 18 mai, il jurait pourtant en Chambre qu’il n’avait «jamais entendu parler» d’irrégularités tenaces au MTQ avant de lire la lettre-choc d’Annie Trudel au petit-déjeuner. La contradiction est de taille.
L’argument de la «culture» lui permet néanmoins de s’absoudre de toute responsabilité politique. Or, responsabilité il y a. Le MTQ n’est pas une île perdue au milieu du Saint-Laurent. C’est un ministère dirigé par un ministre imputable et lui-même dirigé par un premier ministre.
Bref, une «culture» d’irrégularités dans un ministère ne pousse pas par magie dans le dos de ses dirigeants politiques.
Une année houleuse
En commission parlementaire, Louise Boily situait d’ailleurs la genèse de la crise actuelle en 2011 et non pas en 1951. Avant 2011, ses rapports d’audit, dit-elle, y étaient bien accueillis. En 2011, tout bascule. L’année est houleuse au MTQ.
Jacques Duchesneau, patron de l’Unité anticollusion au MTQ, présente son fameux rapport au ministre Sam Hamad qui, agacé, refuse de le lire. Le rapport expose un «univers clandestin» dans l’industrie de la construction où se mêlent corruption, collusion, financement politique illégal, crime organisé et un processus douteux «d’attribution et de suivi des contrats publics» au MTQ.
Sam Hamad est remplacé. En novembre, Jean Charest crée la commission Charbonneau à son corps défendant. En août, il y avait aussi placé une certaine Dominique Savoie comme sous-ministre.
Dès lors, Mme Boily commence à se sentir ostracisée. Un climat d’intimidation et d’omerta s’installe à demeure. Dominique Savoie serait aussi une proche de Roberto Iglesias, l’influent secrétaire général du Conseil exécutif et lui-même un vieil ami de M. Couillard.
Difficile de penser que Mme Savoie ait pu sévir aussi longtemps sans que la chose ne se sache au même sommet du pouvoir, dont elle était si proche.
Une crise politique
À l’aube d’entreprendre son ménage au MTQ, Robert Poëti dérangeait aussi. Comment ne pas y voir la vraie raison de son expulsion du cabinet par le premier ministre et son remplacement par l’inepte Jacques Daoust?
Bref, la crise actuelle au MTQ est ni «culturelle» ni «administrative». Elle est politique. Sous Jean Charest comme sous Philippe Couillard, Mme Savoie et quelques autres bonzes y tenaient le couvercle fermement sur la marmite. Sans le courage des Poëti, Trudel et Boily, il n’aurait peut-être jamais levé.
La question est: pourquoi? Selon le rapport Duchesneau, une partie de la manne brassée par le MTQ en contrats publics aurait aussi servi à gonfler illégalement des caisses électorales par entrepreneurs choyés et firmes de génie-conseil interposés. Follow the money...
Malgré une session chaotique, Philippe Couillard rentrera dans ses terres toujours aussi sûr de gagner la prochaine élection grâce à la division du vote francophone. À tort ou à raison, se croyant invincible, les crises ne l’inquiètent pas trop.
Pendant ce temps, le Québec est terriblement mal gouverné. Y a-t-il un premier ministre dans la salle?
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