Un ex-organisateur libéral entrave une enquête sur la corruption

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« Selon la police, l’ex-patron de la SIQ, Marc-André Fortier, ainsi que trois collecteurs de fonds libéraux, dont Rondeau, se seraient partagé près de 2 M$ dans le cadre de prolongations de baux signés par la SIQ. »

Un ex-organisateur du Parti libéral du Québec fait des pieds et des mains depuis deux ans pour ne pas répondre aux questions de l’Ordre des comptables professionnels agréés concernant une mégafraude alléguée dans des transactions immobilières du gouvernement.


Charles Rondeau, qui a été un des plus importants collecteurs de fonds libéraux de l’ère Jean Charest, est l’un des individus soupçonnés par l’Unité permanente anticorruption (UPAC) d’avoir touché des commissions secrètes lors de transactions à la défunte Société immobilière du Québec (SIQ).


Notre Bureau d’enquête a appris qu’il s’est également retrouvé dans la mire de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec. Il vient même d’écoper d’une amende de 10 000 $ pour avoir entravé le travail du syndic de l’Ordre.


En novembre 2016, peu après que Radio-Canada ait révélé que l’UPAC enquêtait sur cette fraude alléguée de 2 millions $, l’Ordre a voulu savoir quelle avait été l’implication de Rondeau dans le versement de sommes potentiellement illégales.


« J’ai été informé d’allégations de fraude où vous seriez impliqué », lui a d’abord écrit le syndic de l’Ordre des comptables.


Lourde amende


Dans un premier temps, une avocate de Rondeau, Sophie Dubé, a dit « douter de la légitimité » de l’enquête du syndic.


« Vous faites gravement erreur quand vous “estimez” que votre client n’est pas tenu de donner suite aux questions posées par le syndic adjoint de son ordre professionnel », lui a rétorqué Sébastien Dyotte, procureur du syndic.


En décembre 2017, à la suite de son refus de collaborer, Rondeau a été reconnu coupable d’entrave au travail de son syndic par le Conseil de discipline de l’Ordre.


Une amende de 10 000 $, soit quatre fois le montant minimal, lui a été imposée en juillet dernier.


« Il est clair [...] que l’intimé n’a jamais eu l’intention de répondre aux questions [...] concernant les allégations d’une fraude de près de 2 M$ », souligne la décision sur sanction consultée par notre Bureau d’enquête.


Le comportement de Rondeau « empêche le plaignant [le syndic de l’Ordre] de faire la lumière sur les allégations d’une fraude importante », poursuit la décision.


Aucun remords


La situation est d’autant plus grave, selon le Conseil de l’Ordre des comptables, que Rondeau a d’abord laissé croire au syndic qu’il avait l’intention de lui répondre. Il a ensuite contesté la légitimité de l’enquête. Il a renoncé à son titre de comptable agréé quelques jours après avoir été reconnu coupable d’entrave, en décembre 2017.


Il ne fait part d’« aucun regret ni remords », selon le Conseil.


Sa démission n’est qu’un « prétexte » pour se soustraire à la justice, d’après le Conseil.


Enquête en cours


Charles Rondeau n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue. Son avocat, Marc Gaucher, a dit ne pas pouvoir commenter en raison de son « code déontologique ».


En parallèle, la fraude alléguée à la SIQ fait toujours l’objet d’une enquête de l’UPAC nommée Justesse.


Selon la police, l’ex-patron de la SIQ, Marc-André Fortier, ainsi que trois collecteurs de fonds libéraux, dont Rondeau, se seraient partagé près de 2 M$ dans le cadre de prolongations de baux signés par la SIQ.


Des fonds auraient été versés aux Bahamas, un paradis fiscal, et en Autriche.



QUI EST CHARLES RONDEAU ?



  • Il a été présenté à la commission Bastarache (sur le processus de nomination des juges au Québec) comme le plus important collecteur de fonds libéral de la région de Québec, avec Franco Fava.



  • Les deux hommes amassaient entre 200 000 $ et 400 000 $ par année pour les coffres du Parti libéral du Québec.



  • Rondeau a été membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés de 1967 à 2017.



QU’EST-CE QUE L’ENQUÊTE JUSTESSE DE L’UPAC ?



  • L’enquête de l’UPAC sur Charles Rondeau et d’autres collecteurs de fonds libéraux porte sur des commissions secrètes qui auraient été versées dans le cadre de transactions immobilières à la Société immobilière du Québec (SIQ), au milieu des années 2000.



  • En juin dernier, notre Bureau d’enquête révélait que des policiers se plaignent ouvertement du manque de collaboration de la justice dans ce dossier. Ils ont dû reporter au moins trois fois en deux ans la date prévue pour les arrêter.



  • Aucune arrestation n’a encore été effectuée dans ce dossier.