Quatre propositions pour le mouvement souverainiste

Je veux aujourd'hui formuler quatre propositions qui permettraient tout à la fois d'actualiser le discours souverainiste et de faire la promotion de sa nécessité pour l'avenir du Québec.

PQ - état des lieux et refondation


L'arrivée prévisible de Pauline Marois à la direction du Parti québécois et la vigueur de l'option souverainiste dans les intentions de vote sont au moins deux raisons qui invitent les souverainistes à réfléchir à propos de l'actualisation de leur discours. Nous avons un projet culturel différent de celui du reste du Canada.
La base de l'argumentaire souverainiste est toujours aussi pertinente, c'est-à-dire la conduite de nos affaires et le contrôle de nos impôts. Faut-il rappeler qu'en 2004 le gouvernement fédéral a puisé au Québec des recettes de l'ordre de quelque 41 milliards de dollars, sommes d'argent qui, dans bien des cas, sont utilisées à des priorités différentes de celles établies par l'Assemblée nationale: acquisition de matériel militaire, promotion du multiculturalisme, développement de l'industrie pétrolière, pour ne mentionner que quelques exemples.
Je veux aujourd'hui formuler quatre propositions qui permettraient tout à la fois d'actualiser le discours souverainiste et de faire la promotion de sa nécessité pour l'avenir du Québec.
Premièrement, je crois que le Parti québécois, le Bloc québécois et le Conseil de la souveraineté doivent utiliser tous les moyens dont ils disposent en vue d'une vaste campagne de sensibilisation sur les liens entre la souveraineté et notre identité nationale. La pérennité de notre identité nationale exige que l'Assemblée nationale soit le seul centre de décision en ce qui a trait à la langue, la culture, l'immigration et la citoyenneté. Nous avons un projet culturel différent de celui du reste du Canada. Il est illusoire de faire croire aux Québécois que de mettre le français et l'anglais sur le même pied d'égalité dans le fonctionnement des institutions fédérales est une stratégie positive pour le fait français.
Le rapport à la langue est généralement utilitaire, c'est-à-dire que les individus apprennent une langue parce qu'elle permet de s'intégrer à la majorité ou parce qu'elle est nécessaire pour une promotion professionnelle. À l'échelle du Canada, le français offre peu ou pas de perspectives de cette nature. En 1951, il y avait 31,9 % de Canadiens qui avaient une connaissance du français et ce pourcentage est à peu près le même en 2001, soit 31 %. Pourquoi le citoyen moyen de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique se donnerait-il la peine d'apprendre le français alors que le cantonais est la deuxième langue parlée dans sa province?
[...]
La culture française est un vecteur important de notre identité nationale. J'utilise le vocable culture en me référant à notre cinéma, notre télévision, notre littérature, notre radio, notre musique, notre peinture, notre sculpture, nos musées, etc. Une bonne partie des impôts que nous payons à Ottawa sert à faire fonctionner des institutions culturelles canadiennes. Ces institutions, eu égard à la qualité de la programmation qu'on y retrouve, ont pour principale mission de promouvoir l'identité canadienne à l'intérieur de laquelle coexiste la culture québécoise et l'ensemble des autres cultures qui forment le tissu extensible à souhait du multiculturalisme.
Le gouvernement fédéral n'a aucun pouvoir spécifique en matière de culture, sauf si l'on excepte le droit d'auteur et un pouvoir de dépenser qui découle du pouvoir de percevoir des impôts. [...]
Je ne suis pas sans savoir que plusieurs générations d'artistes ont été soutenues par Ottawa comme créateurs, particulièrement à une époque de notre histoire où une certaine grisaille recouvrait la vie culturelle québécoise. Cela ne change rien au fait que le Québec serait beaucoup mieux servi si ces ressources étaient utilisées à notre projet culturel tel qu'il est défini par l'Assemblée nationale.
Immigration et identité
L'immigration a à voir avec l'identité nationale dans la mesure où sa composition fragilise ou affermit notre langue et notre culture. Un peuple qui ne contrôle pas son immigration est un peuple qui ne contrôle pas son avenir. Entre 1996 et 2005, le Québec a accueilli entre 12,9 % et 16,5 % des immigrants qui sont venus au Canada.
À ces immigrants qui se sont établis au Québec et qui ont été sélectionnés par le Canada, on ne fait pas obligation de connaître le français, mais simplement l'une ou l'autre des langues officielles. C'est donc dire que ces personnes, entre l'obtention de leur résidence permanente et l'octroi de la citoyenneté canadienne, peuvent vivre au Québec mais ignorer la langue de la majorité. Cela est d'autant plus inquiétant que le dernier rapport annuel de Citoyenneté et Immigration Canada révèle que les résidents permanents proviennent principalement des dix pays suivants: Chine, Inde, Philippines, Pakistan, États-Unis, Iran, Royaume-Uni, Roumanie, Corée et France.
À l'exception de la France et de la Roumanie, on ne peut pas dire que ces pays se caractérisent par l'importance de leur communauté francophone. Bien sûr, le Québec sélectionne les immigrants indépendants et les visiteurs temporaires. On parle ici de travailleurs qualifiés, d'entrepreneurs et d'investisseurs. Toutefois, bon an mal an, le Québec ne contrôle qu'entre 40 et 50 % de son immigration, selon la période que l'on considère.
Davantage préoccupant est le fait que, même s'il y a à l'Assemblée nationale un ministre de l'Immigration, cette même Assemblée n'est pas en mesure de fixer aux personnes qui ont choisi d'immigrer au Québec les modalités de leur participation à leur nouvelle communauté politique. N'est-il pas triste de constater que le Québec peut certes intégrer les immigrants socio-économiquement parlant, mais qu'il ne peut les accueillir politiquement puisque seule la citoyenneté permet la reconnaissance de l'appartenance à la nation politique québécoise?
Question référendaire
Ma deuxième proposition concerne la question référendaire. Le Bloc québécois et le Parti québécois devraient dès maintenant faire adopter un libellé de question qui soit simple, court et explicite, du genre: «Voulez-vous que le Québec devienne un pays souverain, décide de sa politique étrangère, administre tous ses impôts et que l'Assemblée nationale exerce tous les pouvoirs d'un État souverain?»
L'avantage de faire connaître précocement le libellé de la question référendaire est pédagogique. Nos adversaires ne pourraient faire valoir que les souverainistes misent sur «l'effet de surprise» de la question pour arracher une victoire. Une question qui serait connue à l'avance et que le Parti québécois s'engagerait à faire sienne une fois au pouvoir, est une question que la société civile pourrait non seulement s'approprier, mais débattre et commenter à satiété. À l'évidence, dans pareil scénario, l'Assemblée nationale conserverait son entière prérogative d'adopter le libellé de la question et d'en débattre pendant 35 heures comme le prescrit la Loi sur la consultation populaire.
Démocratie référendaire
La troisième proposition que je soumets à la réflexion des militants regarde l'intégrité de notre démocratie référendaire. Comment éviter que des tiers, quels qu'ils soient, viennent à nouveau enfreindre la loi référendaire québécoise. Le mouvement souverainiste doit s'inspirer des propositions soumises par l'ancien directeur général des élections du Québec, Me Pierre-F. Côté, lors du 10e anniversaire du référendum de 1995:
1- Négocier une entente entre le gouvernement québécois, les autres provinces et le gouvernement fédéral à l'effet que tous et chacun s'engagent à respecter les règles électorales et référendaires des autres;
2- Demander par renvoi à la Cour d'appel du Québec si la Loi sur la consultation populaire du Québec a une portée extraterritoriale et, qu'à ce titre, si un tiers hors Québec qui achète un bien ou un service au Québec dans le but de favoriser l'un ou l'autre camp pourrait faire l'objet de poursuite par le directeur général des élections du Québec.
Missions étrangères
Finalement, et c'est ma quatrième proposition, le Canada a participé depuis 2001 à 23 missions électorales à l'étranger en ce qui a trait aux meilleures pratiques démocratiques. Le Canada ne peut promouvoir la démocratie à l'étranger et violer impunément la démocratie référendaire québécoise. S'il le fait, il faut que cette violation trouve un écho sur la scène internationale.
Pourquoi l'Assemblée nationale n'adopterait-elle pas, et si possible à l'unanimité, une résolution demandant aux Nations-Unies de dépêcher lors du prochain référendum québécois, une mission d'observation internationale conduite par un Jimmy Carter ou un Al Gore? Voilà sans doute le meilleur suivi non-partisan que l'on pourrait donner au rapport Grenier déposé en mai dernier.
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Réal Ménard, Député du Bloc québécois dans Hochelaga
Note: ce texte présente des points de vue qui n'engagent que l'auteur.


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