C'est une image, bien sûr. Je ne veux pas donner dans l'agisme.
Je parle plutôt de cette impression d'embourgeoisement, de repli, de fatigue, même, que laisse un examen sommaire de l'état actuel du Québec politique.
Dans cette société qui vit en bonne partie au rythme du fort contingent que représentent les baby-boomers, on sent un ajustement des valeurs allant dans le sens de la retraite, de l'abandon des ambitions trop prenantes, et de la crainte de brusquer les choses.
Je ne dis pas, cependant, que le vieillissement des mentalités ne doit avoir que de mauvais effets. Au contraire, il y a tout lieu de s'attendre à ce qu'il en émane sagesse, et maturité. Tant mieux si, de ce fait, nous évitons les pièges de l'impulsivité qui caractérise souvent la jeunesse.
Néanmoins, sur la scène politique, on dirait que le Québec se pépérise davantage qu'il n'accède à quelque chose de mieux.
Disons simplement que nous sommes loin de l'état d'esprit qui mena à la nationalisation de l'électricité, ou du temps où un ministre du gouvernement Lévesque parlait d'acheter une île dans les Caraïbes...
S'il est un parti politique qui, en regard de ce qui donna lieu à sa naissance il y a quelques décennies, s'est pépérisé de façon spectaculaire, c'est bien le Parti Québécois. Voici des " souverainistes " sans souveraineté, pognés entre une démarche référendaire évoquée sans enthousiasme, qui fait penser à une vieille raquette de tennis en bois rangée au fond de la remise, et l'ambition défendue mollement de se farcir quelques étirements du fédéralisme. Votez pour nous, mais ne vous inquiétez pas, nous ne ferons rien qui ne ressemble pas à ce qui a déja été fait, et, surtout, nous ne ferons pas la souveraineté avant de s'être bien assurés qu'il est trop tard pour la faire !
Nous sommes à l'ère du souverainisme Liberté-55. C'est le triomphe du rock-détentisme.
Bien entendu, on ne trouve pas plus de renouveau au Parti Libéral, depuis longtemps voué, au mieux, à la gérance de province, ou au pire, intéressé à monnayer sa loyauté à l'ordre établi, c'est-à-dire au régime de domination canadian, en veillant à ce que le Québec y demeure soumis.
On ne peut pas non plus s'attendre à ce qu'un rafraîchissant vent d'initiative vienne de Gérard Félicitons-Les-Riches Deltel et du discours unidimentionnel d'une certaine droite, dont le corollaire est un silence assourdissant sur tout ce qui n'est pas argent ou finance.
Quant à Québec Solidaire, certains pans essentiels de sa philosophie manquent quelque peu de l'audace de se remettre en question. Bien que, il faut le dire, ce parti soit représenté à l'Assemblée Nationale par l'un des politiciens les plus intéressants des dernières années.
Si la révolution fut tranquile -- ce que j'applaudis vivement, au sens où il n'y eut pratiquement pas de violence, quoiqu'encore trop -- ses suites sont carrément soporifiques, sinon anesthésiques. Nous sommes passés de la révolution aux circonvolutions, puis à l'enlisement.
Pendant que le Québec en est toujours, lamentablement, au même statut que l'Ile-Du-Prince-Édouard, nous perdons continuellement du poids dans le marché de dupes canadian, notre langue se créolise à grande vitesse, et notre système d'éducation engendre des semi-lettrés diplômés, à tours-de-bras. À ce rythme-là, notre français, pas toujours très déchiffrable ailleurs dans le monde, risque de nous confiner de plus en plus à notre seul carré de sable, sinon de nous forcer à le remplacer par l'anglais. Ne pourrions-nous pas, à la place, développer bien davantage notre statut absolument unique de pôle francophone d'Amérique, et se donner la chance d'en tirer tous les avantages possibles, dont on n'imagine peut-être même pas la portée, plutôt que de n'en plus finir de ne l'assumer qu'à une fraction de son potentiel ?
À ce tableau qui hurle l'extinction nationale accélérée, il est impossible de répondre " indépendance " sans être automatiquement perçu comme radical ou illuminé, par l'un ou l'autre de ces bien-pensants, pas toujours boomers mais rompus à la mentalité du renoncement, qui voient les ruminations dépressives d'un Bouchard ou d'un Facal comme l'expression de la lucidité et de la sagesse.
Les fatigués sont vraiment devenus fatigants; Pépères, jeunes ou vieux, tassez-vous donc, qu'on progresse.
Nic Payne
Montréal
Québec pépère...
... ou la pépérisation politique du Québec.
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7 commentaires
Archives de Vigile Répondre
11 décembre 2010Pour ma part, cette atonie générale, cette «pépèrisation», provient de notre rupture identitaire d’avec le Canada français. Car jusqu’aux années 1970, le principal moteur de notre société demeure le nationalisme canadien-français. Depuis la Conquête, tous cherchaient l’émancipation politique ou socioéconomique des Canadiens-Français. Mais pour notre malheur, il a fallu qu’un jour on considère qu'il suffise de se dire Québécois pour y parvenir. Ce ne fut loin d'être le cas. Bien au contraire, nous avons alors perdu contact avec notre réalité historique, géopolitique et humaine. Nous avons perdu notre conscience nationale et presque toute notion de bien commun. Et tant que nous ne les aurons pas recouvrées, nous ne pourrons rien faire de constructif: nous resterons des impuissants, des incapables faisant le jeu de l'ennemi.
«Plus un arbre enfonce ses racines profondément dans le sol, plus il a de chances de grandir et de porter du fruit» Mère Marie-Anne s.s.a.
RCdB
Archives de Vigile Répondre
10 décembre 2010Non, M. Racine, nous ne sommes plus les "Nègres blancs d’Amérique". Nous l'avons été jusque dans les années 60 mais nous ne le sommes plus, peut-être vous mais pas moi.
Nos cultivateurs sont passé de pauvres à millionnaires en 50 ans...environ. Personne nous barre le chemin, au plus, ils aimeraient nous angliciser comme l'ont été les Écossais et les Irlandais. C'est ça qui est le danger, pas la pauvreté de notre condition de francophones plus instruits et versés dans les professions et les entreprises qui étaient avant, l'exclusivité des Anglophones canadiens.
Pas besoin de poussez pépère, il n’y a qu’à prendre sa place et foncer mais si la majorité de Québécois ne vous suit pas, vous irez nulle part. Faut au moins voter quand c’est le temps. Ceux qui critiquent le plus ont tendance à négliger cet outil ultime en démocratie.
Le problème est justement le confort accru des Québécois, depuis que les nègres blancs francophones ont pas mal disparus du Québec, ce qui a apporté pas mal d’indifférence au changement de notre situation constitutionnelle. Le confort ne porte pas à la révolution ou comme l’écrivait le grand Félix Leclerc : Ventre plein n’a pas de rage…genre.
Archives de Vigile Répondre
10 décembre 2010Qu'est-ce Qu'on A Fait De Nos Rêves
http://www.youtube.com/watch?v=-T_3PS5wV4E
Sylvain Lelièvre
On rêvait de changer le monde
Est-ce le monde qui nous a changé?
L'espoir qu'on semait à la ronde
Aujourd'hui nous semble étranger
On défilait pas toujours sages
En entonnant « Le Déserteur »
Se peut-il qu'en prenant de l'âge
On déserte son propre coeur
On déserte son propre coeur
En échange de quelques roses
Offertes aux canons des fusils
On croyait que l'ordre des choses
Allait se mettre en fleurs aussi
On rêvait de changer la vie
Et de tout reprendre à zéro
Ça nous a donné la Bosnie
Et les amants de Sarajevo
Et les amants de Sarajevo
Mais
Qu'est-ce Qu'on A Fait De Nos Rêves?
Les rêves de nos vingt ans
Qu'est-ce Qu'on A Fait De Nos Rêves?
Même trop fous, même trop grands
Les rêves, les rêves
Les rêves de nos vingt ans
Les rêves, les rêves
Les rêves de nos vingt ans
On rêvait d'un peu d'équilibre
Entre les pauvres et les nantis
Mais désormais pour être libre
Il faut la cote de crédit
Désormais partout sur la terre
Bourgeois et prolétaires unis
N'ont plus qu'une hymne planétaire
L'internationale du Pepsi
L'internationale du Pepsi
Qu'est-ce Qu'on A Fait De Nos Rêves?
Les rêves de nos vingt ans
Qu'est-ce Qu'on A Fait De Nos Rêves?
Même trop fous, même trop grands
Les rêves, les rêves
Les rêves de nos vingt ans
Les rêves, les rêves
Les rêves de nos vingt ans
On rêvait aussi d'une terre
D'un pays qu'on croyait à nous
Mais y avait trop de propriétaires
Sorry, Thank you - Excusez-nous
Sur IBM ou Mc Intosh
Ces choses-là n'ont que peu de poids
Alors c'est au plus fort la poche
Sauve qui peut et chacun pour soi
Sauve qui peut et chacun pour soi
Qu'est-ce Qu'on A Fait De Nos Rêves?
Les rêves de nos vingt ans
Qu'est-ce Qu'on A Fait De Nos Rêves?
Même trop fous, même trop grands
Les rêves, les rêves
Les rêves de nos vingt ans
Les rêves, les rêves
Les rêves de nos vingt ans
Archives de Vigile Répondre
10 décembre 2010Ce sont les jeunes qui sont "pépèrisés" par le système de déséducation.
Ce n'est pas particulier au Québec, c'est tout l'Occident qui est affecté.
Même notre vieil ennemi est dans notre situation. Le Royaume Uni est techniquement devenu une province de l'Union Européenne. C'est le cas de tous les "pays" de l'UE.
Voyez l'âge des rebèles :
http://video.google.com/videoplay?docid=3923831226400400435#
La vidéo vaut la peine d'être écoutée.
Nous gagnerions à se joindre au mouvement occidental. La meilleure façon de se faire reconnaître !
Archives de Vigile Répondre
10 décembre 2010Monsieur Noël,
Mais les "pépères" sur Vigile.net, ils n'ont pas d'enfants, de petits-enfants? Ils ne leur ont pas passé le savoir?
Il ne faut pas toujours attendre que le parti politique ou le gouvernement fasse le travail pour nous!
Moi mon père m'en a parlé un peu. Et en lisant "Nègre blanc d'Amérique" au Cégep, j'ai bien compris que nous sommes encore des nègre blancs.
J'ai 32 ans.
Et puis, c'est pour cela que j'ai pensé à faire des vidéos, pour attirer l'attention des 15-30 ans qui sont déconnectés. Il ne faut pas leur en vouloir. Ce n'est pas de leur faute s'ils ont hérité d'un système d'éducation de merde où l'on enseigne plus l'histoire.
Je suis un rescapé parce que j'ai étudié en arts et lettres et que j'ai eu des professeurs formidables, stimulants. Autrement, avant d'arriver au Cégep, je n'avais jamais lu un roman, je ne pouvais pas faire une phrase "sujet-verbe-complément sans faire de faute(s) et je ne savais pas pourquoi il fallait voter. J'écrivais le mot "démocratie" comme ça: "demo crassie".
Je connais bien des jeunes qui sont allumés, mais ils en veulent aussi au babyboomers. Les babyboomers se ventent avec leur Révolution tranquille, mais depuis, que s'est-il passé? On a construit une petite société douillette, puis depuis 1982, on la regarde se désintégrer.
Donc c'est bien certain que les 18-30 aujourd'hui sont peut-être bien découragés de voir que non seulement il y en a beaucoup de pépère, mais qu'en plus ils devront les soutenir!
Archives de Vigile Répondre
10 décembre 2010Ben oui! Mais il faut aussi passer à l'action:
En 2 semaines, je suis parti de rien pour arriver à ça:
www.ecoeurement.com.
Voilà 2 semaines, je connaissais par Wordpress et je n'avais jamais fait de vidéo.
Je ne me gêne pas pour dire que je ne suis pas pépère.
Il faut aussi du soutient pour que je continue.
Je n'ai toujours pas reçu de photo de gens qui ont fait leurs pancartes et toujours pas de photos de gens qui ont collé une affiche dans leurs voitures.
J'ai même mis de la publicité, et si j'ai des revenus, je vais pouvoir acheter des logiciels pour faire plus et mieux. Pour l'instant, j'ai investi BEAUCOUP de temps et aussi de l'argent pour ça.
Donc, oui Monsieur Payne, j'ai moi-aussi l'impression que la société québécoise est pépère, ce qui inclut les jeunes aussi.
J'ai une bonne connaissance qui travaille en pub et qui m'a dit (et ça me désole) "moé je ne suis qu'un spectateur, je m'en crisse de la politique".
Moi je lui ai répondu que "même dans les gradins, les lions et les taureaux peuvent t'atteindre".
Regardez en France et en Grande-Bretagne, les gens sont dans la rue. En Grèce, en Espagne. En Suède.
Moi je donne un dernier coup. C'est clair que s'il n'y a que 2000 personnes le 12 février 2011 devant le parlement à Québec, je ferme le site. Surtout si j'attends encore après des gens pour m'envoyer des photos avec leurs pancartes et affiches. Je suis en Suède, et j'ai ma pancarte de Jean Charest de prête http://ecoeurement.com/tout-le-monde-a-sa-pancarte/
En attendant, organisez vous tous pour démontrer que vous n'êtes pas pépères :)
Moi je me suis déjà exilé parce que je trouvais ça insoutenable intellectuellement. J'ai été lâche, peut-être. Mais depuis que je suis en "exil", j'en fais encore plus politiquement que j'en faisais lorsque j'étais encore au Québec.
Mais le Québec me suit. Il me suit parce que bientôt, quand je vais rencontrer des gens ici, on va me demander "Why the hell Quebec turned into a Banana Republic?". Non, mais, vraiment, quand je rencontre d'autres exilés, des Somaliens, des Gambiens, des Irakiens, nous discutons ensembles et sommes tristes de la situation de nos pays respectifs. Regardez cette image trouvée sur TV5 http://ecoeurement.com/wp-content/uploads/2010/12/Apprendre-le-francais-avec-la-corruption.png
Non, vraiment, quand je discute avec expatrié Somalien en Suède, croyez-moi, je n'ai pas pitié de lui et je n'ai pas un sentiment de supériorité ! Lui, parce que je suis blanc, se demande comment c'est possible! Je lui dis que je viens du Québec, que nous sommes les nègres blancs d'Amérique.
Réfléchissez à cela !
Archives de Vigile Répondre
10 décembre 2010La cause nationale manque de relève: normal ca fait 15 ans qu'on en a pas parlé. Les moins de 30 ans n'ont jamais entendu parler d'indépendance autrement qu'à travers les chicanes de référendums au PQ.
Et la seule cause qui semble rallier la majorité des jeunes c'est l'environnement. Le sort des deux nounours au nord qui risquent de se noyer si la banquise fond trop rapidement...