Quelle place à l'immigration au Québec?

Les Québécois sont-ils vraiment intéressés à recevoir des gens venus d’ailleurs, quels qu’ils soient?

L'intégration au Québec

Par Karim Baddou*, Montréal
Je viens de lire avec intérêt l'éditorial de Jean-Robert Sansfaçon intitulé «Quelle immigration pour le Québec?» (Le Devoir, 12 août). La question qui doit être posée est plutôt la suivante: quelle place à l'immigration au Québec? Les Québécois sont-ils vraiment intéressés à recevoir des gens venus d'ailleurs, quels qu'ils soient?
J'en doute.
On pourrait dire que la seule immigration qui marche -- plus ou moins -- est la française. En apparence. Je suis Montréalais depuis quelques années. Avec mon caractère branché et ma personnalité, j'ai eu beaucoup d'amis français. Ils trouvent ça dur.
Ce que je peux dire, c'est que les gens qui ont des ambitions ont beaucoup de problèmes. À part si vous êtes quelqu'un d'exceptionnel. Ne parlons pas de ceux qui sont marginalisés à l'origine, comme ceux qui habitent à Montréal-Nord.
Les immigrants trouvent ça dur au Québec, et ce, quelles que soient leurs origines. À preuve: je viens du Maroc, mais cela fait sept ans que je suis dans les parages. Je reçois l'aide sociale depuis sept mois. J'ai gagné 70 000 $ nets et j'ai 40 000 $ de dettes... en sept ans. Les emplois que j'ai eus, ce fut par hasard. Puis on te jette dès qu'on n'a plus besoin de toi. Pas moyen d'avoir un emploi où on peut apprendre et bâtir une bonne expérience et... une vie.
Mon frère qui a eu un diplôme bien moins prestigieux que moi est rentré au Maroc après des études en génie en Russie. Aujourd'hui, il a 10 000 $ en épargne dans un compte bancaire au Maroc. Ma soeur a émigré aux Pays-Bas et elle vient de se marier à un Néerlandais. Sans connaître la langue et en balbutiant un anglais moyen, elle a décroché un poste de professionnel en marketing. Elle vient juste de m'envoyer de l'argent pour que je survive. Ma petite soeur qui m'aide... le comble!
Mes études? J'ai une maîtrise, reçue au Québec.
Des études adaptées au marché du travail? J'ai un bac technique.
La langue? J'ai eu A dans un cours de journalisme à l'Université de Montréal.
Le bilinguisme? J'ai vécu deux ans à Calgary, étudié à Calgary, eu une copine anglophone à Calgary. Je suis parfaitement bilingue donc, selon les examens fédéraux (CCC).
De l'expérience? Jetez un oeil à mon CV.
Pas de sérieux dans ma recherche d'emploi? J'ai utilisé toutes les ressources disponibles. Toutes les agences d'emploi ont mon CV. Je ne fais que ça depuis que je suis arrivé au Québec.
Trop «picky»? J'applique pour tout. Même pour être commis. Les techniques, le soutien administratif, les communications... tout, tout, tout.
L'apparence? Je suis plus que présentable.
Accommodement raisonnable? Je bois de l'alcool et je mange du porc. Ma mère qui est au Maroc ne porte pas le voile et je me fous de la religion.
Intégration sociale? J'ai plus d'amis québécois de souche que mon coloc québécois de souche lui-même peut en avoir. Ma dernière ex est une Québécoise pure laine. Trois ans de vie commune. Elle m'a quitté à cause de ma situation précaire.
Qu'est-ce que je fais? Je rentre au Maroc? Trop tard! Mes amis et collègues d'université là-bas sont devenus directeurs, professionnels reconnus. Que vais-je leur dire? Que je recevais du «BS»? De toute façon, je ne peux rentrer sur un échec. Je ne cherche pas l'American Dream, rassurez-vous. Parce que, oui, j'ai des amis marocains aux États-Unis qui gagnent dans les 300 000 $. Non, je veux juste une vie décente et respectable.
Dites-le à vos confrères et à votre peuple. Pour qu'ils ne soient pas surpris de voir de telles émeutes. Donnez aux gens du travail, point à la ligne!
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*NDLR: Exceptionnellement, pour ne pas nuire aux efforts de l'auteur, son identité réelle a été tenue secrète.


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